Rapt

En s’appropriant avec finesse toutes les ambiguïtés d’un fait divers aux finalités troubles, Lucas Belvaux élabore un étrange objet cinématographique se jouant des notions de réalisme. François Cau

La caméra commence par accompagner la frénésie de son personnage principal. Stanislas Graff (Yvan Attal, enfin revenu parmi nous), PDG en flirt permanent avec les plus hauts sommets de l’Etat, père pressé, mari évanescent, joueur compulsif, insomniaque probable. Sa course quotidienne s’arrête avec son kidnapping en pleine rue. Un processus rapide, efficace, que Lucas Belvaux filme sèchement, avant de mettre un coup de frein au rythme trépidant de sa mise en scène. Les plans conservent leur ampleur visuelle, mais resserrent les cadres, jouent à les déconstruire en brouillant les perspectives. Les premières scènes de détention, dans leur noirceur, précipitent l’empathie pour la victime avant de la remettre en question quelques scènes plus loin. Le scénario nous présente les seconds rôles méthodiquement, place ses pions et enclenche le processus de divulgations des secrets de son héros, lui fait progressivement prendre le pas sur l’issue de l’enlèvement. Et l’enquête comme les négociations avec les ravisseurs de se muer en constants jeux de dupes, filmés en prise directe avec l’action et dialogués avec une évidente précision.Fragments chronologiques
Cette schizophrénie dans le traitement traduit la volonté initiale de Lucas Belvaux – livrer sa propre interprétation cinématographique des conséquences de l’affaire d’Empain dont il s’inspire. Point d’approche documentaire ici, de recherches préalables sur la réalité des faits, mais une vision la plus globale possible, sans commentaires ou jugements autres que ceux contaminant peu à peu les personnages. Cette menace grondante, mise en balance avec le calvaire aliénant du personnage principal (et la dégradation physique d’Yvan Attal), accomplit son office et sème le doute : le but du film n’est pas de proposer un éclairage net et définitif sur l’affaire, mais de mettre le spectateur face à ses propres velléités morales (et moralisatrices), tout en lui offrant tous les points de vue envisageables. De cette vision forcément morcelée ressort l’image d’un homme mis malgré lui hors du monde, des échanges improbables, parfois jubilatoires, des scènes de tension brillamment orchestrées, et un film impressionnant de maîtrise, au casting inattendu mais judicieux (voir les étonnantes composition de Gérard Meylan ou Michel Voïta pas vraiment coutumiers de cette qualité de jeu), dont l’apparente froideur n’est que de façade. Rapt
De Lucas Belvaux (Fr, 2h05) avec Yvan Attal, Anne Consigny…

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