Politiques fictions

Cinéma / Idiocracy et Très bien, merci : deux grands films osant un discours offensif sur les dérives contemporaines sortent plus ou moins ce 25 avril. Et si le cinéma - et ceux qui le financent - ne pouvaient plus voir le politique en peinture ? Christophe Chabert

Précision initiale : cinéma politique ne veut pas forcément dire que l'on y parle de politique, mais simplement que l'on y traite des sujets qui touchent en premier lieu au vivre-ensemble contemporain. Quand Hollywood, l'an dernier, probablement gavé par l'idéologie du tandem Bush-Cheney, s'est réveillé et a inondé les écrans de fictions portant des discours ouvertement engagés (Good night and good luck., Lord of war, etc), on a pensé, naïfs, à un retour de ce cinéma citoyen. Désenchantement : en 2007, la politique sur les écrans, c'est Blood diamond, un film d'aventures bourré de clichés dont le sujet n'est qu'un cynique supplément d'âme à une mise en scène misérable. En parallèle, les échecs publics des Fils de l'homme, de Mémoires de nos pères et le cas particulier d'Idiocracy ne laissent pas planer le doute : l'arc-en-ciel a été de courte durée et les vraies démarches critiques et subversives ne sont plus les bienvenues.ContrebandeIdiocracy, donc : produit par la puissante Fox, réalisé par Mike Judge, créateur de Beavis & Butt-head avec Luke Wilson, frère d'Owen et acteur à succès dans l'inaperçu en France Old school ; on est loin d'un petit film d'auteur... Le résultat, formidable mais corrosif, est d'abord retouché par le studio (on ajoute une voix-off inutile, on coupe des séquences entières), irrité par cette charge politique contre ses principaux clients (les kids décérébrés et consuméristes). En pure perte : le distributeur décide de saboter sa sortie, aux États-Unis puis dans le reste du monde. Conséquence de l'affaire : le film circule sous le manteau (DVD imports, téléchargements illégaux) comme un objet sulfureux qu'il n'est pas vraiment en réalité. C'est en même temps la preuve que ce cinéma politique-là, à l'instar des documentaires de Pierre Carles chez nous, utilise les canaux médiatiques alternatifs pour acquérir pleinement son statut d'objet contestataire. Tout autre est le cas de Très bien, merci. Il ne fait pas de doute qu'il s'agit du meilleur film français du semestre. Celui-ci pointe sans être démonstratif les errements d'un état où police, hôpitaux et entreprises se donnent la main pour réduire à néant toute velléité de contestation par un harcèlement discret mais constant. Si le cinéma français voulait encore jouer un rôle dans sa vie publique, autre que l'abrutissement des masses qui se lèvent tôt, travaillent dur et ne veulent pas se prendre la tête en allant au ciné - comme dans Idiocracy, par exemple !, sa place aurait été parfaite sur les écrans avant le début de l'élection présidentielle. Les difficultés rencontrées par son distributeur (voir notre entretien ci-dessous) l'ont forcé à une sortie entre les deux tours. Selon le résultat du premier, Très bien, merci est soit à voir de toute urgence avant de faire n'importe quoi, soit à voir de toute urgence pour flipper sa race en pensant à ce qui nous attend demain. Ben voilà, c'est ça, le cinéma politique !

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