Pierre Bréchon, le campus de Grenoble est-il de gauche ?

Pierre Bréchon, le campus de Grenoble est-il de gauche ?

Numéro étudiant / La fac de Grenoble à gauche ? Pour en savoir plus, on a rencontré Pierre Bréchon, professeur de sciences politiques et directeur honoraire de l'IEP de Grenoble.

Petit Bulletin : Le campus de Grenoble est-il un bastion de gauchos ?

Pierre Bréchon : Il est possible qu'il y ait des différences d'une ville à l'autre dans les orientations politiques des étudiants, mais on n'a pas les moyens de les connaître. Il faudrait faire une enquête précise. Donc c'est difficile à dire...

Pourtant, il n'y a quasiment que des syndicats de gauche à Grenoble...

Les syndicats étudiants représentent à peu près 0, 5% des étudiants. Donc au fond, ça n'indique pas vraiment la force d'un syndicat. L'Uni peut être absente, avec pourtant un pourcentage conséquent de gens orientés à droite. Car les étudiants votent très peu au moment des élections universitaires. L'idée d'avoir des représentants dans les œuvres universitaires n'arrive pas beaucoup à les mobiliser. Ce n'est pas forcément signe de dépolitisation : c'est surtout signe qu'ils ne voient pas forcément l'intérêt de se mobiliser.

Plus que les étudiants grenoblois, ce sont donc les étudiants dans leur ensemble qui seraient à gauche ?

C'est très compliqué les liens entre l'âge et le vote, au sens où ça bouge d'une élection à l'autre. Mais en effet, globalement, les jeunes – et notamment les 18-24 ans – sont assez fortement orientés à gauche au moment des principales élections. Ça a été le cas en 2007 : au deuxième tour, sur 100 votes des 18-24 ans, c'était à peu près 2/3 pour Ségolène Royal, contre 1/3 pour Nicolas Sarkozy. La jeunesse, c'est l'âge des grands emballements, de l'idéalisme... En vieillissant, on se tasse, et l'on devient plus précautionneux, plus soucieux de réalisme, d'ordre. Les plus de 60 ans sont souvent les plus conservateurs.

Du côté des profs cette fois-ci. Un exemple : la fac d'économie. Certaines théories sont encore enseignées, alors que ce n'est plus le cas dans d'autres facs de France... Grenoble, campus de profs gauchos ?

Comme les étudiants, les enseignants sont plus souvent à gauche. Après, en économie, il y a une spécificité grenobloise, parce que cette matière a été marquée par une tradition marxiste autour de noms connus. Dans les recrutements d'enseignants, il y a eu une certaine continuité, et au fond, dans les enseignants qui partent aujourd'hui à la retraite, il y a encore un certain nombre de gens qui viennent de cette tradition-là. Dans d'autres facs, les enseignants sont plus sur une conception de la science économétrique avec un soutien à des théories libérales. L'économie, en fait, est ouvertement marquée politiquement, plus que d'autres disciplines des sciences sociales. Il y a ainsi des différences selon les types de disciplines, à la fois du côté des étudiants, mais aussi des enseignants. Tout ce qui est gestion est globalement plus facilement à droite que la science économique, la sociologie ou la science politique

Finalement, les images comme Grenoble fac de gauche, ou Lyon III et Strasbourg facs de droite, ne tiennent pas tant que ça...

Il faut être très prudent. D'abord, une université est composite. Les bastions de la droite un peu dure à Lyon III, ce n'est pas tout Lyon III. Il peut même y avoir des gens de gauche qui enseignent à Lyon III – et j'en connais ! En même temps, la réputation n'est pas totalement fausse, parce qu'il y a quand même dans cette université des enseignants qui sont marqués à droite et à l'extrême droite. Pour Strasbourg, ce qui joue beaucoup, c'est aussi la région : l'Alsace est un bastion de droite. Un campus attire un bassin sur une région, donc les jeunes qui viennent de ces régions sont aussi plus marqués à droite.

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