Sacré sorcier / Deux mois durant, l'Institut Lumière rend hommage, au moyen d'une rétrospective quasi intégrale, à un cinéaste américain définitivement à part : Robert Zemeckis. Réalisateur de films ultra populaires, lauréat de nombreuses récompenses, son nom n'est pourtant pas aussi identifiable par le grand public que certains de ses contemporains. Retour sur un géant anonyme.
Plus de quarante-cinq ans de carrière, vingt-deux longs-métrages : la filmographie de Robert Zemeckis traverse les âges et les époques. D'œuvres méconnues (Crazy day, The Walk) à des phénomènes pop culturels hors normes (Retour vers le futur, Qui veut la peau de Roger Rabbit ?), il s'est confronté à une multitude de genres (aventures, SF, Heroic Fantasy, drame...) avec un même goût des trucages et le même désir de repousser les limites de l'illusion cinématographique.
Aux frontières du réel
Dès son premier long-métrage, Crazy Day, une comédie sur la Beatlemania, se distingue une envie d'utiliser la contrainte technique comme source d'inspiration. Pourvu d'un petit budget, il reconstitue lors d'un climax le passage des Beatles sur le plateau du Ed Sullivan Show, sans pour autant faire apparaître à l'écran la bande son de Paul McCartney. Seize ans plus tard, Forrest Gump marque l'aboutissement d'une démarche d'intégration de la fiction dans des images d'archives. Les collages entre animations et prises de vues live de Roger Rabbit constituaient quant à eux la première étape d'un cheminement visant à explorer le virtuel pour mieux dépeindre le réel. Peu à peu, les astuces de mise en scène iront chercher un terrain de jeu plus vaste. Les mésestimés Contact (matrice d'Interstellar) et Apparences, où la caméra se sert du numérique pour se libérer des contraintes physiques, amplifient cette tentation. L'acmé est atteinte dans la première décennie 2000 et trois films tournés en performance capture (Le Pôle express, La Légende de Beowulf et Le drôle de Noël de Scrooge).
Les récits vous vont si bien
Se confronter aux effets spéciaux de pointe afin de rendre invisible la prouesse technologique et d'atteindre l'émotion du spectateur, tel semble être le sacerdoce de Robert Zemeckis. S'il s'attelle à défricher la performance capture ou la 3D, alors à leurs balbutiements, quitte à devoir composer avec les limites de l'époque, c'est pour mieux inventer le cinéma d'après. Un esprit aventureux au service d'un sens aiguisé de la narration qu'il partage avec Steven Spielberg et James Cameron. Par-delà le tour de force et les fulgurances formelles, l'émerveillement et le plaisir sont au cœur de son œuvre. Du petit garçon qui monte à bord du Pôle Express, à Philippe Petit (The Walk) bravant le vide sur un fil, en passant par un Forrest Gump témoin candide de l'histoire américaine en marche, probables avatars de leur auteur : les rêveurs occupent une place primordiale. Cette naïveté sublime n'exclut pas un regard complexe sur les mondes mis en images, une lucidité cruelle, à l'instar de Bienvenue à Marwen, conclusion d'une rétrospective, audacieuse, essentielle. Disons-le fermement, absolument rien n'est dispensable au sein de ce vaste programme !
Rétrospective Robert Zemeckis
Du 22 novembre 2024 au 26 janvier 2025 à l'Institut Lumière