Tout savoir sur la rupture conventionnelle du contrat de travail

Me Christophe Gripon, avocat au Barreau de Thononles-Bains, du Léman et du Genevois / En 2022, plus de 500 000 ruptures conventionnelles ont été signées en France. Pourquoi un tel succès ? Retour sur ce mode de rupture entre l’employeur et le salarié. 

C’est quoi ?

Aux côtés du licenciement et de la démission, qui sont à l’origine d’une des parties, la rupture conventionnelle est une troisième voie qui permet de rompre le contrat d’un commun accord entre l’employeur et le salarié. Elle ne peut être imposée par l’une ou l’autre partie. Elle résulte d’une convention signée par l’employeur et le salarié, qui atteste de leur consentement mutuel, et à défaut d’accord le refus ne peut être fautif, sauf abus.

Pour qui ?

La rupture conventionnelle peut être conclue avec tout salarié en contrat à durée indéterminée, mais pas pendant la période d’essai. Il ne peut y avoir de rupture conventionnelle avec les salariés en CDD ou en apprentissage, ni avec les agents contractuels de la fonction publique territoriale.

Situations particulières et fausses idées reçues

Il existe de nombreuses situations de suspension du contrat de travail pendant lesquelles employeurs ou salariés aimeraient pouvoir proposer une rupture conventionnelle, est-ce toujours possible ? Si l’administration exclut la possibilité de conclure une rupture conventionnelle avec un salarié dont le contrat est suspendu et qui bénéficie, à ce titre, d’une protection particulière contre le licenciement (par exemple, durant le congé de maternité, pendant l’arrêt imputable à un accident du travail ou une maladie professionnelle, etc.), la jurisprudence est quant à elle beaucoup moins catégorique. Elle admet en effet que soit conclue une rupture conventionnelle dans la plupart des cas de suspension du contrat de travail particulièrement « protégés » par le législateur.

  • Rupture conventionnelle conclue avec un salarié en maladie professionnelle ou en accident du travail ou en congé maternité ou encore déclaré inapte suite à un accident du travail ou à une maladie professionnelle : la Cour de cassation s’est prononcée sur la possibilité de conclure une rupture conventionnelle dans ces circonstances, sauf à prouver une fraude ou un vice du consentement.
  • Rupture conventionnelle avec un salarié en arrêt maladie d’origine non-professionnelle ou en inaptitude d’origine non-professionnelle : la Cour de cassation ayant clairement admis la possibilité de conclure une rupture conventionnelle avec un salarié en arrêt maladie d’origine professionnelle ou déclaré inapte suite à un accident du travail, cette jurisprudence est ainsi a fortiori applicable en cas de suspension du contrat ayant une cause non-professionnelle, suspension du contrat pour laquelle le salarié ne bénéficie d’aucune protection particulière.
  • Rupture conventionnelle et situation conflictuelle : la Cour de cassation a jugé que dès lors que le consentement d’une ou des parties n’est pas vicié, une rupture conventionnelle peut être signée même en présence d’un litige ou d’un différend. Mais attention la rupture conventionnelle n’est pas une transaction, elle ne règle pas les conflits en cours (par exemple : une revendication d’heures supplémentaires impayées).

Avantages et inconvénients

Pour le salarié

Le salarié percevra des allocations-chômage, une indemnité de rupture (indemnité légale de licenciement ou indemnité de licenciement prévue par la convention collective), et pourra bénéficier des aides à la création d’entreprise. Du fait de l’absence de motif de rupture, les échanges avec un futur employeur sont plus simples que de devoir justifier un licenciement. En cas de négociation (plutôt rare) d’une indemnité supra légale ou conventionnelle, les règles de différé de prise en charge par Pôle emploi sont pénalisantes.

Pour l’employeur

Une rupture conventionnelle est très rarement (et très difficilement) attaquable devant les prud’hommes, c’est donc une procédure de rupture très sécurisée.

C’est un mode de rupture qui peut être onéreux : depuis septembre 2023, l’indemnité de rupture est majorée d’une contribution de 30 % du montant de l’indemnité.

Comment engager une rupture conventionnelle ?

La demande peut émaner du salarié ou de l’employeur, sans formalisme ni contenu particulier (courrier simple ou RAR, remis en main propre, mail, échanges oraux…) s’il s’agit simplement d’évoquer le principe d’une rupture conventionnelle, et de voir si l’autre partie est prête à envisager cette rupture. En cas de refus, le processus s’arrête là, puisqu’une rupture conventionnelle ne peut être imposée.

En cas d’accord, il peut paraître simple de formaliser cette rupture puisqu’il existe un formulaire officiel. Mais dans la pratique, il y a de très nombreux points à traiter, d’écueils à éviter, de précautions à prendre qui justifient de recourir à un professionnel du droit pour garantir que la rupture soit homologuée et que le contrat soit rompu de manière sécurisée.

Il faudra au minimum un entretien entre les parties pour signer les documents : a minima le formulaire Cerfa, et souvent une convention annexe réglant tous les aspects de la rupture (dispense de travail, clause de non-concurrence…), Une fois les documents signés, il faudra laisser un délai de rétractation de quinze jours calendaires au cours duquel chaque partie pourra revenir sur sa décision et ainsi mettre un terme au processus de rupture du contrat de travail qui devra alors se poursuivre.

À l’issue de ce délai, la partie la plus diligente (dans les faits, c’est souvent l’employeur qui s’en charge) devra transmettre le formulaire Cerfa impérativement par téléservice (https://telerc.travail.gouv.fr). À réception, la demande sera datée et un accusé de réception, adressé aux deux parties, indiquera la date d’arrivée de la demande ainsi que la date à laquelle le délai d’instruction expire (quinze jours ouvrables). L’homologation sera acquise et l’autorité administrative dessaisie à défaut de refus exprès d’homologation avant cette date d’expiration. La rupture ne peut pas intervenir avant le lendemain de cette date.

Les points importants à vérifier

Le contrôle de la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets) porte sur la conformité de la procédure et sur les points qui permettent de vérifier le libre consentement des parties et sur les éléments fondant l’accord du salarié : la façon dont salarié et employeur ont été assistés au cours de chaque entretien ; le montant de l’indemnité de la rupture conventionnelle ; la date envisagée pour la rupture du contrat ; la date et la signature de la convention ; la date de fin du délai de rétractation. L’administration contrôle également les informations lui permettant d’apprécier le caractère libre et éclairé du consentement des parties, si elle a un doute sur le consentement éclairé du salarié, elle peut prendre contact avec lui. Peuvent être considérés comme substantiels les éléments suivants : Les informations relatives aux parties : identités et adresses des parties ; l’ancienneté du salarié qui doit être exactement calculée, à la date présumée de la rupture du contrat ; les éléments de rémunération surtout en cas de variation ; la mention de la tenue d’au moins un entretien.

Accord ou refus

En cas d’homologation, le contrat prend fin à la date convenue entre les parties et les documents de rupture, les salaires et indemnités dus sont remis au salarié. En cas de refus d’homologation le contrat se poursuivra, sauf à reprendre la procédure.

En conclusion, la rupture conventionnelle présente de sérieux arguments pour justifier de son succès, mais elle ne règle pas tout et surtout, pour bien appréhender et sécuriser cette rupture, de nombreux éléments doivent être pris en compte et un formalisme très rigoureux doit être respecté. Que l’on soit salarié ou chef d’entreprise, si la décision est prise d’une fin de relation de travail à une date donnée, quoi de pire que de voir cette décision commune rejetée pour des raisons de forme ? L’intérêt est évident de consulter un professionnel du droit qui sécurisera votre démarche, veillera à régler tous les aspects de la relation de travail pour que celle-ci cesse dans l’esprit de la rupture conventionnelle : amiablement et sereinement.

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