Woody Allen : « Il faut de la chance pour avoir de l'inspiration »

Woody Allen : « Il faut de la chance pour avoir de l'inspiration »

Coup de chance / À la veille d'aller donner une sérénade jazzy au Parc des Oiseaux de Villars-les-Dombes, Woody Allen était de passage par l'Institut Lumière en compagnie de quelques-uns de ses comédiens de son nouveau film Coup de chance. Rencontre avec une légende. 

Ce n'est pas la première fois que vous vous intéressez à la question des aléas, ni que vous utilisez le procédé narratif de la chance ou du hasard —  je pense à Melinda et Melinda ou Match point. La chance est-elle un processus intervenant dans votre manière d'écrire ?

Woody Allen : Effectivement la chance joue un très grand rôle dans tout ce que j'ai fait. J'ai toujours eu énormément  de chance — par exemple dans et pour mes films. Mais quand la chance m'a souri, ça n'était pas de mon fait. Dans le domaine de l'écriture, en effet, il faut de la chance pour avoir de bonnes idées et de l'inspiration, vous avez raison.

Comment avez-vous opéré le choix de vos comédiens français  ?

J'étais chez moi [à New York, NDR] et mon directeur de casting m'a envoyé des vidéos d'actrices et d'acteurs. Et j'ai eu l'opportunité de visionner des acteurs absolument merveilleux — les personnes que vous avez devant vous. J'ai eu de la chance parce qu'ils étaient très intelligents, ils ont très bien compris le scénario. Je dois dire qu'il y a énormément d'acteurs et d'actrices au monde et très peu de bon scénarios ; je me considère donc très chanceux d'avoir pu travailler avec ces acteurs formidables.

Vous êtes indissociable de New York mais, après vos tournages à Paris, Venise, Barcelone, Rome, Londres, l'Europe ne deviendrait-elle pas votre second foyer ?

Si je reviens en arrière, lorsque j'étais jeune homme, et que j'ai commencé à m'intéresser au cinéma et aux films, j'ai été très influencé par le cinéma européen — italien, français, suédois... Les jeunes réalisateurs américains que je connaissais à l'époque avaient envie de faire des films à l'européenne — en tout cas, ceux qui prenaient le cinéma très au sérieux. Pour moi, Paris constitue une ville très importante : ce sont aussi les Français qui ont les été premiers à apprécier les films que j'ai pu réaliser.

Comment avez-vous surmonté la barrière de la langue avec vos comédiens ?

(sourire) Ils parlent tous anglais : aucun problème !

Dans Coup de chance, les hommes semblent faibles, crédules ou animés de tendances psychopathes. Cela reflète-t-il votre regard sur la gent masculine ?

Dans la première partie des films que j'ai réalisés — qui étaient assez nombreux — je me suis concentré sur les hommes. Mais, si vous vous souvenez bien, c'était moi l'homme qui jouait dans ces films ! Ceux que j'ai réalisés par la suite étaient pour des femmes. Je vois bien que dans un récit, dans un film, dans une comédie voire une tragédie, ces personnages intéressent tout le monde, à la différence des personnages ordinaires.

Question musique : avez-vous adapté la sélection de la bande-originale à Paris ?

Oui, c'était mon intention dès le départ d'avoir une “musique d'époque“, comme dans les films français que j'ai pu voir il y a tant d'années à New York. Le jazz qui est dans ce film n'est pas du tout le type de de jazz que j'ai l'habitude d'utiliser, ou la musique pop que j'ai pu affectionner. Ici, il s'agit d'une musique faite pour évoquer l'époque, notamment Miles Davis.

Vous avez la réputation d'accorder de la liberté aux comédiens sur les dialogues. La musique est-elle un territoire sur lequel vous pourriez accorder la même latitude (dans l'élaboration de la bande-originale, par exemple) — dans la mesure où vous aviez autour des vous des comédiens-musiciens comme Melvil Poupaud ?

Euh... non, absolument pas ! Les acteurs ne me déçoivent jamais. Mais s'agissant de la musique, je fais très attention à ce que je prends. Et au montage, si je n'aime pas ce que je mets, j'enlève, je remplace... Il faut que ce soit tip-top. Je suis comme un hélicoptère en surplomb du terrain, toujours en train de planer. 

Comment avez-vous fait pour parvenir à filmer Paris comme vous filmez New York ?

New York et Paris sont très similaires. Ce sont deux villes très excitantes, pleines de culture, de grande musique et de sites touristiques, avec des théâtres, des cinémas... Et bien sûr, Paris est bien plus beau que New York ! Donc, ce que vous pouvez filmer à New York, vous pouvez facilement le filmer à Paris en trouvant des lieux de tournage encore plus beaux. Mais concernant les idées, les histoires, les gens, les ambitions, l'énergie, les choses sont assez comparables.

S'agira-t-il de votre dernier film ?

Je ne sais pas pour le moment. C'est tentant : c'est le cinquantième et cinquante un nombre rond. C'est peut-être le bon moment pour arrêter. Mais si quelqu'un venait vers moi en disant : « on veut que vous fassiez un film et on va le financer », honnêtement, ce serait très difficile de lui dire non parce qu'on a énormément de chance d'avoir ce genre de proposition — ce n'est pas si facile que ça. Sur un autre sujet, je n'aime pas du tout comme le cinéma évolue actuellement : les films sont exploités quinze jours et ensuite balancés sur les plateformes. Il y a une partie du glamour du cinéma qui est en train de prendre la tangente. Quant à jouer comme comédien chez les autres réalisateurs : personne ne m'a proposé de jouer dans son film. Ça m'est peut-être arrivé une fois en quinze ans. Je serai heureux de le faire, à partir du moment où le rôle a quelque chose de substantiel, de stimulant. Sinon, ça me convient très bien de rester chez moi !

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