Dernier cauchemar

CRITIQUE / Encore une famille sur laquelle les dieux s'acharnent. Dans Iphigénie en Tauride, (suite d'Iphigénie en Aulide), tragédie écrite par Euripide qui inspira au compositeur Christoph Willibald Gluck son dernier grand drame lyrique en 1779, nous sommes au dernier épisode des Tantalides. Tantale, dont Agamemmnon (père d'Iphigénie) est le descendant, naguère offensa les Dieux. La malediction lancée contre cette famille se cristallise lors de ce dernier épisode sur l'île de Tauride : après une tempête, l'apaisement ne vient pas, Iphigénie restant prisonnière d'un cauchemar. Traduit musicalement par une déferlante orchestrale qui nous fait entrer violemment dans ce drame, elle voit dans ce cauchemar Agamemmnon assasiné, et le spectre de Clytemnestre (sa mère) lui tendre un glaive pour assasiner son frère Oreste, qu'elle croit mort. Alors qu'Oreste et Pylade (son ami) font naufrages sur l'île, Iphigénie prêtresse de Diane reçoit la visite de Thoas (roi barbare de Tauride) qui voit sa propre mort advenir par la main d'un étranger. Après bien des questionnements, péripéties, tourments incessants frère et sœur se reconnaissent, et l'opéra se clôt sur une pseudo "happy end", puisqu’une tonalité inquiète perdure. Dans l'enregistrement très abouti que fit Marc Minkowski en 2001, la "déclamation", clé de l'interprétation gluckiste trouve son apogée : prononciation, phrase, expression des douleurs n'ont jamais été aussi "humanisées". En premier lieu avec Mireille Delunsch dont le chef affirme «qu'elle est la raison même du cycle Gluck en disque». Le discours orchestral brillant laisse néanmois les accents sombres s'épanouir. Le chœur traditionnel, des parties sublimes, est épousé par les sonorités instrumentales dramatiques. Dans le rôle d'Iphigénie à la MC2, la mezzo-soprano suisse Maria Riccarda Wesseling ayant brillé recemment dans un disque dédié à Haendel, devrait briller dans ce rôle et nous émouvoir dans les airs à l'extrême simplicité déclamatoire. De l'enregistrement, on retrouvera le chatoyant ténor Yann Beuron dans Pylade. Alors que dans la version scénique (de Warlikowski) à l'Opéra Garnier la Wesseling brûlera les planches en juillet, nous, nous faisons le rêve qu'un jour une version scénique se monte sur notre île... Séverine DelrieuIphigénie en Tauride le 9 juin à 20h30, à l’Auditorium de la MC2

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