Divin Adonis

Poésie / La venue de l’immense poète et intellectuel syrien Adonis à la Bibliothèque de la Part-Dieu est sans conteste l’évènement littéraire de ce début d’année. Yann Nicol

Avec le Palestinien Mahmoud Darwich, disparu il y a quelques mois, Adonis est l’un des écrivains arabophones les plus importants du XXe siècle. Né en 1930 en Syrie, dans un petit village privé d’école et d’électricité, Alî Ahmad Sa’îd Esber choisit le nom du Dieu grec Adonis comme nom de plume. C’est sous ce pseudonyme qu’il a à ce jour publié une dizaine de recueils, dont le dernier, qui vient de paraître au Mercure de France, s’intitule Histoire qui se déchire sur le corps d’une femme. La légende veut que le jeune homme ait écrit son premier poème à l’âge de treize ans pour le Président de la République syrienne, un geste qui lui aurait permis d’accéder à l’école et d’entamer des études qui feront de lui un docteur ès lettres. Installé à Beyrouth dès la fin des années 50, il prend la nationalité libanaise. C’est à cette époque qu’il écrit ce qui reste sans doute comme son œuvre la plus emblématique, Chants de Mihyar le Damascène. Un recueil capital, dans lequel Adonis fait voler en éclat les règles strictes et ancestrales de la poésie arabe classique. Un long poème dionysiaque écrit lors d’un séjour à Paris en 1961, qui ne sera traduit en français qu’au début des années 80…De Qassabine à Princeton
Recommandé, entre autres, par Yves Bonnefoy, Adonis est introduit au Collège de France pour une série de leçons intitulées Introduction à la poétique arabe. Il s’installe alors en France où il poursuit une œuvre poétique qui, sous une apparente simplicité, révèle une vision du monde extrêmement dense, marquée par la spiritualité et la «verticalité». Un exemple, avec quelques vers tirés du recueil intitulé Mémoire du vent : «Une pierre est tombée, /Quelque chose dans les murs s’est ouvert, /Le lointain est devenu plus nostalgique, /Plus désirable… Une pierre est tombée, /Quelque chose dans l’homme a changé.» Poète donc, mais aussi traducteur, essayiste, éditeur, directeur de revues ou théoricien de la littérature, Adonis est également un intellectuel reconnu pour ses travaux sur la culture arabe, dont la majeure partie est rassemblée dans un recueil intitulé La Prière et l’épée. De Qassabine, son village perdu dans les montagnes syriennes aux universités les plus prestigieuses du monde occidental, son incroyable parcours et l’exigence de son œuvre font d’Adonis un écrivain fascinant à la portée universelle. Pour en savoir plus, on vous conseille vivement la monographie que lui a consacrée Michel Camus (Adonis, le visionnaire) et le livre d’entretiens qu’il a accordés à Chantal Chawaf (Identité inachevée). En attendant de voir le mythe en chair et en os…Adonis
À la Bibliothèque de la Part-Dieu, samedi 24 janvier.