Une main qui tire les ficelles d'une marionnette invisible. Une trompette étouffée qui interprète une mélodie aux accents italiens. Une phrase devenue gimmick : «Une proposition que vous ne pouvez pas refuser». Et puis une foule d'images toutes plus mythiques les unes que les autres : une tête de cheval coupée dans un lit, un homme criblé de balles lors d'un traquenard à un péage... C'est évidemment du Parrain, de son affiche, de sa musique et, plus globalement, de l'aura culte qui l'entoure et qui continue à fasciner toutes les générations de spectateurs que l'on parle.
C'est un fait : découvrir Le Parrain, c'est faire l'expérience d'un immense classique du cinéma qui, pourtant, a sonné comme une révolution. Révolution dans le traitement des codes du film de gangsters : nous voilà au cœur de la mafia italo-américaine, de ses rites, de ses rivalités, de ses trahisons, sans le contrechamp moral de la loi qui la mettrait hors-jeu. Au cœur d'une famille dont on suit sur trois générations la grandeur et la chute : l'arrivée d'un gamin sicilien aux États-Unis au milieu de milliers d'immigrés puis son installation au sommet du crime organisé (De Niro dans Le Parrain II) avant son déclin crépusculaire (Brando dans Le Parrain) et enfin la succession glorieuse, puis l'impossible rédemption de son fils Michael (Al Pacino, trait d'union des trois parties). C'est aussi une certaine manière d'envisager le cinéma comme un spectacle total : Coppola fait de sa trilogie un opéra de neuf heures minutieusement composé (l'ouverture du premier film est indépassable), une fresque où il fait entrer une partie de ses propres interrogations d'homme et de cinéaste.
Christophe Chabert
La Trilogie du Parrain
À l'Institut Lumière, samedi 22 et 29 septembre