Les enjeux à connaître en matière d'investissements dans le cadre d'un Pacs

Par Me Olivier Fabre, notaire / Choisir de se pacser, ce n’est pas seulement choisir un statut, c’est aussi se placer sous l’un des régimes patrimoniaux associés au Pacs : la séparation de biens ou l’indivision. Ce choix intervient lors de la conclusion du Pacs. Il est fixé dans la convention de Pacs elle-même, qu’elle soit enregistrée en mairie ou établie pardevant notaire.

On parle de « régime pacsimonial », pour décrire le régime de biens des partenaires pacsés, par analogie avec le « régime matrimonial » des époux mariés, régime de biens réglant les rapports patrimoniaux des époux entre eux et dont ils peuvent convenir par contrat de mariage. En fixant leur régime pacsimonial, les partenaires pacsés se donnent entre eux les règles qui permettront de déterminer de quels biens ils deviendront ou resteront propriétaires, dans quelles proportions, et quels pouvoirs ils auront sur ces biens.

Si le statut du Pacs s’applique de manière uniforme aux couples de partenaires, en revanche, leurs régimes de biens présentent des disparités importantes : le régime de la séparation des biens privilégie l’indépendance des patrimoines des partenaires, tandis qu’à l’opposé, le régime de l’indivision répond d’un esprit communautaire où l’enrichissement de l’un des partenaires profite à l’autre – à l’exemple du régime de la communauté des biens des époux mariés.

À défaut de choix d’un régime pacsimonial par les partenaires, la loi prévoit que ceux-ci seront soumis au régime légal de la séparation des biens. S’il a semblé au législateur que ce régime était adapté aux situations les plus courantes, il n’en demeure pas moins qu’un choix éclairé vaut mieux que l’application subie de règles ignorées. En pratique, lorsque le Pacs est conclu sous seing privé et enregistré en mairie, il est mis à disposition des partenaires un formulaire simplifié de convention de Pacs, à renseigner sommairement : souvent, l’option pour un régime consiste alors à cocher, sans trop savoir, la case du formulaire correspondante. Un choix est donc formellement opéré dans la majorité des cas, mais sans que les partenaires soient conscients des enjeux. Or, la convention de Pacs sera la feuille de route des partenaires pour la constitution de leurs patrimoines. Mieux vaut donc établir une convention de Pacs avec l’éclairage d’un notaire, afin d’éviter des déconvenues au moment de la réalisation d’investissements pas les membres du couple ou au moment d’une séparation.

La stratégie des partenaires s’inscrit dans un cadre contraint quant à la variété des choix offerts : à la différence des époux, qui ont la liberté de leurs conventions matrimoniales, les partenaires devront opter pour l’un ou l’autre des régimes tels que prévus par le Code civil, sans possibilité d’aménagements, ou seulement très marginaux. Cette impossibilité de modeler un régime à la main des partenaires doit les rendre attentifs aux implications de leur choix : pourront-ils acquérir des biens autrement qu’en indivision par moitié, pourront-ils en disposer l’un sans l’autre, pourront-ils rapporter la preuve de la propriété exclusive d’un bien ? Leur sera-t-il possible de faire reconnaître et compenser une contribution financière excédant l’équivalent de leurs droits en propriété ? Voilà les questions à se poser.

Le régime de la séparation : avantages et inconvénients

Le choix du régime de la séparation des biens apparaît comme le moins contraignant. Quoique partenaires, les membres du couple pourront réaliser seuls les investissements qu’ils désirent, sans que ces investissements n’entrent dans une indivision forcée dans laquelle chacun aurait des droits de moitié. Cela n’interdit pas d’investir ensemble, en indivision et dans les proportions que les partenaires pourront déterminer en fonction de leurs capacités de financement. Cela n’interdit pas non plus à l’un des partenaires de participer à un investissement réalisé par l’autre car, de même qu’en droit commun, le financement ne fait pas la propriété et le partenaire contributeur aura alors une créance contre le partenaire acquéreur du fait de sa contribution. Enfin, dans le cas d’une acquisition indivise finalement financée dans des proportions différentes des quotités d’acquisition fixées dans le titre, le partenaire ayant surcontribué ne sera pas sans recours, et fera valoir une créance contre l’indivision. Cette créance sera liquidée lors de la vente ou du partage du bien, éventuellement lors de la séparation du couple. La liberté des partenaires dans la composition de leurs patrimoines est donc très étendue, et l’investissement financier de l’un des partenaires ayant profité à l’autre n’est pas définitivement perdu puisqu’il donne lieu à une créance. En ce sens, l’enrichissement de chacun des partenaires sous un régime séparatiste leur reste personnel.

Le régime de l’indivision : avantages et inconvénients

Le choix du régime de l’indivision, ayant vocation à mutualiser l’enrichissement des partenaires, est plus contraignant. Si les partenaires conviennent de se soumettre au régime de l’indivision, dite « indivision d’acquêts » des articles 515-1 et 515-2 du Code civil, alors ils soumettent au régime de l’indivision tous les biens qu’ils acquerront par la suite, sauf les exclusions légales qui sont très limitatives. Cette indivision dans laquelle les partenaires ont des droits de moitié a donc une extension très large. L’effet recherché de cette disposition est précisément l’enrichissement commun du couple, puisqu’il n’est pas tenu compte d’un financement inégal par les partenaires au moyen des deniers provenant de leurs revenus. S’ajoute à cela l’impossibilité pour celui des partenaires qui aurait surcontribué au financement d’en demander compte. On le voit, le prix de la générosité d’un enrichissement partagé se paie du prix d’une rigidité bien contraignante. Et cette générosité est totale, puisqu’elle est sans retour. Aussi, le partenaire bénéficiaire des revenus les plus importants au sein du couple devra avoir conscience qu’il ne sera pas tenu compte du surplus de deniers par lui investis dans le remboursement d’un prêt ayant financé une acquisition ; ceci alors même que ces revenus, en tant que tels, lui sont personnels et à sa libre disposition.

Un tempérament à cette rigidité est toutefois admis, mais uniquement lorsqu’une somme est investie par l’un des partenaires dans une acquisition commune à titre de remploi : il s’agit des sommes provenant d’une succession, d’une donation, ou du produit de la vente de biens issus d’une succession ou donation. Dans ce cas, où l’un des partenaires remploie pareille somme lors d’une acquisition, il est admis que cette acquisition puisse être faite dans des proportions autres que pour moitié chacun. Cela permettra la reconnaissance de la surcontribution du partenaire apporteur de deniers, et lui ouvrira des droits correspondants dans la distribution du prix de vente où lorsqu’il y aura lieu de liquider une soulte de partage pour voir attribuer le bien à l’un ou l’autre des membres du couple.

Il convient d’observer enfin que le régime légal de l’indivision antérieur à la loi du 23 juin 2006, qui lui a substitué le régime légal de la séparation de bien, examiné plus haut, reste le régime des partenaires pacsés avant cette date, sauf si les partenaires ont choisi de se soumettre à la loi nouvelle par convention modificative. La particularité de ce régime réside dans la possibilité d’écarter l’indivision dans l’acte même d’acquisition, ce qui fera échapper le bien acquis à la présomption d’indivision par moitié. Encore faut-il respecter ce formalisme.

En tout état de cause, il reste toujours loisible aux partenaires, quel que soit leur régime pacsimonial, de le modifier par une nouvelle convention, lorsque le régime choisi s’avérerait inadapté, notamment au regard d’investissements futurs.

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