Jeudi 19 octobre 2023 La standing ovation finale récompensait-elle le spectacle ou la carrière sportive incroyable de Martin Fourcade ? Difficile à dire tant Hors-piste, dont (...)
«J'ai mis dans Martyrs ma colère contre le monde»
Par François Cau
Publié Mercredi 27 août 2008 - 5259 lectures
Pascal Laugier, réalisateur de «Martyrs» explique sa vision du genre, et son désir de transgression et de subversion. Propos recueillis par Christophe Chabert
Pascal Laugier : Vous auriez pu dire formaliste, aussi, concernant Saint-Ange… On est forcément à l’écoute des reproches qui nous sont faits, des critiques que l’on reçoit. Mais surtout, je ne voulais pas faire à nouveau un film référentiel, un film où le cinéaste reproduit sa collection de DVD. Je pense que le fantastique actuel a tendance à tourner en rond, à se mordre la queue.Le film n’appartient pas vraiment à un genre précis, c’est une sorte de thriller…
Je revendique le fait d’avoir fait un film d’horreur, mais dans le sens le plus large du terme. En France, on a souvent une vision restrictive de ce genre, alors qu’en Amérique ou au Japon, le terme «horror» englobe aussi des œuvres très réalistes, pas forcément fantastiques. J’ai essayé de faire rentrer dans Martyrs d’autres genres en cours de route, le film de monstre, le film de fantômes…Martyrs est construit comme une montagne russe scénaristique, mais la dureté de ce qui est montré et le sérieux du film font que le spectateur ne peut pas y prendre du plaisir.
C’était fondamental. Je voulais que le film soit toujours du point de vue des personnages, des victimes, il fallait donc que j’épouse leur tristesse et leur souffrance. Si j’avais essayé de faire quelque chose de fun ou d’ironique, toute l’identification aurait été perdue. Je déteste le cinéma qui se moque de son sujet, pour qui seul compte le clin d’œil complice avec le spectateur. C’est ce qui a tué le genre dans les années 80. Je voulais revenir à l’essence subversive du cinéma d’horreur : des films qui parlent de sujets forts de façon à la fois directe et allégorique. C’est ce cinéma-là que j’ai toujours aimé. Je ne suis pas venu au genre parce que j’étais complexé par mon poids, par les boutons que j’avais sur la gueule. J’y suis venu parce que j’étais attiré par sa dimension politique et subversive.En France, quand les cinéastes font ce type de films, la subversion passe par le sadisme, la représentation de la douleur physique et mentale…
Je n’ai pas cette définition du sadisme et je ne pense pas être du côté des sadiques du film. Certains le pensent et disent que je suis un nazi et un misogyne. Je ne crois pas que Martyrs soit un succédané d’Hostel, même si je n’ai rien contre ce film par ailleurs. Je prends vraiment au sérieux la violence de ce qui est sur l’écran. D’où la partie centrale, très triste, sans effets, répétitives : il faut que le spectateur ressente ce que c’est que d’être séquestré, giflé, frappé…J’insiste : dans le fantastique espagnol, par exemple, le sujet systématique, c’est l’attaque contre la famille… En France, chez Gens, Aja, Bustillo ou dans Martyrs, c’est la souffrance physique…
Je pense aussi avoir mis ma colère contre le monde actuel, le pays dans lequel je vis, l’époque que je traverse. Pour moi, les bourreaux et les fascistes ont déjà gagné, et je ne serai peut-être plus là pour voir leur triomphe au grand jour. Cette noirceur-là est dans le film, et j’assume parfaitement d’avoir fait un film nihiliste et désespéré.La relation amoureuse entre Anna et Lucie était-elle si évidente dès l’écriture du scénario ?
J’ai toujours pensé qu’Anna était amoureuse de Lucie, mais c’était seulement suggéré. C’est sur le tournage que j’ai eu envie de clarifier les choses en y ajoutant cette scène de baiser. J’ai réuni les deux actrices le jour de la scène, je leur ai proposé de la tourner comme ça, et elles ont accepté. En définitive, c’est fondamental pour comprendre la dernière partie : le martyr que vit Anna, ce n’est pas seulement les tortures qu’on lui fait subir, c’est surtout la douleur d’avoir perdu l’être aimé. Là encore, je pense que le cinéma d’horreur peut traduire des choses fondamentales comme l’absence amoureuse. Par exemple Possession de Zulawski est le film qui dit les choses les plus fortes que je connaisse sur l’infidélité, le fait d’être trompé, de voir la femme qu’on aime nous échapper. C’est vrai que dans le film Adjani fait l’amour avec un monstre, mais moi, quand je le regarde, j’ai envie d’être amoureux, de faire l’amour avec des femmes… Quand j’ai écrit Martyrs, j’étais déprimé, ma copine m’avait quitté, et tout cela se retrouve dans le film.Dans quel état êtes-vous après la bataille autour de l’interdiction du film aux moins de 18 ans ?
Fatigué. Certaines réactions, notamment la mobilisation de principe des professionnels, m’ont vraiment fait chaud au cœur. Par exemple le Syndicat des critiques, qui ont réagi sans avoir vu le film. Certains vont le détester, mais ils se sont battus pour qu’il puisse exister en salles. Concernant l’interdiction, je me fous que mon film soit interdit aux moins de 18 ou même de 24 ans. Mais il y a une loi qui dit que ce genre de films doivent être interdits aux moins de 16 ans. Si on estime que les adolescents ne sont plus aussi mûrs qu’avant, qu’aujourd’hui pour supporter des images comme celles-là ils doivent avoir plus de 18 ans, on change la loi, on ne fait pas des combines qui ne respectent pas les principes édictés. Mais cela ne règle pas tout : le film ne sort pas chez UGC, il n’y aura que 50 ou 60 copies en France, donc de toute façon, il est déjà condamné commercialement. Je pense beaucoup plus à sa vie à l’export, dans des festivals comme Toronto ou Sitges qu’à sa sortie française. En France, quand on veut faire du cinéma de genre, on ne se sent pas aimé. C’est un constat que font tous les cinéastes. On se le dit entre nous, même quand on n’aime pas forcément les films des autres, on sait que l’on est toujours pris de haut, par les producteurs, les investisseurs, les chaînes de télé. Aujourd’hui, j’ai envie d’aller là où je me sens aimé. Peut-être qu’un jour un type va arriver et faire un chef-d’œuvre définitif du cinéma de genre en France… Mais en attendant, on est condamné à travailler comme des misérables avec quelques millions d’euros obtenus sur des malentendus.
pour aller plus loin
vous serez sans doute intéressé par...
Vendredi 15 septembre 2023 Que se passe-t-il dans les musées en cette fin d'année ? Du dessin, de la photo, de l'architecture, des planètes... Petit tour des expos qui vont rythmer l'automne.
Lundi 18 septembre 2023 On attend avec impatience la création d'Olivier Martin-Salvan, Péplum médiéval, présenté comme une déclaration d'amour au Moyen Âge.
Mercredi 6 septembre 2023 C’est littéralement un boulevard qui s’offre au cinéma hexagonal en cette rentrée. Stimulé par un été idyllique dans les salles, renforcé par les très bons débuts de la Palme d’Or "Anatomie d’une chute" et sans doute favorisé par la grève affectant...
Vendredi 18 août 2023 Les critiques express des films qui arrivent à l'affiche des cinémas de Grenoble cette semaine.
Vendredi 18 août 2023 Autopsie de la déchirure d’un couple et d’un fait divers sous le regard aveugle de la justice ainsi que d’un enfant malvoyant, Anatomie d’une chute est un film de procès où le son joue un rôle capital. Une bonne raison d’écouter la parole de Justine...
Vendredi 18 août 2023 38 à 39°C annoncés ces prochains jours : la tentation est grande de prendre sa voiture pour quitter la cuvette grenobloise et perdre quelques degrés, en montagne ou à la campagne. On peut aussi plus vertueusement s’appuyer sur les réseaux de...
Mercredi 28 juin 2023 Il y a 3 ans, Martin Fourcade a raccroché les skis ; et le voici désormais, comme il le dit lui-même, « sur d’autres planches ». Celles du théâtre, et plus (...)
Mercredi 28 juin 2023 Alors que vendredi 30 juin, à midi, une « mobilisation citoyenne pour la défense des emplois et projets artistiques, et contre les atteintes à la liberté d'expression et de création » est prévue devant le siège de la Région à l'appel de nombreux...
Vendredi 9 juin 2023 Avant la présentation de saison au public prévue jeudi 15 juin à 19h30 et l’ouverture de billetterie du samedi 17 juin à 13h, on détaille une partie de ce que l’on pourra voir entre septembre 2023 et mai 2024 sur les différentes scènes de la MC2. Et...
Jeudi 8 juin 2023 Sa toute première programmation en tant que directeur de l’Hexagone, l’année dernière, aurait pu dérouter le public. Il n’en est rien, Jérôme Villeneuve annonce (...)
Lundi 19 juin 2023 La musique classique contemporaine réunie autour de la figure d'Olivier Messiaen, pour des concerts en altitude mais aussi des randos musicales, colloques et rencontres.
Mercredi 7 juin 2023 L’exposition “Le musée sous toutes ses coutures” s’installe au musée Dauphinois, où les influenceurs s'approprient le lieu à leur manière. Par Jade Nonglaton
Lundi 19 juin 2023 Qui dit Saint-Étienne et début d’été dit… Festival des 7 Collines, cirque, musique, danse, rires, passion, émerveillement, waou et ça alors. Tour d’horizon d’une 29e édition, comme toujours au poil.
Mardi 9 mai 2023 La vérité dépasse parfois la fiction, dit-on. Dans le cas du Principal, Chad Chenouga s’empare d’une histoire aussi invraisemblable qu’authentique, qu’il amende d’éléments personnels. Explications recueillies lors des Rencontres du Sud.
Lundi 24 avril 2023 Le secteur culturel grenoblois s’empare, depuis peu mais à bras-le-corps, du sujet épineux de la transition écologique. Mobilité des publics, avion ou pas avion pour les tournées des artistes, viande ou pas viande au catering, bières locales ou pas...
Mardi 11 avril 2023 Invité aux Rencontres du Sud pour présenter sa nouvelle comédie "La Vie pour de vrai", Dany Boon évoque les lointaines inspirations qui l’ont aidé à modeler son personnage de candide. Comme son rapport inattendu à Agnès Varda, Michel Ocelot ou...
Mardi 11 avril 2023 Présenté en ouverture des Rencontres du Sud avignonnaises, "Le Prix du passage" rappelle la douloureuse situation des migrants bloqués aux portes de la Manche, ainsi que la réalité des trafics humains. Un “film social“ loin des codes du genre, que...
Lundi 27 mars 2023 Une fresque sera apposée rue Gabriel-Péri entre le 1er et le 9 avril.
Lundi 13 février 2023 Des falaises du Mont-Blanc aux tourments du service militaire, des salons d’arts décoratifs aux squats lyonnais, pour arriver jusqu’à Voiron : rencontre avec François Germain, un anticonformiste qui a fondé, il y a 10 ans, la Théorie des Espaces...
Lundi 13 février 2023 Dans la catégorie humoriste nonchalant, on demande le pas encore trentenaire Paul Mirabel, drôle de Zèbre (c’est le nom de son spectacle) qui cartonne depuis (...)
Vendredi 10 février 2023 Une initiative grenobloise lancée par Mathilde Morel. « Avec deux enfants, je me suis retrouvée avec pas mal d’affaires sur les bras et pas le temps ni la (...)
Lundi 30 janvier 2023 Ses collages étaient l'un de nos coups de cœur du dernier Street Art Fest ; Madame propose une exposition solo à la galerie Spacejunk, jusqu'au 18 mars.
Vendredi 27 janvier 2023 Tous deux déjà passés à Grenoble à de nombreuses reprises, I Hate Models et Mila Dietrich partagent une passion commune pour la techno sombre et rugueuse bien (...)
Lundi 16 janvier 2023 Pour la première fois, la Grande Odyssée VVF quittera les Pays de Savoie pour deux étapes en Isère, tout près de Grenoble. On vous dit tout ce qu’il faut savoir sur cette course mythique, l’équivalent du Tour de France pour le chien de traîneau.
Lundi 16 janvier 2023 Trois soirées électro à Grenoble pour faire bouger tes nuits : Ed Isar le 24 janvier à la Bobine, Umwelt le 27 janvier à l'Ampérage et une Semantica Records night le 28 janvier à la Belle Électrique.
Lundi 16 janvier 2023 « Quand vous êtes amoureux.se, vous êtes ? » Voici la question posée sur un écran. Plusieurs possibilités sont offertes au lecteur, toutes composées de citations (...)
Lundi 2 janvier 2023 À voir dans les cinémas de Grenoble cette semaine : "Nostalgia", "Cet été-là", "Les Survivants", "Tirailleurs"...
Lundi 2 janvier 2023 Déambulation rue de Strasbourg : notre regard s’arrête sur une nouvelle vitrine qui encadre l’intérieur d’un commerce rempli d’objets colorés et vintage. (...)