Litige employeur/salarié : et si on le résolvait ensemble ?

Me Christelle Laverne, avocate au Barreau de Chambéry / Le contrat de travail relève des relations humaines, source de richesse mais aussi de difficultés, au point que le dialogue entre l’employeur et le salarié peut se rompre. En dehors de tout contentieux judiciaire, il est toujours possible pour l’employeur et/ou le salarié de solliciter le concours d’un tiers pour les accompagner dans la co-construction d’une solution au mieux de leurs intérêts respectifs.

Se faire accompagner pendant la relation de travail par un médiateur ou un avocat

Les causes de tension, de frustration sont nombreuses dans la relation de travail : l’organisation du travail, la rémunération, les congés, les outils de travail, la santé au travail… Le conflit est inhérent à la relation de travail, c’est même la base de la coopération. Il peut se vivre dans le dialogue. C’est quand il devient contentieux, que les parties ne s’entendent plus, ne s’écoutent plus, qu’il devient problématique et bloque la relation.

Au-delà du travail, il y a des hommes et la communication entre eux fait la force de ce collectif. Écouter pour se comprendre. Plutôt que d’écouter pour répondre, comme on le fait dans un contentieux, à la façon d’une partie de ping-pong. On parle d’écoute active, pratiquée en médiation, notamment.

Pour réparer ou reconstruire leur relation, employeur et salarié peuvent choisir de recourir, en dehors de tout contentieux, à la médiation dite « conventionnelle ».

Ce processus est défini par l’article 1530 du Code de procédure civile : un « processus structuré, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord, en dehors de toute procédure judiciaire en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers choisi par elles qui accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence. »

Il est volontaire : les deux parties doivent y consentir. Le médiateur, neutre et impartial, est « uniquement » là pour accompagner les parties à trouver elles-mêmes la solution à leur problématique.

Pour permettre des échanges libres et en toute transparence, la médiation est régie par un principe de confidentialité : si la médiation échoue, les parties ne pourront pas se servir de ce qui s’est dit en médiation à l’appui d’une procédure judiciaire.

Les outils de la médiation vont permettre d’identifier les besoins et préoccupations de chacun, ce qu’il y a derrière les « je veux… » et les « j’aimerais… » : souvent un besoin de sécurité, chez l’employeur comme chez le salarié, mais aussi de reconnaissance, d’appartenance… Le conflit au travail peut alors devenir un levier de transformation.

Par exemple, l’employeur qui a le sentiment que son collaborateur ne s’investit plus dans son travail et dans la réussite de l’entreprise, au point d’envisager la rupture du contrat, et le collaborateur qui est en difficulté sur le plan technique et craint de mettre en difficulté l’entreprise par sa défaillance, ce qui le conduit à s’en détacher par peur de l’échec, ont en commun l’attachement à l’entreprise et sa réussite : ce salarié, sous réserve de bénéficier d’une formation adaptée, pourrait se révéler un excellent élément au service de la performance de l’entreprise.

La rémunération du médiateur est convenue avec lui et la répartition de sa prise en charge est décidée entre les parties. Le coût d’une médiation est souvent beaucoup moins important que celui d’un procès. Surtout, la résolution du conflit peut ainsi échapper à la verticalité de la décision d’un juge et permettre la poursuite de la relation de travail en considération des besoins et intérêts de chacun.

Construire ensemble la fin de la relation de travail : la rupture conventionnelle et/ou la médiation conventionnelle

Lorsque la rupture de la relation de travail paraît inéluctable, il est toujours temps d’opter pour une résiliation amiable du contrat, de façon à en maîtriser, dans toute la mesure du possible, les modalités et conséquences.

En optant pour la rupture conventionnelle, les parties peuvent choisir ensemble, notamment :

– les modalités d’exécution du contrat pendant le cours de la procédure (prise de congés payés, dispense d’exécution du contrat avec ou sans maintien de rémunération…),

– la date de la rupture.

Autrement dit, les parties sont libres de convenir d’une rupture à la première date utile, notamment si le salarié a besoin de quitter l’entreprise au plus vite, notamment pour intégrer un nouvel emploi, ou au contraire d’un processus plus étalé dans le temps, notamment pour permettre au salarié de préparer son « après » et à l’employeur de recruter un successeur au poste et organiser le passage de relais.

Dans ce cadre, et pour convenir d’une rupture qui collera au plus près de leurs besoins respectifs, les parties peuvent choisir de se faire accompagner par un avocat et/ou par un médiateur.

Si la rupture de la relation s’impose à l’une ou l’autre des parties, notamment en cas de licenciement, il est possible, avant la saisine du juge, de recourir à une médiation conventionnelle, selon les modalités précitées.

Toujours sous l’égide de la confidentialité, l’employeur pourrait ainsi assumer que la décision qu’il a prise est discutable, en fait et/ou en droit, pourrait l’exposer à une sanction.

Le salarié pourrait quant à lui afficher que ses prétentions excèdent l’indemnisation du préjudice qu’il subit véritablement.

Si les parties parviennent à un accord, elles peuvent le faire homologuer par un juge au visa de l’article 1534 du Code de procédure civile : l’accord trouvé a alors la même valeur qu’un jugement.

Trouver une solution amiable sous l’égide du juge : la conciliation ou la médiation judiciaire

En matière prud’homale, la procédure prévoit une phase de tentative de conciliation, assurée par un bureau de conciliation et d’orientation composé de deux conseillers prud’homaux, l’un représentant les employeurs, l’autre les salariés, qui vont recevoir les deux parties pour entendre leurs explications et s’efforcer de les concilier.

Au service de la conciliation, la partie qui a saisi le conseil de prud’hommes doit communiquer ses pièces à son adversaire avant l’audience de conciliation. Cela pourra permettre à la partie attraite en justice de mesurer l’enjeu du litige et l’intérêt qu’il pourrait avoir à le solder amiablement. « Qu’est-ce que je risque à laisser un juge trancher le litige ? » Les parties pourront se faire utilement assister par un avocat qui, par son expérience du contentieux, est en mesure d’apprécier l’aléa judiciaire, de prendre la mesure du risque.

En cas de conciliation, totale ou partielle, un extrait du procès-verbal peut être délivré. Il vaut titre exécutoire par application de l’article R.1454-11 du Code du travail.

La construction d’un accord peut mettre plus de temps. Elle peut aussi, parfois, nécessiter de sortir du cadre posé par la requête dont le conseil de prud’hommes a été saisi, notamment si employeur et salarié entretiennent par ailleurs des relations d’amitié ou de famille. Il est des licenciements dont le motif et sa conformité aux prescriptions du Code du travail, ne sont pas le vrai sujet, tant la relation de travail est empreinte d’affect. La médiation judiciaire peut alors se révéler utile.

L’article 131-1 du Code de procédure civile prévoit que « le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, ordonner une médiation ». Le médiateur désigné a pour mission d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose.

Ces dispositions s’appliquent à toutes les juridictions, au conseil de prud’hommes comme au tribunal judiciaire ou au tribunal de commerce, et même à la cour d’appel. La médiation peut être ordonnée à tout moment, à la demande des parties.

Sa durée initiale ne peut excéder trois mois, renouvelable une fois, pour la même durée.

Ainsi, conciliation et médiation sont parfaitement compatibles et peuvent se compléter : si la conciliation échoue, les parties pourront mettre à profit le temps qui les sépare de l’audience de jugement, qui peut être relativement long selon l’encombrement de la juridiction, pour se prêter à un processus de médiation et tenter de parvenir à un accord.

Et même après que le conseil de prud’hommes a statué, la recherche d’un accord amiable reste possible, notamment si la décision rendue est contestée en appel. De nouveau, les délais d’audiencement peuvent être mis à profit.

Il est toujours mieux d’être acteur de la solution, plutôt que de subir une solution prescrite par un juge qui, tout formé qu’il est, ne raisonne qu’en droit et à la lumière des pièces qui lui ont été remises et qui ne sont pas toujours le reflet de la réalité perçue par le salarié et l’employeur.

In fine,  les parties, ou la plus diligente d’entre elles, peuvent soumettre à l’homologation du juge l’accord qu’elles auront trouvé en médiation.

Avant de recourir au juge, ou sous son égide, employeur et salarié auront toujours intérêt à chercher et à trouver ensemble la solution au conflit qui les oppose, au besoin en se faisant accompagner : tout est affaire de volonté !

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