The Wicker man
The Wicker man, chef-d'œuvre pop et psyché tourné en 1973 par l'Anglais Robin Hardy sort enfin dans les salles françaises.CC
Il aura fallu que les Américains en tournent un remake lamentable avec un Nicolas Cage en plein pédalage dans la choucroute, pour que les spectateurs puissent découvrir The Wicker man. L'appellation horripilante de «film culte» s'impose littéralement ici, puisque c'est bien un culte qui est au centre de cette histoire délicieusement perverse. Un policier anglais prude et vierge débarque sur une île pour enquêter sur la disparition d'une jeune fille. L'île est habitée par une sorte de communauté hippie dégénérée qui croit dans la fertilité sous toutes ses formes, et est prête pour s'assurer des récoltes fructueuses à de nombreux sacrifices. Ladite communauté est menée par un illuminé très classe - et pour cause, c'est le génial Christopher Lee qui l'incarne, lui permettant un temps d'endosser un rôle de «méchant» autrement moins cliché que les Dracula qu'il campait dans les productions de la Hammer.Grain(e) de folieLa grande idée du film de Robin Hardy (et du scénario d'Anthony Shaffer), c'est de montrer l'ambiance pop et psychédélique de l'île comme une manifestation extrême de la libération sexuelle des 70's. Les femmes y sont très peu vêtues et ne dissimulent pas leur désir (surtout la sublime Ingrid Pitt, lors d'une inoubliable séance de danse), on donne des cours d'éducation sexuelle dès l'école primaire, on chante des chansons sur la graine qui fait pousser l'homme qui, retourné à l'humus, fait pousser l'arbre... À la manière de certains films de propagande antidrogue, The Wicker man a beau montrer les dérives sectaires des utopies communautaristes, il ne peut s'empêcher de les rendre cinématographiquement exaltantes, d'adhérer à cette liberté débridée, bien plus séduisante que le rigorisme du flic catho, triste comme une taupe au fond de son trou. Ainsi, la dernière demi-heure, avec le défilé des habitants masqués, est un moment visuellement fascinant, suite fabuleuse d'images évoquant un rêve éveillé, et ce jusqu'au twist final, vraiment surprenant. Si le film est si marquant, c'est aussi par l'excellence de sa bande originale et de ses chansons, qui auront de prestigieux disciples (Badly Drawn Boy, notamment, les citent régulièrement comme des influences majeures). À l'époque, tant d'audace ne fut pas goûté sans une certaine réserve : le film a dû être remonté pour échapper à la censure, et si la version director's cut existe aujourd'hui, c'est avec un matériel loin d'être techniquement irréprochable. Qu'on se rassure, la version «courte» est déjà un sacré morceau de cinéma, qu'il aura donc fallu attendre plus de trente ans pour voir sur grand écran en France. Comme quoi, les remakes, même tout pourris, peuvent avoir du bon...The Wicker mande Robin Hardy (1973, Ang, 1h39) avec Edward Woodward, Christopher Lee, Ingrid Pitt...