Bons Plans / Avec le grand retour des internationaux et un nombre invraisemblable de reports, le printemps 2022 déborde de concerts prometteurs et/ou attendus. Revue d'effectifs forcément très sélective et un peu subjective.
Johnny Mafia
Sens – c'est dans l'Yonne – n'est pas à proprement parler connue pour être la capitale du punk – ça se saurait, ou alors on a sauté quelques pages du Dictionnaire du rock. Et pourtant, pourtant, Johnny Mafia pourrait avoir tendance à nous prouver le contraire le temps de quelques saillies de deux minutes douche comprise, de quelques refrains expédiés comme une envie de pisser. Car il y a chez ces quatre gars rencontrés au lycée une certaine facilité à trousser des tubes pour mieux les détrousser ensuite. Sens dessus dessous, en quelque sorte.
Au Périscope le vendredi 14 janvier
Big Thief
En 2019, Big Thief avait retourné le petit monde indie-rock avec pas moins de deux albums, Two Hands et U.F.O.F. qui avaient gentiment trusté les bilans de fin d'année. Dans la foulée, en février 2020, le groupe d'Arianne Lenker était montée sur la scène de L'Épicerie Moderne, à peine un mois avant que le monde s'arrête. Loin de chômer dans la période, Big Thief s'est amusé à livrer une série d'EP sur lesquels à chaque publication il ajoutait un titre supplémentaire, belle manière de ménager le suspense autour du prochain album du groupe Dragon New Warm Mountain I Believe In You, disponible début février, qui sent bon l'Americana alternative et pour lequel il revient au Transbordeur..
Au Transbordeur le lundi 7 février
Arandel & Quatuor Emana
Après un passage aux Nuits de Fourvière et une tournée quelque peu perturbée par qui vous savez, c'est la première d'Arandel dans une salle lyonnaise avec son (ses : il y a deux volumes) InBach, cette relecture libre et étonnante de Jean-Seb' Bach par cet électronicien pas comme les autres. Il y sera accompagné de ses complices Flore et Émilie Dautricourt, ainsi que du Quatuor Emana, habitué de cet Opéra Underground qui l'accueille en majesté.
À l'Opéra underground le samedi 12 février
Benjamin Biolay avec l'ONL
Il a beau le faire souvent – on dira ce qu'on voudra mais ce type sait d'où il vient –, chaque fois que Benjamin Biolay joue à Lyon c'est un événement, le retour du fils prodigue. Il n'y a qu'à voir ses passages à Fourvière qui ont souvent des allures de couronnement. Alors quand est faite la promesse d'une collaboration à l'Auditorium accompagné de l'ONL, c'est carrément le triomphe romain qui s'annonce. Pas question de bouder la chose tant, qui plus est, les partitions de Biolay sont faites pour êtres placées entre les doigts experts d'orchestres symphoniques.
À L'Auditorium le vendredi 18 et le samedi 19 février
La Colonie de Vacances
Ce n'est pas vraiment la saison mais revoilà La Colonie de Vacances, sans doute le plus fracassant projet rock vu ces dernières années. Soit un projet quadriphonique en forme de super-groupe initié par quatre formations rock : Papier Tigre, Bleu, Electric Electric et Marvin. Quatre groupes en quinconce et le public au milieu, encerclé. Une expérience sonore qui, de l'avis des intéressés, est aussi une expérience sociale. Et physique. Et tout ce qu'on veut.
À L'Épicerie Moderne le vendredi 23 février
Idles
Les fines gueules du rock indé ont tendance à considérer Idles comme le meilleur groupe british de cette dernière poignée d'années – peut-être à égalité avec les zinzins de l'espace de Sleaford Mods. Difficile de leur donner tort. Peu de groupes ont su matérialiser avec autant de justesse le désarroi contemporain (anglais, masculin...) tout en défendant des principes dépassant de loin la musique. Le tout en publiant un album, terrible et impeccable, presque chaque année depuis 2017. Crawl, leur dernière bombe explore l'angoisse d'exister et son pendant, l'envie de vivre. Rendez-vous au Transbordeur pour la leçon de vie.
Au Transbordeur le mercredi 2 mars (complet)
Damon Albarn
L'histoire d'amour entre Damon Albarn et l'Islande était connue. Elle avait commencé lors d'enregistrements de Blur sur l'île de glace et Albarn y avait fait l'acquisition d'une demeure-studio avec vue sur la baie de Reykjavik et même d'un coffee shop. Le voici qui a, enfin, matérialisé musicalement l'affaire cette année – la sortie en fut maintes fois repoussée – avec The Nearer the fountain more pure the streams flow, splendide exercice albarnien imprégné de la si particulière atmosphère locale. Surtout Mr Blur vient aussi présenter cet exercice singulier dans une très attendue version live.
À L'Auditorium le dimanche 6 mars
Fuzz
Fuzz c'est un peu la version "lait concentré" de tout ce que le revival garage rock a livré depuis dix à quinze ans sur la scène indé : un son garage, des envolées psyché, des dérapages stoner et beaucoup de fuzz, forcément. Pas étonnant, l'affaire est menée de main de maître par l'un des papes du garage – et accessoirement réincarnation californienne à T-shirt troué du sieur Stakhanov – Ty Segall dont Fuzz est l'un des projets récréatifs. Quant à la discographie du groupe, leurs albums s'intitulent Fuzz, II et III, à la manière des vénérables aînés de Led Zep. Prévoir des bouchons d'oreilles homologués par l'Association des amis du marteau-burineur.
À L'Épicerie Moderne le lundi 7 mars
Mendelson
Comme Sheila tous les dix ans, le Mendelson de Pascal Bouaziz vient de se lancer dans une tournée d'adieu. Mais pour le groupe, c'est la bonne. Mendelson a fait les choses bien en suivant les conseils de pub de prévention obsèques, histoire de ne pas prendre les fans par surprise. Et publié un disque baptisé Le dernier album, en forme de testament. L'histoire ne dit pas qui reprendra le lourd héritage de ce groupe jadis phare de feu le label Lithium (Dominique A, Françoiz Breut, Diabologum...) à l'optimisme très très pudique. Il faudra être à l'Opéra Underground pour déposer une rose.
À l'Opéra underground le vendredi 11 mars
À la ligne
Les confinements successifs n'ont guère permis à ce projet de tourner. Le voilà enfin à Lyon et c'est heureux parce que c'est la promesse d'un moment rare. Celui de voir porté sur scène et en version rock, un roman important. Enfin, un roman, plutôt un long poème sur la condition ouvrière écrit par le regretté Joseph Ponthus – il est décédé il y a un an – sur ses expériences en usine agroalimentaire. Aux manettes, deux musiciens que cette approche tourne forcément : Michel Cloup (ex-Diabologum et Expérience) et Pascal Bouaziz (Mendelson). Indispensable.
À L'Épicerie Moderne le jeudi 10 février
Other Lives
On a découvert Other Lives il y a dix ans déjà avec l'album Tamer Animals (dont une réédition anniversaire a vu le jour en 2021) et surtout le clip insensé d'un titre qui ne l'est pas moins For 12, rejouant 2001, L'Odyssée de l'espace en mode Mission to Mars. On découvrait alors la dégaine façon Capitaine Caverne de Jessie Tabish et cette espèce de post-folk psychédélique impitchable – outre le fait de dire qu'il est totalement hypnotique et qu'il pioche autant dans le western que chez Ravel ou Glass. Depuis, le groupe a publié deux autres albums studio sublimes. Sur scène, c'est épique à souhait.
À L'Epicerie Moderne le vendredi 18 mars
Lloyd Cole
Quatre ans après sa tournée dite de l'âge d'or autour d'un répertoire courant de 1983 à 1996 pour des relectures délicieuses en solo à la guitare acoustique, Lloyd Cole revient sur scène, toujours seul avec sa guitare, mais en élargissant la période passée en revue. Intitulé From Rattlesnakes to Guesswork, le show court de ses débuts avec les Commotions jusqu'à son dernier album, Guesswork, donc. Extension relativement anecdotique puisque ce que le public attend logiquement ce sont les tubes des premières années. Gageons qu'ils constitueront malgré tout la majeure partie de la soirée.
À la Salle Molière le samedi 26 mars
Jean-Louis Murat
Fut un temps où Murat était un peu boudé par les salles lyonnaises à cause de cette légendaire bonne humeur dont il avait une fâcheuse tendance à éclabousser tout le monde. Depuis quelques années, il a trouvé dans le Radiant (et aussi le Toboggan) le gîte et le couvert pour ses passages métronomiques, calés sur son rythme de publication. Et comme il vient de livrer avec La Vraie vie de John Buck, son énième album (on ne compte plus) pour un énième retour aux sources (idem) le revoilà à la poursuite de son (presque) Never ending tour.
Au Radiant-Bellevue le mercredi 30 mars
The Limiñanas
En dépit de leur passion pour la liberté et les collaborations freestyle, on n'attendait guère les Limiñanas sur le terrain électro. Ils ont pourtant publié l'an dernier un disque avec Laurent Garnier, un concept album façon road-movie baptisé De Pelicula où les psychédélismes de chacun fusionnent en une matière tout sauf artificielle – où l'on reconnaît peut-être davantage les Limiñanas que Garnier, suffisamment subtil pour ne pas avoir agité ses beats dans tous les sens. La tournée se fait sans lui mais bien autour de ce disque passionnant.
Au Transbordeur le mercredi 30 mars
Tricky
Au sortir du premier confinement le prince des ténèbres trip-hop Tricky avait déclaré qu'il pourrait bien devenir fou si on l'empêchait de se produire en concert. Car c'est là, dans ses shows asphyxiants que l'homme de Bristol trouve paradoxalement son oxygène façon Frank Booth dans le Blue Velvet de David Lynch. Comme le karma(coma) de Tricky, cet as de la musique de confinement est particulier, il n'a pas pu mener à bien la tournée prévue notamment l'automne dernier, celle de son Fall into pieces, album consacré au décès de sa fille Mina à l'âge de 24 ans. Voici donc la partie remise ce printemps. Enfin un peu d'air.
Au Ninkasi Kao le mercredi 20 avril
Rodrigo Amarante
Il a fallu attendre un moment avant que Rodrigo Amarante, révélation folk brésilienne de 2014, ne donne suite à son splendide Cavalo – suivi d'un non moins splendide concert à L'Épicerie Moderne. Sept ans exactement – entre-temps, il signait le morceau phare de la BO de la série Narcos – puisque Drama n'est sorti qu'en 2021. Où l'on retrouve ce mélange de folk et de bossa, toujours mis en perspective par le travail de l'ancien sorcier anti-folk Noah Georgeson, également vu aux côtés des Strokes, amis d'Amarante. On songe d'ailleurs parfois à une version de ces derniers en mode "team des fatigués" – c'est dire la coolitude extrême. Double bonne nouvelle, le revoici aussi sur scène.
À L'Epicerie Moderne le samedi 23 avril
Iggy Pop
Ce qu'il y a de bien avec le Pop c'est qu'il se conserve tellement bien que même à son âge (bientôt 75 ans), il peut repousser une tournée de deux ans sans qu'il n'y paraisse (sauf pour les fans qui attendent en se grignotant les ongles). Voilà donc "le Passenger" de passage dans la très clinquante Salle 3000, toujours encline à s'encanailler avec un concert de rock. L'occasion de découvrir sur scène son fort bien nommé Free de 2019.
À la Salle 3000 le lundi 2 mai
Teenage Fanclub
Comme pour Iggy Pop, il aura fallu attendre deux ans (si Omicron ne vient pas tout foutre en l'air) pour enfin voir Teenage Fanclub sur la scène de L'Épicerie Moderne qui leur était promise. Ça n'a pas l'air comme ça mais TFC est un monument, un genre d'équivalent écossais et moderne des Byrds dont la métamorphose musicale fut spectaculaire : concurrents directs du grunge avec une noise dessalée au début des 90's s'adoucissant au fil des disques (Thirteen, 1993, merveille), avant de publier, en 1995, l'un des albums phares de la période brit-pop, Grand Prix et de poursuivre dans une veine plutôt douce et mélodique à la Byrds/Big Star. L'un des événements de la saison.
À L'Epicerie Moderne le mercredi 4 mai
Adam Green
Adam Green est toujours aussi surprenant. Prenons son dernier single : Red Copper Room que sa tonalité yiddish fait sonner comme un mélange de la danse de Rabbi Jacob et d'un tube du chanteur pour enfant américain Barry Louis Polisar – qui ouvrait la BO de Juno. Le tout en 1'54'' un peu chiche qui a le mérite de prouver que l'ancien co-leader des Moldy Peaches est toujours aussi porté sur les formats ultra-courts. C'est sans doute ce qui lui permet d'avoir développé une invraisemblable collection de perles de crooning folk au long d'une carrière solo riche comme Crésus où il s'est à peu près tout permis. Plutôt rare dans notre périmètre, il nous gratifie d'un concert lyonnais dans le cadre de la bien-nommée tournée That Fucking Feeling.
À L'Epicerie Moderne le lundi 16 mai
Les Shériff
Aah, les Shériff, toute une époque, l'âge d'or du rock alternos à tendance punk. Les Shériff, fondés en 1984 à Montpellier, c'est un peu un mélange frenchie des Ramones et des Dickies, du punk-rock, joué pied au plancher façon « j'ai pas le time », des concerts de près de quarante titres et des albums cultes comme 3, 2, 1... Zero ! ou Soleil de plomb. Séparés en 1999, le groupe s'est reformé un peu par hasard en 2012 et vit, depuis, une seconde carrière qui l'a vu passer au Hellfest en 2018 et publier un album en 2021 : Grand Bombardement Tardif. Séquence nostalgie garantie.
Au Ninkasi Kao le mercredi 1er juin