Paulo Anarkao

Portrait d’un père anar, apolitique, asocial, artiste du dimanche, doux drogué et échangiste convaincu, par son fils qui l’a peu connu. La télé réalité est priée d’aller se rhabiller. FC

Amateurs d’images léchées, de cadres travaillés au millimètre, prenez vos jambes à votre cou. Le film de Gérald Touillon est une matière brute, une prise sur le vif d’instants presque volés à un individu cultivant le paradoxe d’être à la fois rétif à la capture de son image par la caméra, tout en se mettant systématiquement en scène avec une gourmandise certaine… Rassurez-vous, le résultat est tout de même loin d’être indigent, et s’accorde même esthétiquement à son propos, grâce à un montage tout ce qu’il y a de plus pertinent, nous dévoilant son sujet dans toutes ses sidérantes contradictions. Soit la découverte progressive du mode de vie du dénommé Paulo Anarkao, artiste de rue entretenant avec passion son goût de la marge. Le réalisateur, même s’il confesse sa relative méconnaissance du bonhomme, possède tout de même une longueur d’avance sur le spectateur et commence par enchaîner des saynètes drolatiques, où notre hurluberlu expose sans aucune pudeur ses certitudes sur la politique, le travail, la société, la famille, les femmes. Anar contre anar
Et c’est là que le film se corse. Tournant le dos à la complaisance, Gérald Touillon sort petit à petit de son rôle d’observateur pour intervenir dans le flot discontinu de considérations de son paternel, qu’il n’hésite pas à confronter, brouillant un processus d’identification déjà bien mis à mal par les écarts de conduite de cette iconoclaste figure de proue narrative. Un individualiste forcené dont les liens affectifs se résument aujourd’hui à une série de partenaires sexuelles occasionnelles, et dont les aspirations sont bien éloignées des idéaux dont il se gargarise. Lorsque le film entre de plain pied dans la sexualité de son héros, le point de vue se fait tour à tour faussement déconnant et vraiment glauque, non par pudeur, mais via le regard de plus en plus prégnant du fils sur les frasques de son père. Cette présence assumée fait tout le sel du film, comme son contrepoint discursif nuancé. Soit la rare occasion pour une génération, non de demander forcément des comptes (le réalisateur partage bon nombre de convictions avec son sujet), mais de tenter de comprendre ce que signifie la pérennité de l’idéologie soixante-huitarde dans notre société. Ce qui nous donne au final un portrait sans concessions, pétri de tendresse et de défiance, dont la conclusion musicale parachève l’amertume certaine. Paulo Anarkao
De Gérald Touillon (Fr, 1h27) documentaire
Jeudi 26 novembre, à la Bifurk

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