Julien Pavillard, « L'objectif n'est plus d'avoir la Fête des Lumières la plus brillante »

Fête des Lumières / Coordinateur général et directeur artistique de la Fête des Lumières depuis 2020, Julien Pavillard a abandonné sa première vocation de chercheur en sciences sociales pour un retour aux sources au tournant des années 2000. Fils des leaders en image lumière ETC Audiovisuel, il a parcouru le monde pour programmer, créer ou diriger des événements et festivals de lumières avant de (re)venir poser ses valises à Lyon, à la demande de l'exécutif écologiste. À la veille d'un des plus gros événements en termes de fréquentation, Julien Pavillard décline les orientations et les enjeux de cette édition qui se déroulera du 7 au 10 décembre 2023.

Vous avez travaillé à la Fête des Lumières pour la première fois il y a plus de vingt ans maintenant, en tant que prestataire. Quelles évolutions de l'événement remarquez-vous ?

Julien Pavillard : En 2001, je travaillais sur la place des Terreaux en tant que technicien avec Skertzò, on a notamment projeté la Venise de Botticelli. Je découvrais un festival pionnier, qui offrait un hommage extraordinaire à l'invention de la lumière. Je suis revenu avec beaucoup de plaisir en 2005 pour y retravailler au sein d'une équipe qui montait la Fête des Lumières. J'ai quitté Lyon en 2009 pour l'international.

Quand je suis revenu en 2020, c'était à la fois très familier, et en même temps tout avait changé. Durant les années 2000, on était dans une approche plus événementielle de la fête, avec des projets spectaculaires comme ceux de Groupe F. Les propositions plus conceptuelles avaient leur place à côté, dans le cadre du festival Superflu. C'est comme ça qu'on a fait exploser la fête, qu'on a pu atteindre les 4 millions de visiteurs, mais ça perdait peu à peu son sens, ça manquait de nous faire réfléchir à nos vies, au global.

Quand j'ai été recruté en 2020, non seulement l'exécutif avait changé, mais aussi les priorités générales de la société. Les valeurs ont pris une place plus importante, notamment la transition écologique, mais aussi l'inclusion de tous les publics. C'est quelque chose qu'il a fallu penser, à la fois dans notre façon d'organiser la fête mais aussi dans notre sélection d'artistes, qu'on puisse faire un festival respectueux de l'environnement et qui s'adresse à tous. Après tout, la Fête des Lumières, c'est du service public.

Sans électricité, pas de Fête des Lumières. Comment organiser un festival qui ne consomme pas trop et qui soit effectivement respectueux de l'environnement ?

Il y a dix ans, l'événement consommait énormément. Aujourd'hui, avec les lumières LED, le problème ne se pose presque plus. On estime que 150 000 personnes se succèdent sur la place des Terreaux chaque soir de la fête. La consommation de l'installation sur la place est équivalente à 700 ou 800 télévisions modernes allumés. 150 000 visiteurs pour 800 télévisions, je trouve que le ratio n'est pas trop mauvais. En réalité, le plus polluant, ce sont les visiteurs, qui représentent entre 70% et 80% des émissions de CO₂ de la fête : notamment tous ceux qui viennent en voiture.

On essaye d'être les plus ambitieux possible en termes de respect de l'environnement. D'ailleurs, un audit écologique sera mené pendant l'édition 2023 afin de décrocher la certification ISO 20121 de la Direction des événements et de l'animation. Nos objectifs sont très nombreux, on vise le zéro déchets, diminuer au maximum l'empreinte carbone, proposer une alimentation durable sur le festival. Parallèlement et avec la même ambition, on essaye de favoriser au maximum l'inclusivité.

Une dizaine de dispositifs ont été mis en place pour permettre aux personnes en situation de handicap d'apprécier la Fête des Lumières, est-ce que c'est suffisant à vos yeux ?

Ce n'est jamais suffisant, on aimerait faire mieux. Il ne faut pas oublier qu'il existe une très grande variété de handicaps, certains cachés, d'autres sensoriels ou psychologiques, et que chacun d'entre eux doivent bénéficier d'un dispositif adapté. C'est donc aussi une question de moyens. Nous avons besoin de plus de partenaires car ce sont des équipements qui coûtent très cher.

On a déjà parcouru du chemin depuis l'édition de 2021 grâce à un audit réalisé avec l'association Amaac. On a mis à disposition de l'audiodescription, un parcours à travers la fête avec accompagnement adapté et même des gilets vibrants. Il suffit de se signaler aux services de la ville pour bénéficier d'une visite adaptée.

Avec ces nouveaux pôles de dépense, les installations ne risquent-elles pas d'être un peu moins grandioses ?

Depuis 2019 le montant alloué à la fête a très légèrement augmenté mais plutôt pour s'adapter à l'inflation. L'écologie et l'inclusivité coûtent effectivement très cher aujourd'hui. On offre un événement qui est toujours aussi qualitatif, mais l'objectif n'est plus d'avoir la Fête des Lumières la plus brillante. L'important c'est que les œuvres laissent des émotions, des souvenirs, qu'elles fassent réfléchir. On prend donc le parti de proposer de très belles œuvres avec un peu moins. 

En 2022, la dissolution du Club des partenaires, réunissant les mécènes de la Fête des Lumières, a fait réagir l'opposition. Sensé améliorer les campagnes de prospection, le nouveau modèle a-t-il porté ses fruits ?

La décision d'arrêter le Club des partenaires est venu d'un désir de continuité entre les différents événements de la Ville. On veut mener une réflexion globale en intégrant nos mécènes tout au long de l'année, pas juste quelques mois avant la Fête des Lumières. Depuis, on a gagné un mécène et quelques centaines de milliers d'euros. Cependant, il sera très difficile de revenir au nombre de mécènes qu'avait la fête avant le Covid, car le parrainage a vraiment changé depuis.

La Région Auvergne-Rhône-Alpes va monter une installation en haut de Fourvière, qu'elle n'allumera qu'après la Fête des Lumières, le 14 décembre. Pourquoi ne pas s'être coordonnés pour l'événement ?

C'est l'incompréhension totale pour nous, il suffirait d'allumer la lumière de l'édifice et ça ne coûterait pas beaucoup plus. Il y a deux ans, la Région nous a demandé via la fondation Fourvière s'il était possible de faire un projet ensemble aux abords de la basilique pour la Fête des Lumières. Nous étions ravis, mais au final, la Région a fait cavalier seul, nous imposant leur projet. Par la suite, nous avons quand même communiqué à ce sujet dans nos guides des illuminations, ce que la Région nous a reproché. Cette année, nous avons essayé de relancer les échanges à partir de mai-juin, et nous étions plutôt optimistes, mais la Région a annoncé son retrait total de la fête en octobre 2023.

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