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Hommage déférent et fétichiste au cinéma muet hollywoodien, le nouveau film de Michel Hazanavicius échoue à dépasser son maniérisme pour raconter une histoire forte et attachante, et la fantaisie de départ se transforme en cours de route en ennui. Christophe Chabert
The Artist commence par un tour de force très impressionnant : nous regardons un film muet avec dans le rôle de la star Georges Valentin. C’est une comédie un peu inepte, mais le pastiche est réussi. Le rideau se ferme, le cadre s’élargit et l’on découvre les spectateurs du film. Et là, stupeur, leurs applaudissements ne produisent aucun son. Astucieuse mise en abyme qui permet à Michel Hazanavicius de justifier instantanément le postulat arbitraire de The Artist : faire en 2011 un film à la manière des muets hollywoodiens des années 30. La période n’est pas innocente, car il s’agit du moment où le parlant va faire son apparition, balayant ainsi toute une génération de comédiens incapables de s’adapter à cette révolution dans leurs codes de jeu.
Si Chantons sous la pluie de Stanley Donen envisageait la chose du point de vue des metteurs en scène, si Sunset boulevard en inspectait les conséquences tardives et névrotiques chez une star persuadée qu’elle pouvait encore faire son come back, The Artist saisit le désarroi de son acteur vedette en pleine descente aux enfers. Belle idée, qui ouvre la voie à une certaine fantaisie, et laisse à son interprète, Jean Dujardin, une nouvelle occasion de démontrer l’élasticité et l’expressivité de son jeu.
Un scénario pré-texte
Les choses se gâtent lorsqu’Hazanavicius doit doubler son hommage d’un enjeu dramatique accompagnant la déchéance puis la renaissance de Valentin. Il choisit donc une histoire d’amour assez banale entre la star abandonnée et une jeune comédienne (Bérénice Béjo) qui, elle, connaît une ascension fulgurante. Bizarrement, plutôt que de s’amuser à mélanger les complexités des récits contemporains à une forme cinématographique volontairement primitive, le cinéaste-scénariste semble courir après les intrigues naïves et les personnages stéréotypés des produits standards de l’époque.
The Artist s’engouffre alors dans un tunnel narratif qui baigne dans un maniérisme un peu raide, l’agrémentant de gags poussifs dont on ne sait plus trop s’ils relèvent de la citation déférente ou de la parodie cynique. Comparaison n’est pas raison, mais les deux OSS 117 avaient pour eux l’apport explosif de Jean-François Hallin ; laissé à lui-même, Hazanavicius se révèle avant tout un metteur en scène fétichiste, brillant lorsqu’il s’agit d’imiter ses pairs et d’en retrouver la magie filmique, un peu court lorsqu’il s’agit d’inscrire son travail dans un récit mélangeant surprises et premier degré.
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