L'Étrange affaire Angelica
À 102 ans, Manoel De Oliveira signe une fable fantastique et mélancolique où un jeune photographe tombe amoureux de l'image d'une fille morte. Un superbe film testament.CC

Isaac, jeune photographe, est donc appelé en pleine nuit pour faire le portrait mortuaire d'Angelica, la fille d'un riche propriétaire terrien. Jeune, sublimement belle, Angelica revient brièvement à la vie au moment du cliché pour lui faire un clin d'œil. Plus tard, ce clin d'œil se répètera sur la photo développée, et entraînera Isaac vers une obsession sans retour. Cette ligne principale, celle d'un conte fantastique où l'on sent poindre l'évocation par le cinéaste de sa propre vocation (l'image cinématographique n'est-elle pas une manière de donner vie à l'image fixe ?), est complétée par des digressions qui lui font écho. Isaac part photographier les paysans qui travaillent la terre sur les collines du Douro. La scène, harmonieuse, est rythmée par le chant des ouvriers et le bruit des pioches ; mais les clichés d'Isaac révèleront tout autre chose, des trognes tordues par l'effort, images cauchemardesques s'opposant à la sérénité diaphane du visage d'Angelica. La photo grossit et fige la réalité, tandis que le cinéma lui rend toute sa vérité, vivante et poétique. Et même politique : au cours d'un aparté incongru, le spectateur se retrouve à table avec des hôtes qui dissertent sur le progrès et la mondialisation qui vont ensevelir (littéralement) ce vestige précaire de la civilisation. Si De Oliveira situe son film dans les années 50, s'il en fait un émouvant testament cinématographique, c'est bien à notre époque qu'il s'adresse, avec autant d'ironie que de nostalgie.L'Étrange affaire Angelica
De Manoel de Oliveira (Portugal, 1h35) avec Ricardo Trepa, Pilar Lopez de Ayala...