La classe américaine

Astucieusement caché entre les têtes d’affiche de Musique en Stock, on trouve le choupinet Eli “Paperboy“ Reed, dont l’allure inoffensive masque une motherfucking bête de scène. FC

Edition 2008 du festival londonien Lovebox. En fin de journée, après quelque 6 heures de concerts hétéroclites (de Roni Size aux Dandy Warhols, pour vous donner une idée), direction une petite scène ayant l’avantage de proposer des chaises longues pour les festivaliers en bout de course. Vautrage instantané, une énième boisson énergétique censée donner des ailes bien en main. Un garçon tout timide, retranché derrière une guitare plus grosse que lui, s’avance vers le micro et bredouille quelques mots de présentation - c’est limite s’il ne s’excuse pas d’être là, et on sent que l’imposante section cuivres est là en renfort, au cas où de grosses brutes s’aviseraient de le rudoyer. Puis le premier morceau (Stake your claim, extrait de l’album Roll with you) démarre, et là on conchie illico nos préjugés : transfiguré physiquement par l’exercice de son art (c’est pas James Nesbitt dans la série Jekyll, mais pas loin !), celui qu’on prenait pour un livreur de journaux anonyme révèle un magnétisme rare, passant surtout par sa maîtrise vocale sidérante - l’atout massue de compos flirtant, avec la langue, avec des émotions soul qu’on pensait perdues dans la partouze sonore de la génération myspace. Boogie wonderboy
Histoire de vérifier si les saloperies qu’on a bues toute la journée n’avaient pas influé sur notre jugement, on se rue donc sur Roll with you. Et là, plus de doute, un miracle s’opère. Les titres s’égrènent avec une rapidité phénoménale, sans temps mort. Reed fait preuve d’une monstrueuse aisance à jouer sur des rythmiques et mélodies rétro mais jamais passéistes, que ses qualités d’interprète ne cessent jamais de sublimer. En fait, la recette peut s’expliquer facilement : l’artiste sait qu’il foule des sentiers musicaux violemment piétinés, il y va donc avec une saine humilité, avec pour optique de faire ses preuves le micro en main. Un modus operandi à ce point convaincant que le garçon signe son deuxième album (Come and get it) chez Capitol. Pour l’enregistrement, on le colle dans les pattes du mastodonte Mike Elizondo, producteur qui aligne sur son tableau de chasse Eminem, Pink ou Gwen Stefani. Qu’on se rassure : pas de bling bling ou de clip au bord de piscines remplies de champagne, le Paperboy reste fidèle à lui-même et livre un second opus tout aussi jouissif que son prédécesseur. Et sur scène, il a gagné en assurance tout en restant aussi modeste qu’à ses débuts. Une certaine idée de la classe. Eli Paperboy Reed
Samedi 10 juillet, au festival Musique en Stock de Cluses

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