Alors qu'une pluie d'œuvres engagées s'abat sur Hollywood, le film de Peter Berg s'affirme comme une exception : son contexte politique sert surtout à introduire un peu d'exotisme dans un blockbuster efficace et bourrin.CC
Difficile de faire le tri dans ce qui s'apparente, semaine après semaine, à un renouveau du film "d'actualité" hollywoodien, terme finalement plus adapté que "politique". Après les opus de Gilroy et Greengrass et avant ceux de Haggis et Redford, voici Le Royaume, qui prend appui sur un acte terroriste commis dans une "enclave" américaine en Arabie Saoudite pour déployer une poignée d'agents du FBI à la poursuite du chef Habou Hamza. Après une leçon d'histoire en accéléré, façon MTV, et l'impressionnante séquence d'ouverture, le film avance cahin-caha, attendant comme ses personnages le moment d'aller ferrailler dans les rues saoudiennes pour devenir un bon blockbuster épileptique. Les Experts Arabie SaouditeC'est la curiosité du Royaume : lorgnant vers les séries télé (le casting pioche dans Alias, Six Feet Under et Entourage, la réalisation tremblante doit autant à Greengrass qu'à 24), il n'utilise le contexte que comme un surcroît d'exotisme, sa pédagogie balourde ne faisant guère diversion sur les intentions de Peter Berg (qui avait réalisé juste avant le bourrin Bienvenue dans la jungle avec The Rock !). D'ailleurs, le film est tout à fait politiquement correct, avec son flic arabe sympa et tolérant, prêt à "apprendre" son métier de ces Experts américains, puis à se sacrifier pour eux. Signe qui ne trompe pas, aux tronches d'enterrements des films engagés comme Syriana ou Michael Clayton, Le Royaume préfère des personnages avec une vraie santé, faisant des blagues et se laissant aller à l'ennui, plutôt que des figures tendues comme des slips et coupées de toute vie quotidienne. La dernière partie, pyrotechnique en diable, ne lésine pas sur la violence, ni sur un suspense parfois crapoteux, mais n'est pas négligeable en matière de cinéma d'action. Le clou du film (qu'on ne révèlera pas) se trouve à la dernière image ; sans que rien ne le laisse prévoir, Le Royaume passe en une réplique de divertissement sympa et rassurant à réflexion politique angoissante et désespérée, laissant sous-entendre que le pire est à venir et qu'il n'y aura pas de happy end. Twist moral ou vrai sursaut de lucidité inquiète ? En tout cas, cette fin pré-apocalyptique glace le sang et en dit long sur la capacité d'Hollywood à déranger son spectateur (à suivre dès la semaine prochaine avec le très réussi Dans la vallée d'Elah).Le Royaumede Peter Berg (ÉU, 1h45) avec Jamie Foxx, Jennifer Garner, Chris Cooper...