Revolution action

Électro / À la croisée de la techno, de l’indus et du punk, le berlinois Alec Empire, en solo ou au sein de son mythique combo Atari Teenage Riot, diffuse depuis plus de quinze ans une musique furibarde, inventive, et hautement politisée. Damien Grimbert

Berlin, début des années 90. Le mur vient de tomber, la ville grouille d’agitation. Les premiers sons techno et acid-house font leur apparition, des bâtiments à l’abandon sont réquisitionnés le temps d’une soirée par des ravers, et une effervescence culturelle se crée autour de cette nouvelle vague électronique alternative qui fait la nique aux charts FM. Âgé d’à peine 20 ans, Alec Empire délaisse un temps les groupes punk qui ont baigné son adolescence pour s’investir dans la production. À un rythme effréné (près d’un par mois !), il sort ses premiers maxis orientés techno underground, pressés à seulement cent exemplaires pièce. Pas de quoi laisser une trace, juste assez pour gagner sa vie. Mais l’évolution politique qui suit la réunification ne peut laisser indifférent le jeune berlinois, très attaché aux valeurs progressistes de sa ville natale. Le renforcement des lois régissant l’immigration, les incendies racistes, la montée du néo-nazisme le touchent au plus haut point. La volonté d’évasion des ravers, et leur absence de réaction aux événements qui marquent le pays lui font prendre ses distances avec cette scène encore naissante et Alec Empire, entouré de Hanin Elias et Carl Crack décide de passer à l’action. En 1992, le trio forme Atari Teenage Riot, un combo ouvertement politisé mêlant les rythmiques électroniques à la rage incandescente du punk et du hardcore, et à la radicalité des musiques industrielles. Le “digital hardcore”, dont le groupe fera sa marque de fabrique, vient de naître.Premiers pasRéagissant sans temps de latence aux attaques meurtrières de skinheads à Rostock et Hoyerswerda, le groupe sort à l’automne de la même année son premier single, Hetzjagd auf Nazis (littéralement “Traquez les nazis”) qui les fera remarquer par la presse spécialisée, aussi intriguée par l’inventivité musicale de ce nouveau collectif que par l’engagement intransigeant de ses différents membres. En 1993, ils sont même signés par le label anglais Phonogram, s’exilent plusieurs mois à Londres, sortent deux maxis, et font leur première tournée européenne. Mais à peine celle-ci terminée, Atari Teenage Riot rompt son contrat, et décide de fonder son propre label indépendant, Digital Hardcore Recordings, sur lequel sortent depuis la quasi-intégralité des productions de ses membres. Dans la foulée, le groupe décide de rompre définitivement avec la scène rave, qu’il fustige au travers du single Raverbashing. Et sort enfin en juillet 1995 son premier album, Delete Yourself, auquel succédera en 1996 The Future of War. Multipliant les prestations lives et bénéficiant désormais d’une audience internationale, le groupe recueille de nombreux éloges pour son défrichage musical, et voit sa musique enfin diffusée aux Etats-Unis par le biais du label Grand Royal des Beastie Boys. Désormais établi, le groupe multiplie les collaborations et les prestations solos, et accueille au cours d’une tournée son 4e membre, Nic Endo. En 1999, sort enfin l’ultime album studio de la formation, 60 Seconds Wipeout. Plus abouti que ses prédécesseurs, bien que tout aussi rageur, il greffe aux déflagrations soniques chaotiques, aux cris, et aux riffs stridents, l’énergie de la drum’n’bass et du hip-hop. Les prémices du mouvement breakcore viennent d’apparaître, et le single Revolution Action devient l’hymne de la jeunesse électro-punk. Mais deux ans plus tard, la mort brutale de Carl Crack vient brusquement mettre un terme à la formation. Digital Hardcore Recordings subsiste néanmoins et se consacre aux productions solos de ses membres. Parcours soloOn ne peut cependant pas vraiment parler de nouvelle étape pour Alec Empire, qui accumule collaborations, remixes (dont le traumatisant The Ice Princess and The Killer Whale Remix, qui immerge le chant de Björk dans un déluge sonore apocalyptique), DJ sets et albums solos depuis les débuts du groupe. Si certains de ces derniers s’apparentent plus ou moins à un prolongement de son travail au sein d’Atari Teenage Riot, d’autres lui permettent cependant de dévoiler un versant plus intime de sa personnalité, au travers d’expérimentations ambiant, indus ou technoïdes pas systématiquement des plus convaincantes, il faut bien le reconnaître. On y retrouve néanmoins ce goût pour l’expérimentation et la recherche d’innovation, qui lui aura permis de s’instaurer comme une référence pour de nombreux artistes contemporains. Futurist, son dernier album en date, fait quant à lui partie du haut du panier, l’artiste affinant ses principales lignes artistiques au travers d’une douzaine de morceaux à l’efficacité purement rock’n’roll. Ce qui ne devrait cependant pas empêcher sa prestation mardi prochain au Ciel de prendre des allures rétrospectives, l’artiste ayant promis de jouer plusieurs morceaux de ses précédents albums.Alec Empirele 7 mars à 20h30, au CielAlbum : “Futurist” (Digital Hardcore Recordings)

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