Les modalités d'achat d'un bien immobilier par une collectivité

L’utilité publique préalable indispensable à la réalisation d’une expropriation

L’expropriation constitue une atteinte exorbitante au droit de propriété, lequel est protégé par la Constitution et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il est donc indispensable que la procédure mise en place respecte scrupuleusement
les dispositions contenues dans le Code de l’expropriation ; oui, mais pas que !

Le critère essentiel : l’utilité publique
Le seul motif qui justifie qu’un bien puisse faire l’objet d’une expropriation est l’utilité publique de l’opération envisagée, l’intérêt supérieur de la col- lectivité et donc de tous au détriment de certains. Il convient donc de la définir avec discernement avant tout lancement d’une opération d’expropriation.
Parfois le critère de l’utilité publique est aisé à définir, car les textes prévoient eux-mêmes le recours possible à l’expropriation dans des cas précis (risques naturels, miniers ou technologiques susceptibles de menacer de façon significative la vie humaine par exemple). Mais dans la plupart des cas, et notam- ment des cas de réaménagement urbanistique, le contrôle de l’utilité publique de l’opération ne sera fait qu’en cas de contestation, devant le juge. Il appartient donc à la collectivité de s’interroger en amont afin de vérifier si l’opération envisagée peut être requalifiée, à l’aune de la jurisprudence existante. Le projet envisagé doit être nécessaire et le juge, parmi d’autres critères, fait application de la théorie dite « du bilan » comparant les avantages et les inconvénients respectifs de la poursuite ou de l’annulation de la déclaration d’utilité publique. Si le bilan est positif, l’utilité publique de l’opération sera confirmée.

Les dispositions annexes
L’utilité publique doit également s’apprécier au regard de certaines lois qui doivent être respectées et s’imposent aux collectivités désireuses de mettre en œuvre une procédure d’expropriation.
Ainsi les articles L. 122-1 et suivants du Code de l’urbanisme applicables en zone de montagne sont directement opposables à la procédure d’expropriation et, s’ils ne sont pas respectés, ils peuvent remettre en cause la validité de la déclaration d’utilité publique (maintien des terres nécessaires au développement des activités agricoles, pastorales et forestières ; protection de certaines rives des plans d’eau naturels ou artificiels ; urbanisation en continu en zone de montagne…). Dans ces cas, l’utilité publique doit être compatible avec ces prescriptions et il en est de même concernant la loi Littoral, les dispositions relatives aux entrées de ville, les documents d’urbanisme en général… L’utilité publique d’un projet est donc appréciée au regard d’un ensemble de dispositions et se doit d’être compatible avec celles-ci.
Mais certaines législations sont totalement indépendantes de la déclaration d’utilité publique. Tel est par exemple le cas des règles relatives aux zones d’aménagement concerté, aux installations classées…
L’arbitrage entre la compatibilité à certaines règles et l’affranchissement à d’autre relève d’un exercice périlleux que seul un professionnel confirmé peut conseiller.

La procédure de création d’une opération qualifiée d’utilité publique

Avant de pouvoir déclarer une zone d’utilité publique, une phase d’enquête préalable est nécessaire, dili- gentée par un commissaire enquêteur, nommé par le préfet, accompagné d’experts, qui doit donner un avis favorable à l’opération. Le périmètre de l’opé- ration soumise à la déclaration d’utilité publique et le projet prévu sur la zone sont définis au préalable pour lui permettre de mettre en œuvre l’enquête. Le pouvoir du commissaire enquêteur est important, car toute réserve émise dans l’enquête qui ne recevrait pas de réponse appropriée est de nature à bloquer la déclaration d’utilité publique.
Dès lors que le projet qui a motivé la procédure a reçu un avis favorable du commissaire enquêteur, le préfet peut prononcer un arrêté de déclaration d’utilité publique sur le périmètre foncier concerné. À ce stade de la procédure cependant, toutes les parcelles incluses dans ce périmètre ne sont pas potentiellement expropriables. Il convient en effet, à l’issue d’une enquête parcellaire (qui peut se dérouler en même temps ou postérieurement à l’enquête publique), d’identifier chaque parcelle, et chaque propriétaire, susceptible de faire l’objet d’une expropriation. En effet, dans un périmètre donné, seules les parcelles nécessaires à la réalisation de l’opération seront expropriables. Une fois les parcelles et surtout leurs propriétaires recensés, un arrêté de cessibilité est prononcé par le Préfet permettant l’ouverture de la phase judiciaire de l’expropriation.
Il appartient alors au juge judiciaire de prononcer l’expropriation par ordonnance et de fixer les indemnités si celles-ci n’ont pas fait l’objet d’un accord amiable entre expropriant et exproprié.
Dès lors que l’ordonnance est prononcée par le juge, le transfert de propriété au profit du bénéficiaire de la déclaration d’utilité publique s’opère instantanément. Les formalités subséquentes prennent la forme d’un « traité d’adhésion » qui permet la publication du transfert de propriété au fichier immobilier.

Les contraintes liées à l’existence d’une déclaration d’utilité publique

Le bien exproprié doit recevoir la destination pour laquelle l’expropriation a été mise en œuvre. C’est un principe fondamental de la procédure d’expropriation qui emporte un certain nombre de conséquences.
Dès lors que les parcelles sont identifiées par l’enquête publique comme étant potentiellement expropriables les propriétaires concernés bénéficient d’un certain nombre de droits, droits qui ne sont pas sans contraintes pour le bénéficiaire de l’expropriation.
Tout d’abord, l’article L.411-1 du Code de l’expropriation impose, dans toute cession effectuée par le bénéficiaire de l’expropriation à un tiers, l’annexion d’un cahier des charges contenant des dispositions impératives organisant la résolution de la vente si l’immeuble n’est pas affecté à l’usage pour lequel il est destiné, prévu dans la déclaration d’utilité publique. Or la possible résolution d’une vente est susceptible de rendre impossible pour l’acquéreur le recours à un emprunt bancaire, les établissements financiers refusant généralement ce mécanisme en faveur de l’ancien propriétaire. Autres exemples de contrainte pour les bâtiments à usage d’habitation, le bien ne peut être loué que nu et à titre d’habitation principale, le terrain ne peut être revendu avant d’avoir reçu l’affectation prévue dans l’acte. Force est de constater que ces sujétions sont peu compatibles avec l’évolution des modes d’actions des constructeurs.
Ensuite, le propriétaire concerné par la déclaration d’utilité publique peut exercer un droit de rétrocession à son profit, si l’immeuble ne reçoit pas la destination prévue dans un délai de cinq ans à compter de l’ordonnance d’expropriation. Le seul problème est que le propriétaire ne peut renoncer à ce droit de rétrocession que lorsque ce dernier est considéré comme acquis ; la jurisprudence vient de préciser que ce droit n’est acquis qu’une fois le délai de cinq ans écoulé.
Enfin, un an après la déclaration d’utilité publique, le propriétaire potentiellement expropriable bénéficie d’un droit de délaissement lui permettant de demander à la collectivité d’acquérir le bien. Ce droit peut être mis en œuvre pendant deux ans.
On le voit, l’ensemble de ces contraintes impose une rigueur sans faille à la collectivité qui souhaite mettre en œuvre une procédure d’expropriation.

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