article partenaire
Koezio, le fun indoor

Misère UBER alles : "Sorry We Missed You"

Misère UBER alles :
Sorry we missed you
De Ken Loach (Alg-Belg-Fr, 1h40) avec Kris Hitchen, Debbie Honeywood...

Le Film de la Semaine / Pour s'en sortir, un intérimaire se lance dans l'entrepreneuriat franchisé avec l'espoir de s'en sortir... précipitant sa chute et celle de sa famille. Par cette chronique noire de l'ère des GAFA, Ken Loach dézingue toujours plus l'anthropophagie libérale. En compétition à Cannes.

Newcastle, de nos jours. Abby et Ricky s'en sortent tout juste avec la paie de l'une et les intérims de l'autre. Alors, Ricky convainc son épouse de vendre leur voiture pour acheter un utilitaire afin de devenir livreur “indépendant“. Le mirage d'une vie meilleure s'offre à eux. Le début de l'enfer.

D'aucuns pourraient reprocher — c'est une figure de style : en fait, ils le font — à Ken Loach de rabâcher sous toutes les formes sa détestation du modèle capitaliste. Ou d'avoir joué depuis trente ans les prophètes de mauvais augure en dénonçant avec constance les ravages de la politique thatchéro-reagano-libérale qui, ayant désagrégé le tissu socio-économique britannique, n'en finit plus de saper ce qu'il reste de classe moyenne, après avoir laminé les classes populaires, au nom de la “libre“ entreprise, “libre“ concurrence... bref de toute cette belle liberté octroyée au haut de la pyramide pour essorer le lumpenprolétariat. Trente ans que Loach essuie les mêmes remarques condescendantes des partisans du marché (qui le voient comme les éditorialistes considèrent Greta Thunberg) et se trouve a contrario encensé par les gauchistes. Mais trente ans que les faits lui donnent obstinément raison, la situation s'aggravant.

On achève bien les prolétaires

Dans la lignée de It's a free World (2007) qui révélait déjà l'exploitation des misérables par des moins pauvres qu'eux (anticipant avec une stupéfiante prescience le principe de l'ubérisation — c'est-à-dire augmenter la précarité ainsi que les intermédiaires — et son répugnant succès), Sorry We Missed You montre que ce mirage économique constitue une servitude pire que la condition ouvrière du XIXe siècle, dans la mesure où elle est consentie et donne l'illusion à sa victime qu'elle est décisionnaire de son sort. “Petit patron“ tributaire du bon vouloir d'un chef lui même aux ordres d'un groupe, Ricky est piégé par sa supposée liberté, dont il découvre à ses dépens à quel point elle est encadrée et qu'elle ne souffre aucune tolérance.

Si Loach et Laverty son scénariste sont comme toujours d'une rigueur clinique dans la mise en place du contexte “économique“, ils transcendent ce cadre pour faire drame en l'habillant de vie et d'humanité — ici douloureuse. La situation de Ricky ne provoquerait pas une telle empathie sans les interactions familiales : les relations en dents de scie avec ses enfants, contrecoup de ses tensions professionnelles, sont très prévisibles mais donnent toute la chair à ce récit qu'il faut accepter comme une ultime sommation. On ne sait pas à la fin du film ce qu'il adviendra des personnages, mais tout indique que le mot “heureux“ sera clairement de trop...

Sorry We Missed You
Un film de Ken Loach (G-B-Bel-Fr, 1h40) avec Kris Hitchen, Debbie Honeywood, Rhys Stone...

à lire aussi

vous serez sans doute intéressé par...

Vendredi 29 mai 2020 Un jeune couple pris au piège dans une maison-témoin diabolique doit élever jusqu’à l’âge adulte un bébé tyrannique comme tombé du ciel. Une fable de circonstances, entre "Le Prisonnier", "La Malédiction" et le mythe de Sisyphe. En VOD.
Mardi 17 décembre 2019 Une guerre des gangs de voleurs de motos laisse Zhou Zenong blessé et en cavale dans la région du Lac aux oies sauvages, traqué par les hommes du capitaine Liu. Alors qu’il s’attend à retrouver son épouse Yang Shujun, c’est une mystérieuse...
Mardi 12 novembre 2019 Et si le bonheur de l’Humanité se cultivait en laboratoire ? Jessica Hausner planche sur la question dans une fable qui, à l’instar de la langue d’Ésope, tient du pire et du meilleur. En témoigne son interloquant Prix d’interprétation féminine à...
Mercredi 13 novembre 2019 La 6e édition du festival Sens interdits aura fait la part belle à la capacité de jeunes artistes belges à gratter et bousculer autant leur art que leur temps quand les Russes ne cessent de tenter de prendre la mesure de la répression soviétique à...
Mardi 8 octobre 2019 Des films par dizaines, des projections par centaines, des invités… par milliers ? Peut-être pas, mais suffisamment pour que chaque spectatrice ou (...)
Mardi 3 septembre 2019 Francis Ford Coppola, Bong John Ho, Ken Loach, Daniel Auteuil et Marina Vlady ne seront pas seuls à visiter les salles obscures lyonnaises en octobre prochain : Frances McDormand, Donald Sutherland, Marco Bellocchio, Gael Garcia Bernal ou Vincent...

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X