La deuxième semaine de la Biennale de la danse peut se résumer à ces quelques mots : une immense déception, un ovni sur-vitaminé et... Galvan !Jean-Emmanuel Denave
C'est peu dire que nous avons été déçus par la nouvelle création de Maguy Marin. Une vraie gueule de bois. Une artiste méconnaissable. Ses Nocturnes pour six danseurs reprennent la scénographie de ses deux dernières chorégraphies, Salves et Faces : une alternance d'instants éclairés et de fondus au noir, une succession d'images-corps arrachées à l'obscurité. Mais ici nulle tension, nulle résistance, nul affect, nulle élaboration dramaturgique, seulement des images éparses et fades, évoquant ici et là l'actualité internationale ou le passé et les racines de Maguy Marin. Voire des images d'Epinal : une sorte de berger méditerranéen mangeant une grappe de raisin sur une pierre, une prostituée hélant le client en allemand et forcément issue de Hambourg, deux jeunes filles minaudant dans le cadre d'une soirée pyjama, une ballade insipide à la guitare pour nuit au coin du feu... Pire, la chorégraphe s'englue dans des coups de gueule faciles ou même douteux sur l'Europe avec les méchants Allemands et les gentils Grecs par exemple. Sur le devant de scène, elle a placé deux tourne-disques avec des 33 tours rayés, tout un symbole !
Galvaniser
Les disques des deux Dj's de la pièce de Cecilia Bengolea et François Chaignaud étaient loin d'être rayés quant à eux ! Grime (nom de leur formation) envoyait même du «gros son», inventif, explosif et puissant, faisant tournoyer tels des derviches les cinq danseurs «allumés» et grimés de "Altered Natives say yes to another excess – twerk". Dans une ambiance de boîte de nuit, une heure durant, cette pièce survoltée nous a offert une bouffée d'oxygène bariolée, une pure dépense des corps en toute générosité et gratuité. Pas d'enjeu ici, mais du jeu, du jus... Pour avoir à la fois du jus et de l'enjeu, il fallait croiser la route d'Israel Galvan au TNP, ce grand matador aux accents burlesques secouant en tous sens les codes du flamenco. Son solo Curva (2010) est de nouveau une lutte contre le temps, la mort, soi-même. Chaque objet, même le plus dérisoire (une simple plaque au sol, un tas de farine, une table, un quignon de pain sec...), pouvant se métamorphoser en objet métaphysique et existentiel. Galvan ose tout, épuise tout, s'arroge toutes les musiques : des chants traditionnels flamenca croisant les expérimentations contemporaines géniales et virtuoses de la pianiste Sylvie Courvoisier. Avec sa classe lézardée d'autodérision et d'humour, le danseur chorégraphe redécoupe d'un geste de main ou de bras tout l'espace de la scène, met en rythmes et en percussions l'ensemble du plateau, tord le cou à la monotonie et au cours trop tranquille des choses. En un mot et toutes ses significations : bouleverse !