Un après-midi de chien

Mercredi 4 juillet 2007

Reprise à l'Institut Lumière d'un des grands films de Sidney Lumet, huis clos brillant et contestataire, avec un Al Pacino en braqueur homosexuel au sommet de son art.Christophe Chabert

À l'origine d'Un après-midi de chien, un fait divers qui fit du bruit aux États-Unis dans les années 70 : le cambriolage d'une banque par deux petits malfrats, qui dura douze heures et mobilisa les forces de police et la presse, couvrant l'événement en direct. Pain béni pour le grand Sidney Lumet, dont les reprises des films en salles et leurs sorties en DVD prouvent qu'il est bien plus qu'un «bon artisan». En effet, le cinéaste retrouve ici ses thèmes préférés : omniprésence grandissante des media qui finissent par influencer l'actualité, renversement des valeurs entre l'ordre, lourde machine aveugle, et l'individu, qui renvoie le système à ses contradictions. Car Un après-midi de chien décrit une sorte de billard à trois bandes où les bords de la table auraient été rabotés, si bien qu'on ne sait jamais où la boule va rebondir.«Attica ! Attica !»D'abord, ses voyous sont vraiment minables. Le casse du siècle commence mal : un des trois pieds nickelés de départ se débine avant même de passer aux choses sérieuses. Quant aux deux autres, l'un, Sal, incarné par le météore du cinéma des 70's John Cazale, est à moitié débile ; l'autre, Sonny, agit avec un motif inattendu : il veut financer l'opération qui permettra à son compagnon de devenir une femme. Enfin, le cambriolage lui-même finit en eau de boudin : les caisses sont vides, et la seule solution, improvisée, est la prise d'otages générale. Avec son sens si précis de l'observation, Lumet fait monter la température au sens propre comme au figuré : c'est la canicule dehors, et le huis clos s'avère asphyxiant pour les personnages. Les caméras de télé prennent donc le relais pour aérer le dispositif : c'est elles qui offrent à Sonny l'occasion d'un véritable one man show sur le parvis de la banque, où il se pose en symbole de toutes les répressions policières, et notamment de la sanglante révolte dans la prison d'Attica. Prenant la foule présente à témoin, ils l'appelle à scander avec lui « Attica ! Attica !» comme dans n'importe quelle manif' gauchiste (courantes à l'époque). Évidemment, Lumet trouve en Al Pacino un sparring partner idéal pour transformer ce faux-polar en tragi-comédie. Camouflant l'homosexualité de son personnage en s'éloignant des clichés habituels (il faut quasiment revoir le film pour se rendre compte du côté féminin qu'il imprime à son jeu), rendant physiquement palpable sa maladresse, puis le laissant éclore en leader malgré lui d'une pathétique tentative pour camoufler un grand ratage, Pacino excelle dans ce qui reste une de ses plus brillantes créations. Beau cadeau, qui complète celui que Lumet lui avait fait deux ans plus tôt avec Serpico, véritable démonstration de virtuosité d'un Pacino plus caméléon que jamais.Un Après midi de chiende Sidney Lumet (1975, ÉU, 2h10) avec Al Pacino, John Cazale...À l'Institut Lumière, jusqu'au 1er juillet