Le MAC à corps et à cris

Aya Takano

Musée d'Art Contemporain

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Art contemporain / On passe du corps au resserrement sur le regard et les yeux dans les trois nouvelles expositions du Musée d’art contemporain : le corps social vu à travers les collections du musée, les corps elliptiques et libres de la japonaise Aya Takano, et yeux grands ouverts sur la catastrophe avec Rebecca Ackroyd.

Cet automne, trois expositions tiennent l’affiche au Musée d’art contemporain, dont la plus importante est consacrée à l’artiste japonaise Aya Takano (née en 1976), pour une rétrospective sur tout un étage… Une exposition qui ravira les amateurs et les aficionados (dont nous ne sommes pas) des univers graphiques mangas et japonais hérités de la figure de proue du genre, Takashi Murakami. En quatre grandes thématiques (l’enfance, la ville, la science-fiction, l’amour), Aya Takano déploie son imaginaire acidulé et faussement naïf en une multitude de dessins ou de toiles, peuplé de jeunes femmes à moitié dénudées et aux corps longilignes… Dans le trait comme dans les corps de ses figures, l’artiste fait preuve d’une grande liberté, et transcende les frontières entre le végétal, l’animal et l’humain ; le passé, le présent et le futur ; le féminin, le masculin, l’androgyne ; l’enfantin, le spirituel et l’érotique… Reste que, faute de culture ou de sensibilité à ces univers post-manga, ces œuvres ne parviennent ni à nous toucher, ni à se singulariser vis-à-vis de tant d’autres semblables et très à la mode aujourd’hui.

Ce que nous voyons

Alors sur quoi se rattraper ? Sur l’installation monumentale de la britannique Rebecca Ackroyd, Singed Lids (surfaces ou couvercles brûlés en français), œuvre créée pour la Biennale d’art contemporain 2019, acquise par le MAC et réactualisée pour l’occasion. On y pénètre à l’intérieur d’une carcasse d’avion où les sièges et les hublots semblent maculés de traces de sang, avec aussi, ici et là, quelques fragments de corps humains… ! C’est gore et morbide à souhait, très impressionnant à traverser. Et l’artiste double cette installation enfermée entre des rideaux translucides, d’une série de grands dessins tout autour, représentant des yeux menacés ou empêchés par des structures métalliques, dont on peine à tirer une interprétation franche : perversité du regard voyeuriste ? Danger traumatique de l’image effroyable ? Plaisir sadomasochiste à regarder l’horreur ? Matthieu Lelièvre, commissaire de cette exposition, nous livre la sienne : « Ces yeux semblent observer le spectateur autant que la scène et incarnent, au passage, plusieurs temporalités et attitudes face à l’événement. Aussi Vitesse d’obturation (titre de l’exposition de Rebecca Ackroyd) renvoie à la paupière qui est ici la transposition de la lame, du rideau de l’obturateur qui doit trouver un équilibre entre la réalité et la surface sensible, qui protège mais qui sépare. »

Ce que nous cachons

Au premier étage, le MAC présente le second volet de son excursion à travers ses propres collections, sous l’angle thématique du corps (thème fourre-tout, on en conviendra). Après le corps envisagé dans une approche phénoménologique et organique, le corps est ici approché plutôt dans ses relations à l’autre, ses dimensions sociales, ses liens à son environnement… Rien ne nous a beaucoup retenus parmi les nombreuses œuvres (dont beaucoup nous étaient connues) présentées, si ce n’est, étonnamment, un espace dédié au maquillage et au travestissement avec les quatre films de Bruce Nauman de Art Make-Up, le petit portrait barbouillé de Claire Tabouret, ou l’intervention d’une jeune artiste invitée, Marilou Poncin (née en 1992), qui en quelques photographies dévoile son grimage en une icône de la téléréalité, Kim Kardashian. Autour, les dessins « trans-règnes » de Edi Dubien et les interventions chirurgicales sous forme de performances de ORLAN, poursuivent et ouvrent à d’autres dimensions cette thématique du maquillage et de la transformation en surface…

Aya Takano / Rebecca Ackroyd/ « Incarnation, le corps dans la collection »,
Au Musée d’art contemporain, jusqu’au 7 janvier

 

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