L'exclusion de l'administration légale des biens donnés ou légués au mineur

Me Elsa Terjanian, notaire. / Anticipation successorale et gestion optimale, l’exclusion de l’administration légale des biens donnés ou légués à un mineur reste un outil méconnu.

L’administration légale sur les biens de l’enfant mineur se définit comme l’ensemble des pouvoirs portant sur les biens du mineur confié aux administrateurs légaux. Au terme de l’article 382 du Code civil, l’administration légale appartient aux parents.

Concernant les actes d’administration (gestion courante du patrimoine), chaque parent est réputé pouvoir l’exercer seul.

Concernant les actes de disposition (modification de la composition du patrimoine), ces actes doivent être réalisés par les deux administrateurs légaux agissant en commun et s’il n’y a qu’un parent, il exerce seul le pouvoir avec certaines exceptions pour des actes graves (emprunt, vente d’un immeuble, acceptation de succession…) qui nécessiteront l’autorisation du juge des tutelles.

Il est fréquent que les notaires soient sollicités par des personnes souhaitant transmettre leurs biens à des mineurs, tout en écartant la gestion des parents ou de l’un d’eux. Ces demandes peuvent être motivées par la crainte d’une mauvaise gestion ou par la volonté de conserver la mainmise sur les bien transmis. Elles peuvent l’être aussi, dans un contexte plus conflictuel, par le désir d’empêcher l’ex-conjoint, partenaire ou concubin, de s’immiscer dans l’administration de ces biens, et le cas échéant, d’en profiter.

L’insertion d’une telle clause se justifie si elle a vocation à accroître la protection du mineur. Elle peut être utile si le ou les parents semblent incapables de gérer les biens de leur enfant par leurs inaptitudes, mais aussi s’ils représentent un danger pour cet enfant qu’ils pourraient spolier.

Enfin, les biens transmis peuvent être spécifiques nécessitant des compétences techniques : fonds de commerce, titres sociaux, portefeuille boursier, patrimoine immobilier locatif, oeuvres d’art, droits d’auteur.

La clause d’exclusion d’administration légale des biens donnés ou légués prévue par l’article 384 du Code civil offre un outil adapté permettant de répondre à ces demandes.

Conditions de validité et caractéristiques

Cette clause suppose l’existence d’une libéralité entre vifs (donation) ou à cause de mort (testament). Compte tenu du caractère spécifique de l’assurance-vie qui peut être selon le cas analysée ou non en libéralité, il est préférable de déterminer ses bénéficiaires au moyen d’un testament et d’y inclure ladite clause. La clause d’exclusion peut porter sur tous les biens y compris la réserve héréditaire du mineur.

Il est recommandé de préciser si cette clause joue sur les biens subrogés aux biens donnés/légués (acte de vente/cession suivi d’un remploi).

La clause d’exclusion est par hypothèse temporaire, car son efficacité reste limitée à la minorité de l’enfant. La loi n’exige pas de justifier de sa conformité à l’intérêt du mineur et aucun contrôle judiciaire n’est effectué quant à son opportunité.

Désignation et pouvoirs du tiers administrateur

Le tiers administrateur peut être un proche ou un professionnel, dont le choix doit être guidé par l’intérêt du mineur. Il n’existe pas de contrôle de cette désignation par les tribunaux.

Il est conseillé de désigner un second tiers administrateur en cas de prédécès, d’incapacité ou de refus de ce dernier, bien qu’en cas de refus, l’article 384 du Code civil prévoit que le juge peut désigner un administrateur ad hoc pour le remplacer.

Le donateur qui n’est pas administrateur légal peut se désigner lui-même à la place du ou des administrateurs légaux. Il s’agit de l’hypothèse classique du grand-parent qui souhaite gérer lui-même le bien qu’il donne à son petit-enfant. Attention cependant au contenu de la donation, si celle-ci fait naître une indivision ou un démembrement de propriété, susceptible de générer un conflit d’intérêts, il est conseillé de désigner un autre administrateur que le donateur.

L’administrateur légal peut-il utiliser lui-même la clause de l’article 384 du Code civil ?

- Lorsque la libéralité est à cause de mort : le choix du tiers administrateur revient au testateur, dont la liberté n’est expressément limitée que par les articles 395 et 396 du Code civil (tutelle des mineurs).

- Lorsque la libéralité est une donation : est-il autorisé à renoncer indirectement à ses pouvoirs au profit d’un tiers ou de l’autre administrateur ? Peut-il s’autoconférer des prérogatives plus importantes résultant du régime légal écartant au passage l’autre parent et/ou le juge ? En l’absence de décision de justice tranchant ces questions, le notaire amené à recevoir des actes sur des biens donnés au mineur continuera sans doute par prudence d’exiger l’intervention des deux administrateurs légaux et/ou celle du juge.

Le disposant peut confier au tiers administrateur les pouvoirs d’un administrateur légal, mais il peut également le personnaliser en octroyant des pouvoirs plus ou moins importants. Cependant les actes interdits à l’administrateur légal par l’article 387-2 du Code civil ne pourront pas pour autant être accomplis.

Généralement, le praticien conseille de s’en tenir aux pouvoirs de l’administrateur légal unique. Conférer davantage de pouvoirs conduit le plus souvent à mettre le juge à l’écart et donc à priver le mineur d’une protection. Donner moins de pouvoirs peut aboutir à remettre en jeu l’administrateur légal, ce qui n’est pas le but recherché.

Cette clause est fréquemment utilisée en matière de transmission d’entreprise permettant à la fois une anticipation successorale et une optimisation fiscale. L’entrepreneur cédant son entreprise procède préalablement à une donation des titres de la société désignant un tiers administrateur investi des pouvoirs de céder, s’affranchissant ainsi de l’autorisation du juge. Une attention particulière sera néanmoins portée aux garanties d’actif et de passif dans le cadre de la cession.

De façon à pouvoir rendre des comptes à la majorité de l’enfant, il est conseillé au tiers administrateur de se préconstituer la preuve de sa bonne gestion et notamment de l’origine des fonds, d’emploi et/ou de remplois (expiration du délai de conservation bancaire de dix ans).

Clause d’exclusion et solutions alternatives

Il existe d’autres mécanismes juridiques permettant d’aboutir aux résultats produits par la clause d’exclusion de l’administration légale mais ces autres outils d’anticipation sont moins adaptés à cette demande :

- Le mandat de protection future, prévu par l’article 477 du Code civil, ne peut concerner que le majeur.

- Le mandat à effet posthume, prévu par l’article 812 du Code civil, permet de confier à un tiers le mandat d’administrer ou de gérer tout ou partie de la succession pour le compte et dans l’intérêt d’un ou de plusieurs héritiers identifiés et doit être motivé dans l’acte par un intérêt sérieux et légitime (il ne permet de donner au mandataire des pouvoirs de disposition qui sont conservés par l’administrateur légal qui peut ainsi mettre fin au mandat en vendant les biens).

- La tutelle testamentaire, prévue par l’article 403 du Code civil, ne permet pas d’écarter les administrateurs légaux, puisqu’elle est réservée au survivant des parents du mineur.

La clause d’exclusion d’administration légale est d’une efficacité redoutable, puisqu’elle aboutit à priver les parents ou le parent survivant de l’un des attributs essentiels de l’autorité parentale, impliquant dans la plupart des cas la privation de jouissance légale du bien donné ou légué.

Compte tenu de la complexité des différents outils juridiques et des différents cas de figure, il convient de se rapprocher de votre notaire pour rédiger un acte « sur mesure » répondant à vos souhaits, adaptés à votre situation, tout en garantissant une efficacité et une sécurité juridique.

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