Film court, féminin pluriel

Festival / Pour sa 44e édition, le festival du film court poursuit sa mue, en quête d’événements et d’éclectisme, avec une compétition internationale engagée dont se dégagent des œuvres où le féminin l’emporte sur le masculin.

Dure équation que celle d’un festival de courts-métrages aujourd’hui… Comment attiser la curiosité du public envers des films dont on ne sait rien, regroupés en programmes privilégiant l’éclectisme des formes (fiction, documentaire, animation…) plutôt que l’unité d’un thème ? Villeurbanne, comme beaucoup d’autres, marche depuis longtemps sur deux jambes : sa compétition, raison d’être originelle de la manifestation où se révèlent de futurs auteurs et comédiens ; et ses événements, plus aisés à vendre autour de « noms » ou de concepts.

Ainsi du premier week-end du festival, qui sera marqué par la venue de Ladj Ly pour présenter son deuxième long Bâtiment 5 ainsi que le court qui a servi de modèle aux Misérables ; la nuit du samedi sera consacrée à la désormais rituelle soirée WTF, réunion de courts d’animation barrés et bizarres, agrémentés de deux clips dont l’halluciné Du vélo à St-Malo, du kayak à St-Briac d’Astéréotypie ; le dimanche, le festival propose un programme de comédies, manière élégante de dire qu’elles brillent plutôt par leur absence en compétition — il y en a quelques-unes et pas des moins réussies, en particulier le très drôle D’autres chats à fouetter signé Ovidie, comédie de situations enlevée et joyeusement politique. L’animation se taille une belle place cette année au festival : en plus de la compétition qui lui est spécialement dédiée, il rend hommage le mardi 21 à Benoît Chieux, à travers quatre de ses courts-métrages et son premier long, présenté en avant-première et en sa présence : Sirocco et le royaume des courants d’air.

Des films-gynécées

Un monde sans femmes : c’était le titre d’un court de Guillaume Brac, hit de festival en son temps. Cette année, la compétition de Villeurbanne, c’est plutôt Un monde sans hommes ; plusieurs films tentent l’utopie, discrète ou revendiquée, de ne montrer que des femmes à l’écran. Parfois, c’est la nature-même de leur sujet qui les recentre autour de figures féminines : ainsi de Fragments de Marie-Lou Béland, suite de témoignages autour les violences sexuelles, ou Baby blueseuses de et avec Johanna Menuteau, abordant le sujet des dépressions post-partum. Moins didactique et pour tout dire plus intéressant cinématographiquement, d’autres films vont chercher des espaces désertés par les hommes. Joséphine Darcy Hopkins flirte avec le body horror dans Les Dents du bonheur, où la cruauté des inégalités sociales se reproduit sur deux étages et deux générations dans un huis-clos exclusivement féminin, ce qui lui confère une indéniable singularité. Avec Pavane, Pauline Gay disserte un peu scolairement sur le thème du transfert de classe et la honte qui l’accompagne, mais réussit de saisissantes séquences documentaires dans une usine de poulets tenues par ses ouvrières — le patron est le seul homme du film.

Le très beau Fin de Fernando Reinaldos montre sans parole et sans sortir des murs d’un appartement les gestes d’une vieille femme envers sa compagne atteinte d’Alzheimer, captant leurs sensations et magnifiant leurs peaux ridées et creusées. Un autre superbe film fait aussi l’économie du masculin : dans Il faut tout un village, Ophelia Harutyunyan pose sa caméra face à une campagne arménienne prise entre tradition et modernité, hommes absents — partis à la ville se chercher travail et maîtresses — et femmes à la fois aux champs, à la maison et sur TikTok, Facebook ou YouTube. La mise en scène, magistrale, les cadre et les décadre frontalement, comme fusionnées avec leur environnement, jusqu’à ce plan-séquence remarquable où la caméra dévisse de son pied pour trembler littéralement d’émotion avec son héroïne, avant de l’accompagner paisiblement dans sa chambre, la figeant dans un tableau pudique et lumineux annonçant celui qui clôt le film et lui donne son titre. Toutes ces œuvres de ou avec des femmes sont aussi des films d’actrices, et il convient d’en citer quelques-unes, remarquables, croisées dans la compétition : Zoé Adjani, Salomé Dewaels ou encore Sophie-Marie Larrouy, révélation burlesque du film d’Ovidie.

Festival du film court de Villeurbanne
Au Zola
Du 17 au 26 novembre

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