Nathalie Perrin-Gilbert : "une rentrée culturelle renforcée"

Politique culturelle / L’adjointe à la culture de Ville de Lyon aborde sa 4e rentrée avec des dossiers aigus sur la table comme celui de l'aide aux structures culturelles prises dans l’inflation ou le mal-être des employés du théâtre de la Croix-Rousse. Musées, lecture publique, arts de la scène, musique, liens entre Ville, Région, Etat et Métropole… Nathalie Perrin-Gilbert fait le point.

Dans quel état d’esprit abordez-vous cette rentrée ?

Nathalie Perrin-Gilbert. C’est une rentrée culturelle plutôt renforcée qui se présente avec l’événement de la Biennale qui est a la particularité de ne pas être totalement construite par Tiago Guedes – il y a encore la patte de Dominique Hervieu - mais il a amené sa propre coloration. Et puis des lieux nouveaux ouvrent (les théâtres du Ciel, de l’Assemblée), les Scènes découvertes vont commencer leur saison avec des moyens supplémentaires (+ 250 000€ en 2023 pour les 8 scènes labelisées). Il y a aussi la programmation des Célestins désormais portée à 100% par Pierre-Yves Lenoir avec des inflexions vers le théâtre contemporain et la jeune création. J’ai hâte de voir tous ces lieux et ces événements se dérouler, ouvrir. C’est une rentrée placée sous le signe d’une forme de renouvellement. Je suis assez impatiente de la partager avec les acteurs culturels et les Lyonnais·e·s.

 

Concernant les Scènes Découvertes, l’Espace 44, que vous avez sorti du dispositif en 2022, a vu sa subvention Ville passer de 35 000€ à 10 000€ en un an. Où en sont vos liens suite à la conférence de presse houleuse de son directeur, André Sanfratello en mars dernier ?

Pendant cette première partie de mandat, j’ai vraiment voulu bâtir une politique culturelle ; ça implique de la responsabilité et de réinterroger des priorités et des fonctionnements. Ça implique aussi une clarté. J’ai beaucoup rencontré les acteurs culturels. On a posé à plat le fonctionnement de certains lieux et les objectifs partagés avec la collectivité. On s’est ouvert à d’autres possibles comme les arts de la rue avec le conventionnement du Nid de poule. Durant la période Covid, on a été en très soutien du secteur la première année de ce mandat avec le fonds d’urgence de 4M€ pour éviter des fermetures. Ensuite pendant deux ans, un travail intense a permis d'analyser, de reposer des cadres  (réécriture de la charte de coopération) et on a notamment redéfini nos exigences pour Les Scènes découvertes : accompagner les artistes vers une professionnalisation, la question de leur rémunération, de leurs droits, de la rencontre avec des publics et des producteurs éventuels, des programmateurs… Les Scènes découvertes doivent être au service de la création, des auteurs… On a beaucoup travaillé avec les services de la DRAC et la Région. Dans toutes les décisions qu'on peut prendre ou dans toutes les variations que vous pouvez voir, rien n'est tout à fait conjoncturel et rien n’est arbitraire même s’il y a toujours une part de subjectivité dans l’analyse d’un dossier. Mais j’essaie que les bases soient précises pour qu’une baisse ne soit pas trop perçue comme injuste.

De par la programmation actuelle de l'Espace 44 et le dialogue qu'on a essayé d'avoir avec André Sanfratello, aujourd'hui c’est un lieu qui se situe comme Agend’art, Chromatique ou le théâtre de l’Uchronie dans ma grille d'analyse, que l'on aide pour environ 10 000€. C’est un lieu important pour le 1er arrondissement et dans l'histoire de la Ville, je le sais bien, je le respecte mais ça n’est plus un fer de lance de la création.

Pendant la conférence de presse de l’Espace 44, j'avais évoqué le fait que mon bureau restait ouvert et que j'étais prête à recevoir les personnes présentes pour ré-expliquer ma politique culturelle mais je n’ai eu aucune demande de rendez-vous. 

Par ailleurs, André Sanfratello est en train de céder son bail à une compagnie théâtrale. Il a un droit au bail commercial 3-6-9 qui le lie au propriétaire ; le bailleur l'a toujours reconduit et n'a jamais profité de la ré-écriture du bail au bout de 9 ans pour re-questionner le niveau de loyer (moins de 5000 € par an, ce qui est très très peu et tant mieux). Il le cède à une compagnie, je ne sais pas laquelle ni à quel prix mais une transaction est en cours. On s’est mis d'accord avec le bailleur sur le maintien d'une activité théâtrale. Je peux confirmer qu’il y aura toujours un théâtre rue Burdeau mais je ne peux pas dire qui le dirigera.

 

Pour rester dans le champ des théâtres, les salariés du théâtre de la Croix-Rousse vous ont adressé, en décembre, une lettre disant leur mal-être. Pour autant rien n’est résolu. Comment vous positionnez-vous ? 

Je suis inquiète et je constate un décalage entre les valeurs portées dans le projet artistique et de programmation et la manière dont les équipes sont dirigées et accompagnées en interne du théâtre. Ce décalage ne peut pas durer. Côté programmation, je dois dire que le pari de la directrice de Courtney Geraghty est réussi : le théâtre de la Croix-Rousse est rempli, le public qui venait sous l’ancienne direction est toujours là et il y a aussi un public renouvelé, plus jeune et plus mixte ; les axes de programmation sont conformes à ce qu'elle nous a présenté au moment de son audition devant la DRAC, la Région et moi-même. Cette partie du cahier des charges est remplie et on ne peut qu’en féliciter Courtney et ses équipes (car il n'y a pas que la directrice pour porter une programmation il y a aussi les équipes pour accueillir les artistes, défendre le projet, le partager, elles partagent cette orientation et même la font vivre). C’est donc une réussite collective mais je suis très inquiète des interpellations qui me sont faites et de la souffrance au travail au sein du théâtre. 

J'ai été sollicitée par les représentants du personnel en décembre 2022, je les ai rencontrés quasiment immédiatement. Dans la foulée, j'ai demandé à recevoir la présidente de l’association du théâtre [NDLR Marie-Pia Bureau, également directrice de l’ONDA, office national de diffusion artistique], j’ai convié le directeur de la DRAC car nous sommes deux co-financeurs principaux (il y a aussi la Région de façon moindre). J’ai expliqué à la présidence cette situation, avec des exemples très précis anonymisés ou pas, que les salariés m'avaient autorisé à porter. À ma demande, la présidente s’est engagée à agir et j'ai dit très clairement que je ne remettais pas en cause les engagements financiers sur la saison 2022-23 mais que je ne pourrai pas continuer à fermer les yeux en tant que financeur et aussi parce que le théâtre, les bâtiments appartiennent à la Ville, que des agents de la Ville travaillent au théâtre. Elle nous a proposé de faire réaliser un rapport avec un intervenant extérieur qui est venu auditer sur le fonctionnement du théâtre – c'est un partenaire extérieur qui a été choisi pour les salariés et la direction. J’ai demandé à la présidente de me communiquer ce rapport, je l'ai reçu au mois de juillet et ce que j’y lis n'est pas acceptable. Pour moi c’est une manière d'affirmer, qu'en effet, il y a des dysfonctionnements internes dans le management. Mais ce théâtre est une association, la Ville n’est pas l'employeuse de la directrice, c'est l'association qui emploie. La Ville est une tutelle et nous avons une forte responsabilité au regard du montant de la subvention annuelle (700 000€). Parce que je suis interpellée, je m'y intéresse mais ce n'est pas à moi de dire ce qu'il faut faire, c'est à la présidence. Nous avons convenu avec la présidente, et une partie de son bureau, que la situation ne pouvait pas rester comme ça. La présidente a pris un engagement : une amélioration des process de la relation avec les fruits d’une amélioration qui serait constatée, au plus tard, d'ici la fin de l'année 2023. Il y a un trimestre durant lequel soit des actes sont posés, une organisation – je ne sais pas laquelle  –  est mise en place, une prise de conscience a lieu pour que les relations s'améliorent, soit ce n’est pas le cas et, en tant que financeur, j'en tirerai toutes les conséquences. On vote le budget entre janvier et mars 2024 donc je demande à l'association de régler cette question et, si fin 2023-début 2024, je considère que ce n'est pas suffisant, la question du niveau de subvention peut-être se posera.

 

Au-delà de ce cas précis, ça pose la question de comment on recrute un directeur ou une directrice ? Ne faudrait-il pas mieux les accompagner dans leur prise de poste ?

On n'est pas allé chercher Courtney Geraghty. Dans d'autres situations, des binômes ont candidaté, une personne se dit que seule elle n'a pas la totalité des compétences ou que la mission est trop lourde. Je vous donne un exemple. On a recruté Tiago Guedes ; il voulait avoir un bras droit parce que seul, entre la Biennale, la Maison de la Danse et le projet des Ateliers, il savait qu'il n'y arriverait pas. Quand l’équipe du Ciel candidate, c’est en binôme. C’est aussi la responsabilité de la personne. À aucun moment pendant les entretiens la directrice en question nous a dit qu'elle pensait ne pas avoir l'expérience suffisante. C’est vrai qu'elle n'avait jamais eu l'expérience de la direction de lieu, on a souhaité faire un pari, celui d’une jeune femme, de cette programmation et de ses axes qui nous paraissaient très enthousiasmants. Mais on ne l’a pas prié de venir, elle a fait acte de candidature, elle s'est estimée elle-même capable de le faire.

 

Concernant l’Opéra, vous lui a retiré 500 000 € de subvention à votre arrivée en 2020.  Et au printemps, vous avez critiqué le fait que cette institution annule le festival du péristyle de cet été et les journées portes ouvertes de mai suite à une mauvaise conjoncture (inflation, beaucoup d’annulations de représentations de leur festival en mars avec la mobilisation contre la réforme des retraites…). Quels sont vos liens avec cet établissement en cette rentrée ?

L'Opéra reste la première structure associative subventionnée par la Ville à hauteur de 18M€ qui reste de loin le premier financeur [NDLR : ensuite viennent, parmi les financeurs publics, l’Etat avec 6M€, la Métropole avec 2, 9M€ et la Région avec 2, 3 M€] en plus du bâtiment pour lequel l'association verse un loyer et des bâtiments mis à disposition gracieusement pour la Maîtrise de l'Opéra notamment. On accompagne aussi l'Opéra dans le dialogue avec les personnels qui sont des personnels Ville. On a fait ce qui était réclamé depuis de nombreuses années et qui n'avait pas été fait sous le mandat précédent : réactualiser les grilles des catégories des agents, techniciens surtout, B et C et avec la possibilité pour des techniciens de catégorie C, qui se retrouvaient à encadrer des équipes, de passer en B. C’était des choses gelées depuis des années. Ça paraît être une opération blanche pour l’Opéra mais pour la Ville il y a une incidence sur la masse salariale. C'est aussi quelque chose d’important pour la vie de l'Opéra.

Ensuite il y a tous les travaux que nous faisons, notamment sur les ascenseurs, ça paraît rien comme ça mais c'est des centaines de milliers d'euros. Chaque année, on verse une subvention d'équipement à l'Opéra, en plus des travaux que nous faisons, de 170 000 € pour l’aménagement des équipements scéniques (et qui ne sont pas compris dans les 18 M€). Donc je continue à dire que la Ville soutient grandement son opéra. La baisse de 500 000 € a été prise sur une subvention de 7, 5M€ sur la programmation et l'action culturelle, les créations etc. J'estime que nous avons un opéra national, que l'État doit être présent – et il l’a a été notamment pendant la crise et là il va notamment augmenter un peu sa subvention. La Ville de Lyon doit porter le secteur culturel mais ne peut porter à elle seule la charge de centralité. J’interroge aussi la Région car l’Opéra rayonne bien au-delà du territoire lyonnais. J'interroge aussi régulièrement la Métropole car le public métropolitain en bénéficie aussi. La culture est une compétence partagée. Et j'avais pris l'engagement, durant la campagne, de regagner en possibilités d'agir dans le cadre d'un budget, certes consolidé et sanctuarisé, mais un peu figé car il y a beaucoup de masse salariale (bibliothécaires etc et c’est très bien) et de grandes maisons.

Je l’ai fait avec attention et, si j'ai retiré 500 000 € en début de mandat, c'est pour les réinjecter dans le secteur culturel lyonnais, on peut le retracer au centime près. Le budget culture n'a rien perdu, au contraire il a même été augmenté régulièrement. C'est conforme à ce que j'avais annoncé pendant la campagne pour se redonner les moyens d'une politique culturelle. Si je n'avais rien touché, il n'y aurait jamais eu de heurts mais on m’aurait reproché de ne pas avoir tenu mes engagements et de ne pas avoir rendu possible tout ce qui émerge depuis deux ans.

Mais je rappelle à l'Opéra que, quand on a un financeur tel que la Ville de Lyon, on doit être dans le dialogue et on doit tenir compte du cadre politique posé par la municipalité. Je ne me mêle évidemment pas de la programmation artistique mais, en revanche, la nécessité de travailler envers l'ensemble des publics, la politique d'éducation artistique et culturelle dans nos écoles, les événements pour aller vers les publics (festival du Péristyle et journées portes ouvertes), ce sont des orientations politiques que j'ai données. On a une convention qui lie l'Opéra à la Ville et c'est extrêmement important que ce cadre soit respecté. Je donnerais 20 000 €, je n'aurai pas la même exigence. On doit être dans un dialogue respectueux et j'ai estimé que l'association opéra n'avait pas respecté le cadre de la convention. C'est ce que j'ai dit au président de l'Opéra au directeur de l'Opéra.

Nous avons une convention 2023 qui a repris tous les objectifs passés. Il est écrit que l'opéra s'engage un festival gratuit sur le péristyle donc quand on contractualise avec une collectivité comme la Ville de Lyon qui est le premier financeur, on respecte ce cadre. Je vais maintenant proposer au président et au directeur de nous projeter vers l'avenir avec une convention pluriannuelle de 2024 à 2027. On va se mettre autour de la table pour discuter des objectifs de politique culturelle, les nôtres, ceux dans lesquels l’association opéra a envie de s'engager avec nous. J'ai redit au président et au directeur que je souhaite que l'on discute de tout ça autour d’une table avec l'État, la Métropole, la Région et qu'on puisse partager des objectifs de politique culturelle avec l'Opéra. L'État et la Métropole sont d'accord. Vraisemblablement la Région serait d'accord aussi pour ce travail en amont. Mais elle ne signerait pas la même convention que les trois autres, elle serait à part. Ma position est d'éviter le ping-pong avec la Région car je n'ai pas envie que le secteur culturel se sentent pris à partie, sommé de choisir entre des collectivités, je n'ai pas envie qu'il y ait des pro Ville de Lyon, des pro Métropole, des pro région. On n’a pas le droit de demander ça à des acteurs culturels. On a une responsabilité à ne pas les mettre dans cette situation. Je ne sais pas ce que fera la Région dans les mois et les années à venir mais je ne prendrai pas cette responsabilité d'entretenir un climat tel avec la Région que ça deviendrait irrespirable et "intravaillable" avec les acteurs culturels. On a tout intérêt à ce que la Région reste autour de la table. Ça ne veut pas dire qu’on ne tiendra pas bon sur ce que nous défendons en termes de politique culturelle. Je suis très claire sur mes lignes. Il y a un principe, y compris constitutionnel, d’autonomie des choix de chacun des collectivités. Mais ce qui ne m'a pas convenu avec la Région [NDLR avec les coupes brutales de subventions votées au printemps] est la méthode. Il n'y a pas eu de dialogue ni avec les acteurs culturels ni avec les autres partenaires.  Tout le monde est mis devant le fait accompli, le plus souvent via la presse. Cette méthode n'est pas convenable.

 

Est-ce que les structures qui ont subi une baisse subvention de la Région se sont manifestées auprès de la Ville ? 

L'association des Biennales est très inquiète mais, pour le coup, c'est plus un problème métropolitain car les Biennales reposent surtout un budget métropolitain ; la Ville participe par ses maisons mères et via la délégation de service public avec le casino de la Cité internationale qui subventionne à hauteur de 250 000 € la Biennale de la danse – tous les casinos doivent reverser à leur Ville une somme pour de l'action culturelle. Dans le cadre du Défilé, la Ville de Lyon soutient deux projets, chacun à hauteur de 50 000 € donc la Ville de Lyon soutient la biennale à hauteur de 350000. Bien sûr que cette baisse de la Région m'inquiète comme pour Woodstower.

Les compagnies subissent aussi une double peine : baisse de leur subvention et celle aux lieux qui impacte le disponible artistique, c’est donc moins de moyens de production. Les baisses de subvention de la Région sont phénoménales ( moins 2M€ l'année dernière), les lieux se rétractent. Les coproductions baissent car les lieux sont fragilisés. 

 

Les 500 000€ enlevés à l'Opéra sont restés dans le secteur culturel dites-vous mais vous avez aussi baissé les subventions de plusieurs structures relativement fragiles Grame, Médiatone, La Cordonnerie, les Percussions et Claviers de Lyon, Piano à Lyon...). C'est contradictoire avec vos premiers propos...

Les PCL sont dans des locaux de la Ville et la baisse de subventions qu’ils ont subie est égale à la baisse de loyer que j'ai demandée, la marge artistique est la même. C’est une opération blanche pour eux. De plus, ils ont une salle dans laquelle ils accueillent des groupes, ils sont donc touchés par l’inflation des fluides. D’où une aide de 5000€ spécifique.

Concernant Médiatone, je les ai rencontrés également, je leur ai expliqué les raisons : on a été très aux côtés des musiques actuelles pendant la crise avec le fond d’urgence. Leur subvention avait été augmentée les années précédentes, c’est donc un retour au niveau de subvention antérieur maintenant que le pic de la crise est passé. Ça ne veut pas dire que je ne serai pas vigilante à l’avenir. S'il y a des besoins je serais là.

Pour la compagnie théâtrale de La Cordonnerie il y a un peu de moins de créations cette année mais ça ne veut pas dire là non plus que l’année prochaine je ne serai pas en soutien supplémentaire. Le fond dédié à la création indépendante était 1, 6M€ à mon arrivée. Je l’ai augmenté dès 2020. En 2022 et 2023, il est d’un peu plus de 2M€ soit une hausse de 400 000€. J’aimerais augmenter encore davantage ce fond, je vais le porter auprès du maire mais les institutions ont été très fragilisées par la crise Covid, l’inflation et la hausse du point d’indice pour celles qui ont des fonctionnaires et je ne peux pas transférer des institutions au secteur indépendant vu le contexte national et international aussi. Je veille à ça.

Pour le GRAME, la subvention est passée de 170 000€ à 105 000€. Je les ai reçu en direct avant le passage en Conseil municipal. Je leur ai expliqué. Je comprends qu’une baisse ne fait pas plaisir mais ils avaient assez peu d’actions sur le territoire lyonnais et en direction du public lyonnais. D’autre part, ils font beaucoup d’interventions dans les collèges (et c’est très bien) mais les collèges sont une compétence Métropole et ils ne reçoivent pas d’argent de la Métropole. S’ils font un dossier en ce sens, je les soutiendrai en tant qu’élue métropolitaine. Je ne les ai pas abandonnés. J’avais prévenu aussi la DRAC avant cette baisse. À l’inverse de la Région, je préviens moi-même les structures en amont, je les rencontre parfois, je préviens les partenaires. Et c’était en janvier 2023. J’ai voulu voter le plus tôt possible pour ne pas les pénaliser. 

 

Pour contrer l'inflation évoquée plus haut, vous avez fait voter un "re-soclage" au printemps ? En quoi ça consiste ?

Les Célestins et l’Auditorium [les deux lieux culturels en régie directe de la Ville] ont chacun reçu 350 000 € en plus de leurs subentions en 2023 ; je ne peux pas dévoiler ce que sera 2024 – les arbitrages budgétaires ne sont pas faits (ils vont se faire en novembre pour un vote de budget en début 2024). Ce re-soclage compense l’inflation et la hausse du point d'indice des fonctionnaires non-aidé par l'État.

Ces maisons doivent soutenir les compagnies ou les ensembles et les faire vivre, y compris le tissu associatif. C'est pour ça qu'on ne peut pas toujours opposer les grandes institutions et les lieux très aidés avec le secteur culturel indépendant ; le système des coproductions des institutions opère un soutien important. Aux Célestins, le directeur s’est entouré de quatre artistes associés par exemple.  

 

Comment aider, au-delà des régies directes, toutes les structures culturelles à supporter le poids de l’inflation ? 

Le 28 septembre nous allons voter un soutien au secteur culturel. La Ville s'est dotée d'un "fond exceptionnel inflation" en juin dernier et le secteur culturel va en bénéficier à hauteur de 430 000 €.

Je vais proposer en commission culturelle et en conseil municipal que 170 000 € soient attribués à l'École nationale des Beaux-Arts (pour pallier l’inflation et la revalorisation du point d’indice sans compensation de l'État), 100 000 € pour le Conservatoire à rayonnement régional (CRR), 50 000 € pour les Subsistances, 50 000 € pour le TNG, 20 000 € pour le Théâtre de la Croix-Rousse, 20 000€ pour le Théâtre du Point du Jour, 15 000 € pour À Thou bout d’chant, 5000 € pour les Percussions et Claviers de Lyon.

 

Concernant la Comédie Odéon. Le directeur aimerait avoir une aide de 20  000 à 40 000 € au nom de l'action culturelle qu'il mène dans son théâtre puisque 5000 scolaires sont venus au théâtre la saison dernière. Est-il envisageable que la Ville de Lyon aide la Comédie Odéon ?

Il faut rappeler que le théâtre de la Comédie Odéon est un théâtre privé, qu'il bénéficie aussi d'un système de financement des théâtres privés. Aujourd'hui il dit qu’il réalise des missions de service public. Il faut d'abord rappeler que la Comédie Odéon a été la structure la plus aidée du fond d'urgence culturel Covid de la Ville, ils ont eu 120 000 € en 2020 car il n'était pas question de soutenir que le secteur public – la crise a impacté le secteur culturel dans son ensemble. Désormais j'observe ce que fait Julien Poncet dans ce théâtre : il a de vrais succès, il accueille des écoles, il travaille aussi avec des artistes locaux qui perçoivent des cachets donc ce lieu participe à l'économie culturelle et à l'emploi culturel sur Lyon. C'est aussi un lieu patrimonial, un ancien cinéma, j'y suis très attachée. Mais au départ Julien Poncet m’a demandé 250 000 € sans quoi il allait devoir partir et fermer. Mais la Ville ne peut pas venir compenser des actionnaires privés, ce n'est pas notre mission. Par contre, au regard de sa politique menée vis-à-vis des publics, je m'engage (et je lui ai écrit) à soutenir cette activité auprès des scolaires et le soutien à l'emploi artistique local. En fonction de nos grilles de subventionnement et selon le dossier qu'il déposera, il pourra se situer sur un niveau entre 20 000 et 30 000 € en 2024 mais sa réponse aujourd'hui et de dire que ce n'est pas suffisant et qu'il n'en veut pas. Je ne peux pas être auprès du secteur privé comme je dois l'être auprès du secteur public car les acteurs privés bénéficient aussi de soutien que les acteurs du public n'ont pas. 

 

Le bar des Valseuses a été fermé subitement le 28 février suite à un arrêté municipal car « l’état des locaux compromet[tait] gravement la sécurité du public ». Il a désormais rouvert. Quel est votre opinion sur cet épisode ?

Les Valseuses sont toujours en grande difficulté. Ça a ouvert mais je suis inquiète que ça ne puisse pas durer longtemps car ils ont été très fragilisés économiquement par cette fermeture. Je vais aller les voir bientôt. Ils contribuent à la vitalité musicale à Lyon sur le bas des Pentes que je connais bien. À Thou bout d’chant, le Kraspek, les Valseuses vivent ensemble, le public circule de l’un à l’autre. Quand Les Valseuses ne vont pas bien, c’est tout le secteur musical de la création un peu underground qui se porte moins bien. Je ne suis plus maire du 1er arrondissement et je ne suis pas l'adjointe à la sécurité mais je sais que ce dernier, Mohamed Chihi, souhaite plutôt les accompagner que les fermer. D’un point de vue culturel, ils ont toute leur place à Lyon. Ça a été un épisode désastreux.

 

L’expo de Shepard Fairey s’est terminée en juillet au musée Guimet. Que va-t-il se passer dans ce lieu patrimonial désormais ? Rien n’est annoncé pour la rentrée. 

Il n'y aura pas d'exposition dans les semaines et les mois à venir dans le musée. Pour autant, en tant qu’adjointe à la culture, j'ai bien sûr des projets et des idées notamment sur le deuxième semestre 2024 / début 2025. Nous sommes en discussion entre les différentes directions de la Ville et avec les services de sécurité (type pompiers) sur la capacité du bâtiment d'accueillir ses projets.

 

La lecture publique est le premier poste de dépense de votre délégation. Y’a-t-il des changements majeurs à venir ?

Nous consacrons 23 M€ à la lecture publique par an. Dans le cadre de la PPI, plan pluriannuel d'investissement, nous allons réaménager la médiathèque de Vaise qui gardera sa spécificité autour du spectacle vivant et des écritures dramatiques. Il y aura des travaux en 2024 ou 25 ; nous n'avons pas les dates exactes des travaux. Avec la bibliothèque municipale, je souhaite développer des collectifs d'usagers, notamment sur l'acquisition de certains supports (livres, audio, BD…) avec un budget dédié, développer les clubs lecture avec des adolescents et des enfants, les impliquer dans la vie de la bibliothèque car c’est un lieu où l'on peut venir se poser, chercher du service, lire les journaux, il y a aussi des écrivains publics, des médiateurs pour le numérique, c'est un lien social très important. Et puis, dans les écoles, il y a, dès cette rentrée, dans les carnets de liaison des élèves, des informations sur la bibliothèque, sur la gratuité pour les mineurs et un lien pour pouvoir s'inscrire. C'était une volonté de ma part.

 

Les bibliothèques seront-elles ouvertes le soir, le dimanche ?

On est en dialogue avec les personnels sur ces questions-là. Je souhaite qu’il soit apaisé car ils ont souffert pendant la période du Covid. J’ai voulu mettre ce sujet en pause et revenir déjà à des horaires d’ouverture normaux. Ça a été très perturbant. Mais je vais rencontrer les organisations syndicales fin septembre pour travailler, sur le site principal de la Part-Dieu, à une ouverture le lundi après-midi et et décaler la fermeture du samedi à 19h (plutôt que 18h actuellement), soit le même horaire que les jours de semaine. Par ailleurs, je vais proposer d’homogénéiser les horaires des bibliothèques d’arrondissement pour plus de lisibilité, avec les mêmes heures d’ouverture et fermeture partout. Le service des RH a travaillé là-dessus en 2023 avec les bibliothécaires. Si on aboutit à un accord, l’idée est que cela soit effectif dès janvier 2024. En revanche, sur ce mandat, nous ne travaillons pas à ouvrir le dimanche pour préserver la vie personnelle et familiale de nos agents.

 

Côté musée, le CHRD est actuellement fermé. D’autres vont-ils être rénovés ?

Le CHRD est actuellement fermé pour des travaux au niveau de l'accueil et de la librairie. Ça va rouvrir en novembre avec l'exposition Jean Moulin. Concernant le Musée de l'Imprimerie, il y aura aussi bientôt des travaux pour rendre le lieu complètement accessible aux PMR notamment. On travaille sur un musée hors les murs au 2e semestre 2024 et en 2025. Le musée va aussi changer de nom mais le mot « imprimerie » va rester.

 

Durant la période caniculaire, fin août, les musées de la Ville et de la Métropole ont été gratuits. Ça a très bien marché (doublement de la fréquentation du musée des Beaux-Arts notamment). Est-il envisagé que ce soit gratuit toute l’année ?

Je défends la gratuité. On n'a pas pu la mettre en place encore pour des raisons de contexte budgétaire et d'inflation. Mais pour moi, la gratuité de nos musées est un objectif à poursuivre. J'y suis favorable politiquement, philosophiquement. Il faut trouver le moment pour l'installer.

 

L’Auditorium a tourné une page avec le départ récent de sa directrice Aline Sam-Giao. Comment se dessine la suite ?

Nous recevons les candidats et candidates début septembre. L'État est à nos côtés, aussi bien la DRAC que la DGCA. J'ai aussi associé la mairie du 3e, c’est important d’associer les territoires même si l'Auditorium un rayonnement international. Nous aurons un nouveau directeur·ice début décembre ou début d'année 2024. Il y a, dans ce lieu, des chantiers physiques – on a fini cet été cet été celui de salle Proton pour accueillir des petites formes artistiques, avec des tribunes rétractables pour accueillir dans de meilleures conditions des ateliers d'éveil des ateliers familiaux. Il y a aussi l'amélioration de l'acoustique, de la scène pour un meilleur confort des musiciens et aussi dans la salle pour un meilleur confort des spectateurs.

On travaille aussi, avec les services de la Ville, sur un système sécurité incendie et sur la question de des ascenseur. Je suis très vigilante à l'entretien du patrimoine. Les mandatures précédentes ont péché là-dessus, j’ai trouvé des équipements en très mauvais état. Je fais ce travail d'audit des bâtiments, c'est pareil au Conservatoire. Un autre sujet est la revalorisation des salaires des musiciens de l'orchestre. C’est des premiers sujets dont les organisations syndicales et même la commission d'orchestre m'ont saisie du fait du blocage du budget depuis 2015.

Les salaires des musiciens ont très peu évolué et ne sont pas conformes aux grilles de la profession. Au regard de l'ambition que nous avons pour notre orchestre, de leur savoir-faire et de leur niveau, on peut dire qu'ils ne sont pas payés à une juste rémunération et si on compare avec d'autres orchestres – je ne parle pas de Paris mais je regarde Toulouse ou Lille… Ça pose une question d'attractivité – je ne parle pas là du chef d'orchestre. Je souhaite qu’en mars 2024 – c’est l’objectif que je me suis donné – on réévalue leurs grilles de salaire. C’est vraiment une question importante car on n’a pas d'orchestre national de Lyon de haut niveau sans des musiciens qui se sentent reconnu appartenir à une maison et dans leur professionnalisme

 

Y'aura-t-il également une réévaluation des musiciens de l’orchestre de l'Opéra de Lyon ?

L'Opéra est une association contrairement à l’ Orchestre National de Lyon qui est une régie directe de la Ville de Lyon donc je me sens une responsabilité d'employeur direct. Mais très certainement qu'il faudra ouvrir ce sujet à l'Opéra, en lien avec l'association. Je pense qu'à terme il faudra changer de statut de l’Opéra. Ce n'est pas raisonnable qu'un opéra, avec un fonctionnement de 37M€, reste sous statut associatif.

Je pense qu'il faut aller vers un EPCC mais le problème est que pour cela il faut des membres fondateurs et, aujourd'hui, je n'ai pas l'assurance de l'ensemble des financeurs de l'Opéra de les garder membre fondateur si on devient EPCC. Certains sont un peu en retrait et je ne voudrais pas que le passage de l'association vers un EPCC fragilise la maison Opéra. Mais, à terme, c'est ce qu'il faut faire. Ça viendrait clarifier les relations entre les financeurs et la structure. C'est un peu vers ça que nous oriente la Chambre régionale des comptes. Il n'y a quasiment plus d'opéras en France sous forme associative, c'est trop de sommes en jeu. À mes yeux, le statut de l'EPCC a été créé pour ça, pour répondre à cette anomalie juridique que sont les associations loi 1901 pour de tels équipements culturels parce que, de fait, ils rendent une fonction de service public. Je ne veux pas fragiliser l'Opéra et aujourd'hui on est en dialogue avec l'État, La Ville, la Métropole, la Région ; tous les partenaires n'ont pas envie de ce passage en EPCC tout de suite. Et je n'irai jamais en force.

 

L’Auditorium a organisé le 24 juin un concert gratuit au parc de la Tête d’Or qui a eu un très grand succès (25 000 personnes réunies) et s’est ouvert à un public qui souvent n’ose pas franchir ses portes. C’est pareil lorsqu’un spectacle/concert se déroule sur le parvis des Célestins ou de l’Opéra. Est-ce que ce type d’initiative revient à ces lieux ou est-ce un infléchissement de la Ville ? 

C'est un objectif affiché dans le cadre de la Charte de coopération culturelle. Ils sont signataires de cette charte. Je leur ai dit dès le début de mon mandat que la charte n'était pas un document annexe, ce n'était pas une ou deux actions à mettre dans les quartiers pour cocher la case qui allait bien. J'ai tenu à ce que les directions soient présentes à certains moments-clés car la charte de coopération culturelle n'est pas que l'affaire du service médiation, c'est d'abord celle de la direction de l'établissement.

C’est une politique publique et un document-cadre. C'est-à-dire que l'ouverture au public, la considération faite aux personnes qu'elles que soient leurs origines géographiques ou sociales doit être la même car la dignité est la même pour la personne. Donc ce concert du 21 juin n’est pas un hasard. C'est une contractualisation par la charte et ce n'était pas le cas avant. La charte a eu le mérite d'exister sous Patrice Béghain [NDLR, adjoint à la culture du premier mandat de Gérard Collomb, de 2001 à 2008], il l’a insufflée et ça a été très innovant à l'époque. Chapeau ! Avec le temps elle s'était essoufflée et c'était devenu un catalogue d'actions. On en avait oublié le souffle politique et ses objectifs. Ça ne venait pas réinterroger le projet d'ensemble de la structure.

 

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