Leonera

Chronique fictionnelle d’une prison accueillant des mères et leurs enfants, Leonera est une réussite reposant sur la complicité entre Pablo Trapero (réalisateur) et Martina Gusman (actrice et co-auteur). Christophe Chabert

Après le génial Hunger, retour à la case prison avec le beau Leonera de Pablo Trapero. Mais là où MacQueen filme ses hommes enfermés avec une stupéfiante radicalité formelle, le cinéaste argentin choisit un réalisme efficace pour parler de la condition des femmes-mères en prison. Après un générique en forme de comptine illustrée de dessins naïfs, Leonera attrape son personnage principal, Julia, au lendemain d’une nuit visiblement mouvementée. Elle s’habille, enquille calmement une journée de travail, puis rentre à son appartement où l’attendent ses deux amants baignant dans le sang d’une scène de crime sauvage. En est-elle l’auteur ? Pourquoi en avoir refoulé le souvenir ? Le film décale le moment des explications pour se concentrer sur le présent de cette héroïne ambiguë : arrestation, transfert pour une prison de femmes, premiers contacts difficiles avec la population carcérale… En cours de route, on apprendra que Julia est enceinte, et que l’institution dans laquelle elle se retrouve est réservée aux femmes dans son cas.Lionne en cage
La mécanique criminelle du film se commue alors en chronique d’une réalité peu vue à l’écran : ce lieu à mi-chemin entre la crèche joyeuse et une déprimante impasse sociale, où il n’y a que des mères et des enfants et où chacun essaye de vivre comme si de rien n’était. Pablo Trapero compose alors d’intenses moments de cinéma où la métaphore de la «lionne» (traduction du titre) en cage prend tout son sens. Rendues à leur seul instinct maternel, ces femmes retrouvent des réflexes d’animaux sauvages : préserver leur progéniture des dangers extérieurs (que ce soit les matonnes inflexibles ou les grands-mères inquiètes) et lier des amitiés tendres avec le reste de la meute pour tromper l’ennui. Dans un cinémascope somptueux et des clairs très obscurs, le cinéaste capte ces corps débordant d’une vie brouillonne, communauté sans chef où la violence peut se retourner contre les geôliers mais aussi contre soi. Si, comme dans les autres films de Trapero, le récit s’enlise un peu en cours de route, il trouve un nouveau souffle dans sa dernière partie, véritable petit thriller qui rappellera aux cinéphiles l’œuvre qui avait révélé le cinéaste, El Bonaerense. Un dernier tiers qui souligne le talent époustouflant de Martina Gusman, actrice principale mais aussi co-scénariste et productrice. Elle est celle lionne magnifique qui porte autant son personnage qu’un qui lui doit presque tout.Leonera
de Pablo Trapero (Arg, 1h53)
avec Martina Gusman, Eli Medeiros…

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