Fin de partie (provisoire ?)

ACTUALITÉ. En cette nouvelle rentrée culturelle, la Petite roulotte, salle grenobloise spécialisée dans le très jeune public, annonce qu'elle met un terme à ses activités. Raison invoquée : les conditions de fonctionnement devenues intenables. On a rencontré deux bénévoles de l'association, inquiets mais néanmoins optimistes. Aurélien Martinez

C'est une salle importante du paysage culturel local qui baisse le rideau. Si on n'a pas toujours défendu mordicus l'intégralité des spectacles proposés par l'équipe, on ne peut que regretter cette décision : la Petite roulotte n’accueillera aucun spectacle très jeune public cette année. « La programmation que l'on menait tous les mercredis et pendant les vacances scolaires est mise en suspens, car on n'a tout simplement plus les moyens de la réaliser » explique Loïc Cloez, membre du conseil d'administration d'une Petite roulotte gérée bénévolement depuis maintenant deux ans. « A un moment, c'est plus possible. Nos exigences évoluent, on a envie d'une programmation de grande qualité avec des compagnies venues d'ailleurs. On aimerait avoir du temps pour aller prospecter dans toute la France – et au-delà – pour repérer des propositions fortes, mais on ne peut pas. » Christophe Boichot, président de l’association, est sur la même longueur d’onde : « On considère que c'est un travail qui doit être effectué par des professionnels. »Appel du pied
Depuis neuf ans, la Petite roulotte s'était pourtant bien implantée, devenant la salle de référence pour les enfants de moins de six ans accompagnés de parents désireux de les confronter au spectacle vivant dès leur plus jeune âge (quand l’Espace 600 se concentre plus spécifiquement sur les plus de six ans, même si un changement de direction ce mois-ci ne garantit pas forcément le maintien de ce découpage implicite). En travaillant principalement avec des compagnies du département, l'équipe souhaitait mettre en relation directe artistes et jeune public, à des âges où la pratique culturelle est souvent inexistante mais néanmoins nécessaire (pour apprendre à se confronter à l’autre notamment). La découverte d’une création était ainsi accompagnée d’actions pédagogiques, pour ne pas laisser l’enfant seul face à l’appréhension du premier spectacle. Bonne nouvelle : ces actions, assurées par la seule salariée de la structure et entièrement autofinancées, ne sont pas remises en question (elles s’appuieront simplement sur des spectacles d’autres salles proposant épisodiquement du très jeune public). Mais les 4000 spectateurs accueillis l’année dernière sur soixante-dix représentations vont devoir trouver une autre chapelle... en attendant une hypothétique réouverture. Car c’est évidemment là que l’équipe voudrait en venir : redonner vie au projet, mais avec des moyens adéquates. « Le spectacle très jeune public a une économie assez particulière, autant pour les lieux que pour les compagnies. On est sur des jauges très réduites, sauf que le nombre d'artistes sur scène est le même que pour une jauge normale, et ils touchent évidemment la même chose. Cela demande donc que les lieux organisateurs soient soutenus, ce type de spectacles ne pouvant pas relevé du domaine marchand. » Un appel du pied en direction de la mairie, accusée de ne mener aucune politique culturelle en direction des tout-petits. « La Ville n'a jamais soutenu la programmation très jeune public. On reçoit des subventions uniquement pour le festival de la marionnette » dénonce Loïc. Ce que conteste Eliane Baracetti, adjointe chargée de la culture à la Mairie de Grenoble qui évoque une subvention de 10 000 euros qui peut être répartie entre festival et programmation annuelle selon les désirs de l'association.15 pour 10800
« Même si on n'en fait pas un drame, il va y avoir un problème avec l'absence de la Petite roulotte, notamment un vide pour les institutions partenaires [crèches, MJC…] » regrette Loïc. « Cette année, une quinzaine de spectacles très jeune public sont programmés sur Grenoble. Pour 10800 enfants de moins de six ans, c'est peu ! » Vu le désert décrit, l’équipe voit donc les choses en grand. Un rapport fourni a été posté lundi par la Petite roulotte, adressé au différents services municipaux concernés (petite enfance et culture). « On propose à la Ville de s'engager dans une véritable politique culturelle en direction du très jeune public. On se rend disponible pour travailler avec eux et les autres partenaires pour mettre en place cette politique. Évidemment, on ne demande pas les mêmes moyens que pour l'adulte, mais on aimerait qu'ils soient un peu plus conséquents. » Avec comme idée que la Petite roulotte, soutenue, deviennent la salle entièrement orientée vers le très jeune public. Mais leur combat ne peut se résumer à une guerre de survie centrée seulement sur leur salle expliquent-ils. « Plus que de défendre la programmation de la Petite roulotte, il s'agit de défendre l'idée d'une programmation très jeune public de qualité à l'échelle de la ville » assure Christophe. Une idée évidemment pleine de sens, dont on ne manquera pas de suivre l’évolution concrète.

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