La responsabilité en cas d'accident en montagne

Me Estelle Clerc et Me Léa Peyron, avocates au Barreau de Bonneville et des Pays du Mont-Blanc / La Haute-Savoie est une région propice, été comme hiver, aux activités de montagne (escalade, randonnée, ski, parapente). Ces activités, toutes attrayantes, représentent un fort taux d’accidentologie. Les pratiques de ces activités posent de réelles problématiques quant à la responsabilité des acteurs.

Escalade sur site naturel

Dès 2020, en raison d’une pression assurantielle évidente, la Fédération française de montagne et d’escalade (FFME) a pris la décision de dénoncer plus de 650 conventions d’usage de sites d’escalade. Par l’effet de ces conventions, la FFME se voit alors confier par le propriétaire des lieux : l’entretien de la falaise, la garde du site conventionné ainsi que les responsabilités juridiques en résultant en cas d’accident.

Conséquence de la fin de ces conventions, les propriétaires privés et publics récupérant la responsabilité de leur site et n’acceptant pas de supporter les risques inhérents à l’activité des grimpeurs, ont pour certains interdit leur accès.

Le législateur s’est alors emparé de la difficulté en adoptant de nouvelles dispositions dans le Code du sport, venant exclure la responsabilité du gardien de l’espace naturel en cas de risque “normal et raisonnablement prévisible inhérent à la pratique sportive considérée”.

Il reviendra donc aux juridictions de déterminer le contour de ces notions pour apprécier si les conditions d’exonération de responsabilité sont réunies pour le gardien du site. Ainsi, les juges du fond devront prochainement trancher pour dire si une chute ou un détachement de pierre est un risque prévisible et inhérent à la pratique.

La pratique du ski

Il existe deux problématiques majeures liées à la pratique du ski : les collisions entre skieurs et les obligations des exploitants de domaines skiables.

S’agissant des collisions entre skieurs, il n’existe pas de règles normatives spécifiques ou contraignantes juridiquement. On retrouve cependant, ce que l’on appelle les “dix règles du skieur”, adoptées par la Fédération internationale du ski au rang desquelles : la priorité du skieur en aval, la maîtrise de la vitesse, le stationnement sur la piste etc.

La responsabilité civile résulte du principe suivant : toute personne est responsable du dommage causé en raison de sa faute, de sa négligence, de son imprudence.

En cas d’accident de ski et de poursuites judiciaires, pour déterminer la faute du responsable et engager sa responsabilité, le juge recherchera si son comportement était avisé et prudent et pourra s’appuyer sur les dix règles du skieur (maîtrise de la vitesse, respect du skieur en aval, stationnement gênant sur la piste…).

Ces règles ne sont que des indications, sans force légale, mais qui permettent aux magistrats de déterminer le caractère fautif ou non du comportement.

Le niveau technique du skieur, son expérience, sa connaissance du domaine skiable, sont autant d’éléments qui seront pris en compte.

Reste que demeura la difficulté de la preuve des circonstances de l’accident. Généralement, ces preuves résultent de témoignages. Or, en cas de versions non concordantes, les circonstances de l’accident ne seront pas démontrées et par voie de conséquence, il sera impossible de qualifier la faute. Il peut donc être utile de rédiger, dans les suites directes d’un accident, “un constat amiable”, à l’image des constats automobiles ou bien, d’obtenir la copie du rapport d’intervention des secours ou, le cas échéant, les éléments recueillis dans le cadre d’une enquête pénale.

S’agissant des autres accidents n’impliquant pas la faute d’un autre skieur, la responsabilité de l’exploitant du domaine skiable peut parfois être recherchée.

Ces derniers sont débiteurs d’une obligation de sécurité de moyen. Cela signifie qu’ils n’ont pas l’obligation d’empêcher l’intégralité des accidents, mais ils doivent tout mettre en œuvre pour les éviter. Cette obligation résulte principalement de l’entretien et de la sécurisation des pistes.

Un skieur victime d’un accident en raison d’un mauvais entretien de la piste ou de l’absence d’indication d’un danger, aura la possibilité d’engager la responsabilité de l’exploitant, sous réserve de démontrer qu’il n’a pas tout mis en œuvre pour empêcher l’accident.

Pour illustrer ce propos, on peut envisager l’hypothèse d’une plaque de verglas “anormale” : la responsabilité de l’exploitant pourra être envisagée soit, parce que ce danger n’a pas été signalé, soit, parce que ce danger était signalé, mais qu’aucune mesure de protection n’avait été mise en œuvre.

Enfin, concernant la problématique du ski “horspiste” ou piste de fait, c’est-à-dire, un terrain situé entre deux pistes balisées. Il n’y a, juridiquement, pas encore de certitude sur le plan juridique quant à l’éventuelle responsabilité de la station. Certaines décisions judiciaires ont pu admettre que la responsabilité de la station était engagée en raison de l’absence de signalisation de la fin de la piste balisée. Toutefois, il s’agit de faire attention lorsque l’on s’aventure en dehors du domaine skiable, comprenant, de manière stricte, les pistes balisées.

Secours en montagne

Qui dit accident, dit également intervention de secours complexes, nécessitant des moyens humains et techniques importants.

Si la gratuité des secours est un principe historique, ce dernier, notamment en raison des abus, se trouve partiellement remis en cause par la loi Montagne 2. Ces abus constitués, par des appels intempestifs ou injustifiés adressés aux secours, sont pénalement répréhensibles aux termes de l’article 322-14 du Code pénal. Pour exemple, un alpiniste a été condamné pour avoir contacté le PGHM en prétextant des gelures et… une fois déposé à l’hôpital, il est immédiatement reparti en taxi…

L’article 21 de la loi Montagne 2 prévoit que désormais, le maire peut confier, à un opérateur privé, les missions de sécurité sur les pistes et donc les interventions de secours sur le domaine skiable. Cette règle s’applique également pour les secours sur les secteurs hors-piste accessibles par remontées mécaniques et revenant gravitairement sur le domaine skiable… Ce faisant, en cas d’intervention d’un opérateur privé, les secours, sur les pistes de ski et sur certains hors-pistes, directement liés aux pistes, seront payants en l’absence d’une assurance couvrant ce risque.

Il existe des assurances couvrant les frais engendrés en cas d’accident. Il peut s’agir d’assurance “accidents de la vie” ou d’une couverture plus spécifique et ponctuelle souscrite à la journée lors de la pratique d’activité à risque. En effet, les stations proposent de plus en plus des formules d’assurance avec le forfait journée, lesquelles peuvent notamment couvrir les frais de recherche et secours, les frais de transport consécutifs, les frais médicaux, le remboursement du forfait et le bris de matériel.

Pour les sports de montagne, considérés comme à risque, et ce notamment par les assureurs, les emprunteurs doivent être particulièrement attentifs à d’éventuelles exclusions prévues aux conditions du contrat en cas de sinistre ou de décès lié à un accident en montagne.

Outre la responsabilité civile, une victime, ou ses ayant droit, en cas de décès, peut rechercher la responsabilité pénale d’un skieur ou de l’exploitant du domaine skiable. La responsabilité pénale peut être recherchée en cas de mise en danger délibérée d’une personne, mais également en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. Ainsi, le maire d’une commune exploitant une station de sports d’hiver a été reconnu coupable d’homicide involontaire à la suite du décès d’un enfant déchiqueté par une dameuse, alors qu’il faisait de la luge. Les juges ont considéré qu’il a commis une faute caractérisée en ne réglementant que partiellement les déplacements des engins à chenille de sorte qu’il n’a pas permis d’éviter un accident prévisible (18 mars 2023).

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