Ma nuit sur les quais

Clubbing / Du rêve et de la paillette servis en libre consommation tous les soirs sur les quais de Saône, nous sommes allés y goûter. Il paraît d'ailleurs que c'est la nuit qu'il est beau de croire à la lumière. Dalya Daoud

La hiérarchie a craqué : «Tu nous ferais pas un petit tour sur les quais de Saône histoire de raconter comment que ça s'passe?», me demande-t-on sur un ton enjoué -trop pour être honnête. Faire le trottoir, pourquoi pas, le grand reportage n'est pas denrée commune par ici. «Non. On te parle d'aller dans les boîtes de nuit (idiote).» La vérité, c'est que je les connais toutes, sauf peut-être La Grange au bouc à moins que je ne me rappelle plus la paille et le petit Jésus... Mais mes pieds de dancing queen n'ont pas foulé ces sols briqués depuis des lustres. La hiérarchie s'impatiente. «La vodka en note de frais, c'est limité ?», demande-je en signe de paix. Trois-quatre calumets plus tard, Nokia et carte bleue déjà frémissante en main, je trouve l'idée presque amusante. Proposition lancée, rendez-vous donnés, nous y voilà, dans la nuit. Elle est plutôt froide, plutôt pluvieuse et on frissonne un peu en s'y enfonçant. Premier verre. Nous nous avachissons dans les fauteuils presque flambant neufs du Kadre. Ignacio m'a rejoint plus tôt : «on est quand même pas obligés de manger aussi sur les quais ?». Rassure-toi Ignacio, on ira dans le milieu de la nuit se restaurer gentiment d'une merguez frites du camion, de l'autre côté de la Saône, habilement éclairés par les phares de ta Clio. Programme qui semble le réjouir d'avance. Le fort sympathique patron du Kadre ne se lasse pas de raconter ses voyages. Une demi-heure plus tard, l'ami Omar, clubber invétéré dans une autre vie, arrive accompagné de l'inimitable Grande Bin'ch (1), un mètre quatre vingt cinq tout en jambe et chevelure. Ils ont une pêche qui fait peur à voir. Même pas le temps de finir la goutte qui attendait dans le fond du verre, on part «dans une soirée, vous allez voir, vraiment sympa».Marathon nightDehors, les clubs sont alignés, nombreux, offensifs. Le reflet de leurs enseignes ondule sur le trottoir mouillé. C'est le Kobdo qui nous ouvre les bras. Je ne comprends pas. Le Kobdo a changé ou quoi ? Tout le monde a au moins plein d'années de moins que nous. «Ou peut-être que tu as vieilli», me suggère Ignacio, dont la façon de toujours donner son avis m'exaspère un peu. Peu importe, on fait une arrivée flamboyante. Un George Michael tonitruant nous fait avancer parmi la foule en bougeant ostensiblement tête et index en avant. Le problème reste d'atteindre la piste, située en bas d'un périlleux escalier. Omar se fait attendre, occupé à se plaindre qu'on ne puisse pas régler son vestiaire avec une carte bleue. C'est ici que l'on a décidé de briller. Notre spécialité : danser en faisant semblant de connaître toutes les paroles. Ignacio a déjà fourré sa langue dans la bouche de la fille la plus moulée dans son jean de la boîte. La question étant de savoir comment il fait pour aller plus vite que la lumière, et nous attendre déjà dehors. Dans la rue, gyrophares et brassard collé au muscle font un petit show avec une paire de piliers peu épongés pour l'heure. Tout le monde se demandait si l'Alibi était toujours l'Alibi. La réponse est oui. De ce côté, la tentative de danse est délicate, surtout pour Grande Bin'ch qui s'est déjà installée à la première table où le champagne coule à flot. On la rejoint pour prendre rapidement toute la place sur les fauteuils. Merci Grande Bin'ch, sinon on allait mourir étouffé entre deux paires de seins. Obligés néanmoins de partager un peu, un type me souffle son haleine fétide au visage. «Je bosse pour Gerflor, tu sais, les sols et carrelages». Arrête de crier, sinon je vais être obligée d'abuser du point d'exclamation. En pleine détresse, j'envoie des signaux de fumée, il faut mettre les voiles, je ne veux pas en savoir davantage sur le lino.La fin justifie les moyensChangement de décor. Nous pénétrons dans le ventre rouge du Solas, où la chemisette de l'époque a perdu du terrain. En revanche, mes ballerines léopard sont tout à fait dans le ton des robes de ces dames. Total look j'aurais dû faire moi aussi. Omar a développé ce soir une technique, en faisant des grands moulinets avec les bras, on peut se faire de la place sur la piste. «Et tout le monde croit que c'est de la danse contemporaine». Il est tard, personne n'a l'heure et j'aimerais aller un jour à la Grange «C'est quoi ce marathon ?» geint Ignacio qui a déjà avalé beaucoup trop de gin to'. Devant l'entrée de ce lieu fantasmagorique, Ignacio ne tient plus et nous montre avec panache les vertus émétiques des mélanges alcoolisés improbables. On fait pâle figure, le Hangar à chèvres restera un mythe... Ignacio jure de nous suivre partout où on ira, alors on décide de finir oui, mais alors chez Jo. Calme et volupté, nous sommes quatre et c'est bien. Salut Jo. Ignacio court aux toilettes. Cette fois, on commande des bières, pour faire glisser tout le reste. Ignacio sort des toilettes en s'essuyant la bouche et s'endort sur la banquette. Nous entamons avec Monsieur «les jeunes sont des mous» une conversation qui, dans mes souvenirs, me demandait de faire appel à tout mon cerveau. On écoute sagement l'éternel disque de Gainsbourg du Lookbar. «Et la merguez frites, alors, c'est maintenant ?». Ignacio vient de se réveiller.(1) Certains noms ont été changés pour ne pas froisser les gens susceptibles de l'être.

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