Quinzaine des fiertés à Grenoble : le combat continue pour les LGBT+

Quinzaine des fiertés

Grenoble

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Pride / Jusqu’au 5 juillet, la Quinzaine des Fiertés bat son plein à Grenoble avec, en point d’orgue, la traditionnelle Marche des Fiertés le 1er juillet. Un moyen pour la communauté LGBT+ de mettre en lumière les discriminations auxquelles elle est toujours confrontée. État des lieux, 10 ans après l’instauration du Mariage pour tous.

La séquence est significative. Exhumé par le récent documentaire Homos en France, un extrait de la série culte américaine des années 80 Dynasty, dans lequel le personnage de Steven révèle son homosexualité, varie quelque peu dans sa traduction française : « Steven is gay » devient… « Steven est malade ». Ça, c’était la France de 1981. Depuis, il y a eu la dépénalisation totale de l’homosexualité en 1982, d’autres lois condamnant l’homophobie, mais aussi l’instauration du Mariage pour tous, dont on fêtait les 10 ans le 17 mai dernier, Journée mondiale de la lutte contre l’homophobie et la transphobie. L’occasion de dresser un bilan sur le sujet, alors que la Quinzaine des Fiertés se tient en ce moment même à Grenoble jusqu’au 5 juillet (voir ci-contre). Si le cadre législatif a évolué, l’homophobie, et plus largement les LGBTIphobies (visant les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, queers, intersexes et autres personnes se reconnaissant dans d’autres orientations sexuelles ou identités de genre), se sont-elles atténuées ? En 2023, Steven est-il toujours « malade » ?

Les derniers chiffres ne vont clairement pas dans le bon sens. Selon le ministère de l’Intérieur, les atteintes anti-LGBT+ ont augmenté de 3% en 2022. Depuis 2016, on enregistre +129% de crimes et délits et +115% de contraventions. La Préfecture de l’Isère, quant à elle, nous informe que 79 procédures pour de tels actes ont été recensées en 2022 dans le département. « On sait que ces chiffres sont en-dessous de la réalité puisque peu de victimes déposent plainte. C’est difficile, ça touche à quelque chose de très personnel, surtout pour des personnes qui n’ont pas fait leur coming-out et qui ont besoin d’une certaine confidentialité vis-à-vis de leur employeur ou de leur famille. Et quand les victimes déposent plainte, le motif anti-LGBT+ n’est pas toujours retenu », décrypte Antoine Blanchard-Royer, délégué Dauphiné-Alpes-Nord de SOS Homophobie.

« J’hésite à le tenir par la main »

Aujourd’hui encore, les personnes LGBT+ vivent dans une certaine insécurité en France et n’ont pas toujours la possibilité de s’assumer pleinement. « Je vis avec le même homme depuis le lycée et j’hésite encore à le tenir par la main ou à l’embrasser dans le tram, ce que je fais plus facilement en Espagne ou au Canada », poursuit Antoine. Gilles Grand, président de l’association Rando’s Rhône-Alpes, qui organise des activités de plein air et de montagne à destination des personnes LGBT+, abonde : « Moi, des homosexuels qui s’embrassent dans la rue, je n’en vois pas. On vit encore dans une société homophobe, qui est loin d’avoir assimilé ces questions-là. »

Pourquoi une telle inertie dans les mentalités, alors même que le cinéma, les séries, la culture populaire semblent s’être emparés largement du sujet ? « Il faut du temps, car on est sur des échelles de générations. Le problème, c’est encore l’éducation des garçons – des filles aussi – mais surtout des garçons. C’est pour ça que notre association intervient beaucoup dans les écoles », explique Antoine Blanchard-Royer.

La transphobie en hausse

Dans son dernier rapport, SOS Homophobie, qui recueille des témoignages via sa ligne d’écoute, souligne une augmentation importante du nombre d’actes transphobes en 2022 (+27% par rapport à 2021,+35% par rapport à 2020), décrivant majoritairement des situations de rejet, mais aussi des insultes, discriminations, harcèlements, agressions physiques, etc. Selon un responsable de Rita, association grenobloise de santé communautaire trans et intersexe, « cela est lié à la médiatisation des questions trans, qui s’accompagne toujours d’une réponse de l’opinion publique. Plus on est visibles, plus on s’expose… Ces derniers temps, des paroles transphobes sont régulièrement prononcées et banalisées dans certaines émissions, comme Touche pas à mon poste ». Antoine Blanchard-Royer partage cette analyse : « Il y a des gens, notamment dans les milieux religieux, qui continuent à nier l’existence des personnes LGBT+. Tant qu’on reste invisibles, ils se taisent. »

Sofiane, membre de l’association Grenoble Fiertés qui organise la Quinzaine du même nom, fait part de son amertume : « Mes parents, jusqu’à l’année dernière, n’acceptaient pas ma transidentité. Nous, on aimerait juste vivre comme tout le monde. Mais pour l’instant, en tant que personnes trans, on est obligés d’être dans la revendication. Par la force des choses, s’affirmer en tant qu’individu, c’est déjà quelque chose de militant. »

Un militantisme qui porte tout de même ses fruits : la loi française, pas à pas, évolue aussi au sujet de la transidentité. Entrée en vigueur en 2017, la loi de modernisation de la Justice du XXIe siècle prévoit qu’une personne trans peut changer de prénom sur simple déclaration en mairie. Pour modifier la mention de sexe, cela se passe toujours devant un tribunal, mais sans avoir à présenter de documents médicaux attestant d’une stérilisation. Bien mais insuffisant pour l’association Rita : « Cela reste une procédure lourde, d’autant que certains juges refusent d’appliquer la loi et exigent encore des documents médicaux… » Même souci du côté des mairies, parfois réticentes à appliquer les règles en vigueur : « Si vous êtes à Béziers ou au Puy-en-Velay, ça risque de ne pas très bien se passer. À Grenoble, en revanche, on a une mairie assez singulière sur le sujet, qui s’engage pour faciliter les démarches. »

Grenoble, une ville "safe" ?

La municipalité grenobloise est également saluée par SOS Homophobie pour son travail en faveur des droits LGBT+. « Il y a souvent plus de problèmes dans des villes dirigées par la droite, mais on ne peut pas dire que tout se passe bien dans l’espace public à Grenoble », tempère Antoine Blanchard-Royer. À ce propos, Gilles Grand rappelle la vocation première de son association Rando’s : « Être un espace de rencontres et d’échanges. À Grenoble, il y a extrêmement peu de lieux où se retrouver. On n’a pas de quartiers gay, comme à Paris ou même à Lyon où il y a au moins trois bars dans le même quartier. » Sur le cours Jean-Jaurès, le Café Noir organise de façon régulière des soirées LGBT+. En face, le LP3 by Dali est le seul bar dédié de la ville, clairement identifié avec sa façade arc-en-ciel. Malgré toutes les précautions qu’elle prend pour rendre son établissement "safe", la patronne le constate : « Quand on est en terrasse, qu’il y a des drags ou deux mecs qui s’embrassent, on entend des insultes fuser ! » Un climat d’homophobie latente qui fait dire à Sofiane, de Grenoble Fiertés, « qu’il faut toujours rester en alerte. Quand on voit ce qui peut se passer à l’international, aux États-Unis par exemple où certains États se montrent très intolérants, on se dit que rien n’est jamais acquis ».


La Quinzaine en détail

« Donner plus de visibilité à des associations, des initiatives, aller au-delà de la simple Marche des Fiertés. » C’est ainsi que Garance et Sofiane, de l’association Grenoble Fiertés, présentent l’objectif de la Quinzaine des Fiertés qui se déroule cette année du 16 juin au 5 juillet. Le programme, participatif, s’avère touffu. Outre la fameuse Marche le 1er juillet, suivie notamment d’un after techno à l’Ampérage, on y retrouve, entre autres, deux sessions skate à la Bifurk, deux soirées drag (au LP3 by Dali et au centre LGBTI), une initiation au tango aux Jardins d’Otium, une projection au Pathé Grenoble, ou encore différents apéros bienveillants au Trankilou, à l’Ouest, au Commun des Mortels et au café Le Square.

Programme complet sur grenoble-fiertes.com

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