Matin calme, avis de tempête

Mercredi 22 juin 2005

Pour sa deuxième édition, le Festival de Cinéma Coréen propose en onze longs métrages (en grande partie inédits) et quelques courts un panorama agréablement décalé d'une cinématographie déjà bien à part. François Cau

L'engouement progressif pour le cinéma coréen commence à porter ses meilleurs fruits. Jean-Pierre Dionnet, après avoir sorti une belle flopée de nanars avec sa collection DVD Asian Star, s'apprête à éditer le Bad Guy de Kim Ki-duk et le génial My Sassy Girl. La Cinémathèque de Chaillot, avant son départ pour Bercy, s'est fendue d'une rétrospective en cinquante films, dont quelques-uns se retrouvent d'ailleurs dans l'évènement qui nous intéresse ici. Démarrons avec le film d'ouverture, le surprenant L'oiseau qui suspend son vol de Jeon Soo-il, qui commence par faire très peur (un prof de cinéma fan du Mauvais Sang de Leos Carax veut faire un film sur les oiseaux), avant de prendre au jeu d'une esthétique où la pose auteurisante finit par s'éclipser. Dans sa foulée seront projetées deux œuvres "classiques" datant du début des années 60, la chronique familiale L'invité de la chambre d'hôte et ma mère et surtout le vénéneux La Servante de Kim Ki-young. Sur le même pitch que l'atroce Liaison Fatale, mais avec un talent autrement plus destructeur que le navet d'Adrian Lyne, La Servante nous embarque dans une spirale destructrice entretenant des rapports très ambigus avec la morale. En faisant abstraction de sa bande originale roborative, le film conserve, 40 ans après sa confection, une bonne part de son aura subversive. Notons également la présence de deux films d'Im Kwon-taek, La mère porteuse et La chanteuse de Pansôri, peut-être ceux où le maître filme les femmes avec le plus de délicatesse.TransgenresLa programmation s'aventure également du côté d'œuvres plus récentes, offrant quelques beaux exemples significatifs de l'explosion récente et tous azimuts du cinéma de genre. À ce titre, La Lettre écarlate s'inscrit dans la veine des néo-polars coréens, avec ses femmes fatales, ses retournements de situation magnifiquement tirés par les cheveux, et ses impardonnables fautes de goût (la plus belle : le clip d'une reprise du Only when I sleep des Corrs ponctuant l'intrigue de façon "quelque peu cavalière"). Et pourtant la mise en scène est suffisamment chiadée pour faire illusion, s'autorise même une séquence très efficace dans son dernier tiers. Qualité dont ne peut malheureusement pas se targuer le Spider Forest de Song Il-gon, qui perd vite son spectateur dans les méandres d'une mise en scène hoquetante et d'un script assez abscons, et ce dès sa première séquence. On se rattrapera de façon plus sereine avec le très beau Noël en août, un mélodrame romantique porté par un couple d'acteurs lumineux, et surtout avec le film de clôture, l'incroyable documentaire Rapatriement de Kim Dong-won. Le film relate l'histoire de 63 espions nord-coréens renvoyés chez eux au bout de 30 à 40 années de captivité et de tortures. Glaçant, drôle, émouvant, Rapatriement filme leur retour avec une humanité bouleversante, qui ne faillit jamais pendant ses 2h30.Festival du cinéma coréenAu Cinéma OpéraDu 18 au 22 juin