Pignon sur rue

Cette fois ça y est, j'ai l'angle, le prétexte, tout colle, je suis fébrile mais j'ai pas peur, le sujet est béton : la guerilla vélorutionnaire grenobloise a essaimé et ouvert un local sur le campus, et le supplément étudiants du PB vous cause enfin du P'tit vélo nouveau, spécial étudiant. BERNARD DE VIENNE (adhérent du P’tit vélo)

Le résultat est beau comme dans un rêve de L’An 01 (le film tiré de la BD de Gébé passe à EVE ce lundi ! NDLR). Sur une mezzanine bas-de-plafond portée par des poutres métalliques, les carcasses de vélos attendent le démontage ou la réparation. Au rez-de-chaussée à gauche on trouve l’accueil pour les inscriptions, au centre, l’atelier qui mange presque tout l’espace. Le long des murs tout en couleurs : tiroirs et étagères de pièces détachées, établis, poubelles sélectives, lavabo pour enlever le cambouis. Ça fleure bon l’anarchie - non pas le désordre, mais bien l’ordre sans le pouvoir. Si chaque pièce, chaque outil n’était pas à sa place, une chatte n’y retrouverait pas ses petiots. Ce sont les salariés et bénévoles du P’tit vélo dans la tête qui ont œuvré à la transformation, à grands coups de matériaux de récupération, de ce hangar de 80m2 prêté par la fac. On y stockait des encombrants, mais il avait d’abord été construit pour abriter une station de pompage d’eau jamais mise en service. L’ouverture de ce second local, qui s’ajoute à celui de la rue de Londres, est un vrai retour à la source : «Le premier local du P’tit vélo en 1994 était dans la cave attenante à ce hangar, là où l’eau aurait dû se trouver, s’amuse Ben, salarié de l’association. On est sortis de terre !». L’inauguration a eu lieu en avril dernier et en musique : concert des Grumeaux puis soundsystem - alimenté par pédalier - pour fêter l’aboutissement de mois de travaux et la fin des embûches administratives.Vélo attitude
Raison sociale du P’tit Vélo : «développer la vélonomie, qui est la capacité à réparer soi-même son vélo et être autonome sur son moyen de déplacement, et promouvoir la vélorution selon la définition de Tronchet dans son Petit traité de la vélosophie». LE Tronchet de Fluide Glacial ? Lui-même. Concrètement, les nouveaux adhérents peuvent venir avec leur propre vélo et prendre une adhésion de base (13 euros) pour l’entretenir et le réparer, ce qui va de la simple crevaison au remplacement complet d’une fourche ou d’une transmission, au changement de câbles de frein, au dévoilage d’une roue et tout le reste. Avec les bons outils et les conseils qui vont avec, tout ou presque est accessible à l’étudiant lambda. Ceux qui n’ont pas de vélo peuvent acheter à vil prix une carcasse à remettre en état. Ceux qui ont moins de temps peuvent acheter un peu plus cher, mais à prix raisonnable (à partir de 30 euros), un vélo remis en état par les bénévoles ou les salariés de l’asso. Un service spécifique est en passe de voir le jour pour les étudiants étrangers. Voilà pour la base. Mais au delà de la vélonomie, les membres actifs mettent en avant des notions de solidarité, d’écologie et d’économie locale. La vélosophie de l’heureux cyclage implique l’utilisation massive de pièce de vélo hors d’usage dans le mobilier et la décoration. Le café est équitable et la bière est bio, les toilettes déconcertantes. Point de chasse d’eau mais de la sciure de bois, les déchets sont transformés en compost. «Comme on n’est pas raccordés aux égouts, c’était plus simple et moins coûteux de faire comme ça. Et puisqu’on est un lieu de passage, ça permet à pas mal de gens de voir comment fonctionnent les chiottes sèches, de constater que ça sent pas mauvais». Dans le même esprit, on peut se défaire le cambouis des mains en les frottant au marc de café. Rien ne se perd.Vélo pour tous
En parallèle, l’asso organise régulièrement des événements festifs ou militants autour du vélo en ville : libération de parkings par les vélos, véloparades, heureux cyclage, visites nocturnes ou matitudinales de quartiers grenoblois en empruntant un max de voies cyclables... Et pour la semaine Fête la rentrée organisée par EVE, le P’tit vélo a présenté sa (noble) mission aux étudiants et initié à la mécanique du vélo. Si vous avez raté l’occasion c’est pas bien grave, il suffit de rejoindre la cohorte de nouveaux adhérents : depuis avril l’atelier du campus compte déjà 350 inscriptions (650 rue de Londres en année pleine) et manque de bénévoles pour assurer des permanences et conseiller les néophytes. Notez bien qu’on peut être bénévole ET néophyte, vu que la transmission du savoir fait partie de la noble mission, et que tout cela s’apprend vite.