Guilty of romance

Découverte tardive de Sono Sion avec Guilty of romance, dernier volet de sa trilogie de la haine, où le cinéma de genre le plus radical se déploie dans un complexe labyrinthe narratif, formant un regard sans merci envers la société nippone. Christophe Chabert

Nos lecteurs les plus fidèles savent à quel point Sono Sion est un cinéaste important. Passionnément défendue par notre ami François Cau, son œuvre déjà longue (huit films, un neuvième déjà en boîte) n’avait pourtant jamais trouvé le chemin des salles françaises. C’est chose faite avec Guilty of romance, dernier volet d’une «trilogie de la haine», mais qui peut largement s’apprécier de façon autonome. Apprécier n’est pas forcément le terme adéquat, tant Sono Sion ne fait pas du cinéma aimable, flirtant avec les tabous moraux ou visuels.

Guilty of romance commence par l’enquête menée par une inspectrice autour d’un cadavre mutilé auquel on a cousu une tête et des pieds de mannequin, découvert dans un squat insalubre au cœur du quartier des love hotels. Flashback : Izumi, épouse docile d’un écrivain célèbre, veut occuper ses journées à autre chose que des tâches ménagères. D’abord vendeuse de saucisses dans un supermarché, elle se fait aborder par une femme qui lui propose de poser pour des photos de mode. Le shooting vire au porno gonzo mais, plutôt que d’en éprouver de la honte, Izumi y trouve une forme de libération. Progressivement happée par cette découverte d’une sexualité débridée, elle tombera sous le joug d’une étrange prof d’université, prostituée durant son temps libre.

Chemin de X

L’ambition romanesque d’un récit découpé en chapitres, rebondissant sans arrêt et ne laissant jamais deviner où il va s’engouffrer, est une des forces de Guilty of romance. Alors que sa mise en scène repose sur une digestion habile du cinéma de genre (du porno soft à l’horreur hard), l’ampleur de sa narration et la complexité de ses thèmes posent Sono Sion en auteur furieusement personnel. Car à travers le chemin d’extase et de souffrance d’Imizu, c’est la place de la femme dans la société japonaise que le réalisateur interroge : ni pute, ni soumise, son héroïne tente de trouver une voie où le plaisir du sexe ne serait ni puni ni montré du doigt par le patriarcat dominant.

Le film développe discrètement son discours derrière l’avalanche d’images brutales et de scènes chocs qui forment sa surface torturée et provocatrice. Certaines sont fabuleusement inspirées, comme celle où des ballons remplis de peinture rose viennent éclater contre le corps nu d’Imizu, métaphore orgasmique qui préfigure aussi l’effusion de sang à venir. Quitte à prendre le train en route, il n’est pas trop tard pour entrer dans l’œuvre de ce cinéaste en pleine maîtrise créative.

Guilty of romance
De Sono Sion (Jap, 1h52) avec Megumi Kagurazaka, Miki Mizuno…

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