Green zone

En construisant un thriller d’action autour de la supercherie des armes de destruction massive irakiennes, Paul Greengrass orchestre brillamment la fusion entre ses œuvres politiques et la série des Jason Bourne. Christophe Chabert

La trajectoire de Paul Greengrass est assez sidérante. Parti d’un cinéma d’auteur engagé (le chef-d’œuvre Bloody Sunday, le superbe Vol 93), il s’est littéralement infiltré au sein des studios américains pour s’y approprier une franchise (la série des Jason Bourne) en imposant sa signature (caméra agitée et ultra-réalisme) et même ses obsessions (les mensonges d’un état qui abuse de son droit pour parer ses propres failles). Green zone opère la jonction entre la part la plus personnelle de son œuvre et son nouveau statut de cinéaste d’action. Il n’est pas interdit de voir dans ce thriller au propos très direct un cousin du Démineurs oscarisé de Kathryn Bigelow, autre cinéaste à la frontière entre le mainstream et la recherche esthétique. Green zone suit les traces, peu de temps après la chute de Saddam Hussein, d’un adjudant-chef (Matt Damon, héros taillé dans le marbre d’un idéal inébranlable) qui découvre, dès l’ouverture du film, que les sites où le dictateur stockait ses armes de destruction massive ne sont en fait que des entrepôts désaffectés. Cherchant juste à comprendre d’où vient le bug, il va démonter une ample machination longuement mûrie impliquant les plus hauts pontes de l’État américain.L’enfer du devoir
On retrouve ici le talent de Greengrass pour rendre aussi spectaculaire une conférence de presse qu’une vaste opération militaire dans les ruines de Bagdad, sa mise en scène privilégiant l’événement pur à la distance réflexive. Green zone garde ainsi la tête rivée au présent de l’action, ce qui rend palpitante une intrigue dont on connaît peu ou prou les tenants et les aboutissants. L’immersion est telle que le spectateur n’a pas d’autre choix que de suivre le parcours du héros, du terrain à la «zone verte» du titre — un bout de Floride reconstitué en plein cœur de Bagdad — puis dans les décombres d’un pays que Greengrass filme comme un enfer abstrait. La grande idée du film, c’est que ce héros n’a pas plus de passé que Jason Bourne ; de sa vie d’avant la guerre, on ne saura rien, et le film s’arrête sèchement sa «mission» accomplie, sans plus de discours ou de glorification. Un homme d’action dans un film d’action ; mais pas seulement… Green zone glisse insensiblement vers l’abstraction, multiplie les points de vue (dont celui, récurrent, des caméras à infra-rouge qui sont l’instrument du pouvoir plus que de la sécurité) avant de revenir dans un final grandiose à un affrontement titanesque, où l’iconisation des personnages est digne d’un McTiernan. Blockbuster ou film politique, peu importe : Green zone envoie du lourd.Green zone
De Paul Greengrass (ÉU, 1h55) avec Matt Damon, Amy Ryan…

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