Des nouvelles du Détective sauvage

Livre / «Un nouvelliste doit être courageux. C’est triste de le reconnaître, mais c’est comme ça», dit l’écrivain chilien Roberto Bolaño. Ces paroles deviennent plus claires (et plus puissantes) quand on sait que Bolaño perçoit l’écriture comme un métier dangereux, un métier où il faut surtout «ne pas avoir peur de se balader au bord de l’abysse». Son recueil de nouvelles, Des putains meurtrières, est un bel exemple d’une prise de risques littéraire (et personnelle) très bien réussi. Les treize nouvelles du livre font du danger «l’axe de la vie sublime», comme l’a dit le torero Belmonte en faisant référence à son métier.
Les personnages de Bolaño errent entre la beauté, le désespoir, l’horreur, les larmes (de joie et de tristesse), l’humour (caustique, de préférence), la folie et la littérature. Les personnages de Bolaño (dont son alter ego Arturo Belano, personnage emblématique de son roman Les Détectives sauvages) sont des poètes. Des poètes qui écrivent sans cesse ou qui n’ont jamais touché un stylo mais, qui souffrent comme des poètes, baisent comme des poètes et se battent comme des poètes, comme des guerriers.
Ses nouvelles se déroulent au Chili, au Mexique, en Europe, en Afrique… Des lieux où l’auteur a «vécu, survécu, écrit et aimé». L’œuvre de Bolaño est imprégnée de ses nombreux voyages, de ses multiples expériences et bien sûr, de ses innombrables lectures. Il quitte le Chili pour Mexico City à l’âge de 15 ans où il «cesse d’être un lecteur prudent pour devenir un lecteur vorace».
En 73 il décide de rentrer à Santiago pour soutenir la Révolution d’Allende. Il arrive une semaine avant le Coup d’Etat de Pinochet, passe (dictature oblige) quelques semaines en prison et est miraculeusement relâché. De retour au Mexique, il fonde le mouvement poétique Infraréaliste qui veut détruire tout le spectre «vieillot» de la culture latino-américaine, tout le servilisme, toute l’hypocrisie créatrice, qui veut lutter contre «ces pauvres beaux gosses qui ne savent même pas que l’orgasme des nanas vient du clitoris», qui veut subvertir la quotidienneté.
En 77, fuyant son premier désamour, il s’installe en Espagne (où il vivra jusqu’à sa mort en 2003) où il travaille comme serveur, concierge, pigiste, éboueur, etc., etc., avant de commencer à publier. Et pendant les dix dernières années de sa vie, heureusement (!!!), il a beaucoup publié, mais surtout, il a beaucoup lu. Parce que la beauté de la littérature réside dans le plaisir de la lecture. La seule excuse pour écrire est de pouvoir s’adresser aux «amis inconnus recrutés par les livres», comme l’a dit Cocteau.
Des putains meurtrières (et tous ses autres livres), nous permet d’être les complices du Détective sauvage, de chercher avec lui les paradoxismes de nos vies, d’aller jusqu’au fond de nos joies et de nos angoisses. Cette lecture est aussi indispensable pour nous souvenir de Bolaño, parce que comme le dit l’écrivain mexicain Villoro : «se rappeler de quelqu’un est permettre qu’il continue à se battre».Nicolás Rodríguez Galvis - "Des putains meurtrières", de Roberto Bolaño. Traduit par Roberto Amutio. Collection Titres, chez Christian Bourgois.

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