Exercices d'admiration
Connaître / Arlette Farge, Frédéric Ferney et Daniel Arsand ne seront pas à la Villa Gillet pour parler de leurs propres travaux, mais pour présenter et mettre en valeur la passion qui les lie à un artiste. Tandis que l'historienne se penchera sur le peintre Jean-Honoré Fragonard et que le journaliste évoquera le dandy Oscar Wild, l'écrivain et éditeur Daniel Arsand se prêtera au jeu en présentant la vie (et l'œuvre) de Klaus Mann, à qui il voue une admiration sans borne. De Klaus Mann, nous savons qu'il fut le fils de Thomas Mann, Prix Nobel de littérature en 1929. Nous savons également qu'il fut un écrivain de talent, auteur notamment d'une autobiographie remarquée (Le Tournant), de plusieurs romans (dont Mephisto et Le Volcan), de nombreuses pièces de théâtre et d'un Journal qui fait partie des meilleurs du genre. Ce que l'on sait sans doute moins, et que l'on découvre dans le recueil de textes intitulé Contre la barbarie, qui vient de paraître aux éditions Phébus, c'est qu'il a aussi été l'un des écrivains et intellectuels allemands les plus engagés contre le national-socialisme. À travers les lettres (celles à Stefan Zweig ou Gottfried Benn sont splendides d'intelligence et de dignité), articles, conférences, essais ou interviews réalisés entre 1925 et 1948, on suit la manière dont Mann a «accompagné» la montée, puis le règne et la chute d'Hitler et du parti nazi. La précocité de sa prise de conscience (dès 1930) sur les dangers du IIIe Reich, son exil, l'abandon de la langue allemande, l'enrôlement dans l'armée américaine, sont autant de gestes forts sur son «refus de la conciliation avec les traîtres». Ses textes, dont la lucidité et le courage sont sublimés par une rhétorique éblouissante, en sont le pendant magnifique, symbole absolu d'une littérature qui pense et qui résiste. Yann Nicol
Arlette Farge, Frédéric Ferney, Daniel ArsandÀ la Villa Gillet, le 30 mars.