The Humbling

The Humbling
De Barry Levinson (EU, 1h52) avec Al Pacino, Greta Gerwig...

Tiré d’un livre de Philip Roth, le calvaire d’un acteur vieillissant entre dépression et passion amoureuse pour une lesbienne insaisissable. L’adaptation de Barry Levinson est ratée mais le portrait qu’Al Pacino fait de lui-même est, à l’image du comédien, fascinant. Christophe Chabert

Visiblement, transposer l’univers de Philip Roth à l’écran relève de la mission impossible. Arnaud Desplechin s’est cassé les dents pour adapter Tromperie et les films tirés de La Tâche et La Bête qui meurt (La Couleur du mensonge et Lovers) ne valent pas tripette. Si The Humbling n’est pas un mauvais film, Barry Levinson se heurte aux mêmes écueils que ses prédécesseurs : l’ironie de Roth est avant tout une politesse du désespoir, surtout dans ses dernières œuvres hantées par le spectre de la maladie et de la mort.

Or, The Humbling ne sait jamais quel ton adopté face à cette matière romanesque : d’une scène à l’autre, on passe du gag un peu lourd à l’amertume tragique, ce que la mise en scène, hachée menu par un montage frénétique, souligne cruellement.

Levinson est pourtant fidèle au roman, qui raconte la chute de Simon Axler, vieille gloire du théâtre soudain atteinte de dépression carabinée. Chute littérale : alors qu’il vient d’entrer sur scène, il se jette dans la fosse sous les yeux des spectateurs médusés. Après un passage par un hôpital psychiatrique, il revient dans sa maison et décide d’y finir ses jours loin des projecteurs. Jusqu’à ce que Pegeen, la fille de ses anciens amis, débarque à l’improviste, lui avouant à la fois qu’elle est lesbienne et qu’elle a toujours ressenti une attirance pour lui. Axler va se jeter la tête la première dans cette liaison, malgré la différence d’âge et le caractère instable de la jeune femme.

Pour Pacino, par Pacino

Malheureusement, Levinson reste extrêmement timoré lorsqu’il s’agit de représenter la sexualité, peu aidé par une Greta Gerwig trop cérébrale pour être vraiment crédible en lesbienne fatale. C’est pourtant la clé de la relation Axler / Pegeen : le vieil homme fait l’expérience de l’inadéquation entre son désir intact et un corps qui ne suit plus. Cette impuissance est aussi cinématographique : lors des trop longues scènes de Skype avec son psy, Levinson vient expliciter par la parole ce qu’il est incapable de montrer à l’écran.

L’adaptation est donc ratée, et pourtant il y a une raison majeure d’aller voir The Humbling : Al Pacino, éblouissant, à son meilleur niveau même si, dans un formidable paradoxe, il avoue avec une sincérité désarmante que ses grandes années sont désormais derrière lui. Ce portrait de Pacino en acteur dépassé mais toujours capable de coups de génie — son monologue face aux patients de l’hôpital ou la scène chez le vétérinaire en sont deux preuves magistrales — est le sujet secret de The Humbling. Le reste n’est qu’habillage maladroit…

The Humbling
De Barry Levinson (ÉU, 1h53) avec Al Pacino, Greta Gerwig…
Sortie le 8 avril

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Jeudi 31 octobre 2013 Une semaine après Scarface, le Cinéma Lumière propose de redécouvrir son pendant tourné dix ans plus tard, L’Impasse, toujours avec De Palma derrière la caméra et (...)
Vendredi 25 octobre 2013 En 1983, les utopies politiques des années 70 sont déjà loin ; la rutilance reaganienne et le mauvais goût triomphant s’installent durablement en Amérique. (...)
Mardi 25 juin 2013 En noir et blanc et au plus près de sa formidable actrice et co-auteur Greta Gerwig, Noah Baumbach filme l’errance d’adresses en adresses d’une femme ni tout à fait enfant, ni tout à fait adulte, dans un hommage au cinéma français qui est aussi une...
Lundi 17 septembre 2012 Une main qui tire les ficelles d’une marionnette invisible. Une trompette étouffée qui interprète une mélodie aux accents italiens. Une phrase devenue (...)
Jeudi 1 mars 2012 Manifestations quotidiennes pendant le tournage, protestations véhémentes des associations gays, ajout d’un carton introductif tentant maladroitement de (...)
Mercredi 18 janvier 2012 De Dennis Dugan (ÉU, 1h40) avec Adam Sandler, Katie Holmes, Al Pacino…
Mardi 20 avril 2010 Cinquième film de Noah Baumbach — mais deuxième à sortir en France, cette chronique d’une rencontre entre deux solitaires retrouve le ton adulte et doux-amer du grand cinéma d’auteur américain des années 70. Christophe Chabert
Vendredi 5 décembre 2008 Entretiens avec Lawrence Grobel Sonatine éditions
Mercredi 1 octobre 2008 de Jon Avnet (ÉU, 1h40) avec Al Pacino, Robert De Niro, John Leguizamo…
Jeudi 13 mars 2008 Reprise à l’Institut Lumière d’un classique du cinéma politique des années 70, où le tandem Lumet-Pacino fait trembler les murs de l’institution policière. Christophe Chabert

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X