Dark pastoral / La venue de PJ Harvey aux Nuits de Fourvière est un des événements majeurs de ce mois de juin : un faisceau de ténèbres éclairant notre temps.
Dans l'espace de sept jours, Chelsea Wolfe au Transbordeur, Beth Gibbons à la Bourse du travail et PJ Harvey aux Nuits de Fourvière partageront leur univers à la fois anachronique et contemporain (« Le contemporain est l'inactuel » selon Roland Barthes), inondé d'élégance ténébreuse et de lyrisme poétique.
Nineties à rebrousse-poil
Avant de décrocher son premier Mercury prize en 2000 pour Stories from the city, Stories from the sea, PJ Harvey a traversé les années 90 en déjouant les risques de l'imitation. Ses albums sont de minutieuses écritures novatrices, se déployant sur les bords des genres de l'époque, comme un geste intempestif de mise à distance et de décalage.
Si l'attente de l'explosion rock s'avère intolérable dans la titre track de Rid of me (album enregistré par l'immense Steve Albini, disparu le 7 mai dernier) castrant les règles non écrites de l'alternative rock du début de la décennie, l'intimisme spectral de Girl, ouverture de Dance hall at louse point, album de blues étrange et rugueux conçu avec John Parish, semble vouloir hanter la dream pop.
Peu après en 1996, le trip-hop traversant le merveilleux Is this desire ? (et notamment dans The Wind, The Garden et Joy) est loin de respecter l'orthodoxie – jamais réglementée – du genre.
Ethérée et engagée
Si dans son opus de 2000 Polly Jean Harvey accepte d'accueillir en soi les ombres puissantes de Patti Smith, plus tard son esthétique se fait plus fragile et séraphique, comme dans When under ether et Before departure (de White chalk, 2007), voire commémorative (l'album Let england shake est consacré aux lettres des soldats et aux guerres en Irak et Afghanistan).
Avant-dernier album en date, The hope six demolition project est une œuvre solide et chorale, où les voix se multiplient tissant, en connivence avec le saxophone, une opposition sonore et politique contre les projets d'urbanisation de « nettoyage social ».
La poésie, arme de dissuasion massive
2023 marque le retour de l'éclectique artiste originaire du Dorset avec I inside the old year dying, dixième album qui aurait pu ne jamais voir le jour. C'est seulement grâce à la poésie (les textes sont des adaptations de son recueil Orlam publié l'année précédente) et à l'ami réalisateur Steve McQueen que PJ Harvey est revenue sur sa décision d'arrêter d'être musicienne.
Le résultat salvateur est un travail sonore qui semble se tisser autour de la parole poétique donnant une troisième dimension à l'essentialité verbale.
PJ Harvey
Au Théâtre antique de Fourvière le mardi 4 juin