Rupture de ton

Mélopées orientales et R’n’B digital, noise dissonante et dancehall jamaïcain, électro expérimentale et hip-hop underground… DJRupture mélange tous les styles, et avec une classe folle. Entretien à l’occasion de sa venue à EVE. Propos recueillis par Damien Grimbert

Comment décrirais-tu ta musique ?Le plus simple est de télécharger gratuitement mon mix Gold Teeth Thief : www.negrophonic.com/goldteeththief.htmCe premier mix ne ressemblait vraiment à rien de ce qui avait pu être fait auparavant. T’es tu cependant inspiré de modèles ?Pas vraiment, j’ai juste mixé la musique de la façon dont je voulais qu’elle soit entendue. Mon style a évolué lentement, mais je l’ai poussé le plus loin possible, en essayant d’introduire le maximum d’aspects de mon background musical, plutôt que de réaliser une simple mixtape jungle, reggae, ou hip-hop.Tu es passionné par la musique nord-africaine, et des groupes comme Nass El Ghiwane. À quand cela remonte-t-il ?J’ai écouté de la musique marocaine pour la première fois il y a plus de 12 ans, quand j’étais encore enfant. Je ne sais pas pourquoi, mais ça m’a vraiment accroché. Et à partir de là, j’ai commencé à en chercher plus, à connaître mieux cette musique et son contexte.Tu as également été un gros fan de breakcore…Avant que le breakcore ne soit estampillé breakcore, c’était juste de nouveaux disques super excitants, qui prenaient l’enthousiasme et l’énergie folle du ragga, et le mixaient avec de la techno hardcore, de la musique industrielle et de la noise. J’aime beaucoup ces différents styles musicaux, donc lorsque j’ai entendu DJ Scud (pionnier de la scène breakcore, NDLR) jouer pour la première fois, j’étais vraiment soufflé. La jungle s’était transformée en ennuyeuse drum’n’bass à 2 temps, et ces nouveaux breaks bruyants, punks, qui sortaient sur des labels comme Ambush, Amputate et Praxis, m’ont beaucoup inspiré. Je suis également un grand fan de noise japonaise depuis mes 14 ans.Que penses-tu des reproches faits au hip-hop qui glorifie les armes à feu et les propos graveleux ?La violence est généralement le résultat de causes sociales profondes, et de larges inégalités structurelles. Le colonialisme était quelque chose d’incroyablement violent, et le néocolonialisme perpétue cet héritage de violence. L’Amérique vend plus d’armes dans le monde entier que n’importe quel autre pays. Les rappeurs et les MCs sont de simples individus, ils ne tiennent pas les rênes de la communauté, ce ne sont pas des politiciens qui tirent profit de la vente d’armes. Si l’on en arrive à placer des attentes dans les artistes musicaux en termes de changement, ou de sagesse politique, c’est vraiment que quelque chose ne tourne pas rond. Les rappeurs sont avant tout là pour divertir.Et des oppositions faites entre “musique underground consciente” et “pop grand public sans âme” ?Ce genre de propos émane de gens qui jugent la musique avant même de l’entendre. Un grand nombre de tubes commerciaux sont incroyablement innovants et créatifs, de même qu’un grand nombre de morceaux sauvagement underground sont ennuyeux et d’un grand conservatisme. Le breakcore, par exemple, est désormais devenu bien plus conservateur que les charts R’n’B américains. C’est une bonne chose de prendre en considération les notions de propriété et de contrôle dans la musique, mais la musique de qualité, comme celle de merde, est présente partout.De nombreux styles de musiques ghetto émergent des quatre coins du globe. Penses-tu que quelque chose les relie ?Rien ! Il ne faut pas tomber dans le piège de penser que les musiques de ghetto sont toutes les mêmes. Chacune d’entre elle vient d’un contexte différent, et très spécifique. Le grime, par exemple, est une scène minuscule cantonnée à Londres, alors que le reggaeton se vend par millions à travers tout le continent américain. Ce qui rend ces musiques si excitantes, c’est qu’il s’agit uniquement de formes locales, et qu’elles évoluent très rapidement. C’est ce qui m’enthousiasme, particulièrement dans les scènes hyphy, grime, et bien entendu dancehall.Quelle est ton opinion sur l’éternel débat “sampling / droits d’auteurs / téléchargement” ?«La copie tue le capitalisme !». Ah ah, non, plus sérieusement, dans mon travail personnel, j’ai arrêté d’utiliser des samples. C’est vraiment cool de travailler avec des musiciens, de collaborer. Mais, bien évidemment, j’adore la musique basée sur des samples. Et le téléchargement est un fait avec lequel tout le monde va devoir apprendre à vivre. J’espère juste que les gens qui téléchargent ma musique viennent à mes concerts pour me soutenir, parce qu’on doit tous manger…Sur quels projets travailles-tu actuellement ?Nettle, le projet live dans lequel je suis impliqué. Nous sommes un trio : un Marocain au violon et au banjo, une Ecossaise au violoncelle, et moi à la production, aux beats et aux claviers. Nous vivons tous à Barcelone, y sommes tous des étrangers, et notre musique le reflète. C’est une combinaison de sons arabes et du Maghreb, de production électronique moderne, et de musique expérimentale et improvisée. Nous composons la musique ensemble, donc c’est une vraie création hybride, pas un projet de “fusion world” dégoulinante, et c’est vraiment excitant… Nous allons tourner en Angleterre en juin, et sortir un album début 2007.Un peu de chauvinisme pour conclure, il y a des artistes français que tu apprécies particulièrement ?Je pense que Para One est l’un des meilleurs producteurs européens. Ce qu’il fait est hallucinant. J’achète ses productions depuis des années maintenant, de ses débuts dancehall aux beats de cinglés qu’il réalise pour TTC. Programme est également un groupe incroyable, et j’aime beaucoup les sorties du label de Rennes PeaceOff.Kaugumi Party avec DJ/Rupture, Filastine et Duracell samedi 27 mai à EVE

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