Crimes à Oxford

Sans être le meilleur film de son auteur, le nouveau Alex de la Iglesia est un jeu de piste assez ludique où le cinéaste relève le pari de faire un thriller avec des maths et de la philo, à la surface faussement consensuelle. CC

C’est assez rare pour être souligné : Crimes à Oxford accroche son spectateur par une première séquence où l’on nous raconte une anecdote sur le penseur Ludwig Wittgenstein rédigeant, sous les bombes de la première guerre, le Tractatus logico-philosophicus qui sert de base à la philosophie du langage contemporaine. Et quand on dit «accroche», on n’utilise pas le mot pour rien (d’ailleurs, disait Wittgenstein, «ce que l’on ne peut dire clairement, il faut le taire»)… Cette introduction, en forme d’exposé passant d’une chaire universitaire à un champ de bataille, est effectivement brillante. Le reste de ce thriller élégant et néanmoins un peu cinglé ne l’est pas moins, prouvant que son réalisateur, l’épatant Alex de la Iglesia, ne s’est pas trop perdu dans les rouages d’une adaptation littéraire à visée internationale.√Ω+∆=QOn y voit Martin, étudiant américain, débarquer en Angleterre pour écrire sa thèse sous la direction d’Arthur Seldom, vieux professeur cynique et blasé. Mais sa logeuse, elle-même liée par le passé à Seldom, est retrouvée assassinée. Ce qui devait être un mémoire rasoir se transforme en palpitante enquête policière menée avec force équations par Martin et Seldom. Pari improbable : peut-on, à l’écran, créer du spectacle avec de la pensée pure ? Comment calquer le rythme d’un récit grand public sur les neurones de deux scientifiques heureusement distraits par quelques passions humaines ? La réussite de De la Iglesia, mineure par rapport à son précédent Crime farpait, est sur ce point remarquable : les rebondissements, fausses pistes et diversions qui émaillent Crimes à Oxford produisent un vertige similaire à celui provoqué par une formule algébrique, mais retombe toujours sur des résolutions simples et rationnelles. Ce qui se perd en revanche, c’est l’habituelle fantaisie baroque du cinéaste ; le film est nettement plus sage que ses opus précédents, exhibant un savoir-faire virtuose assez attendu. Quoique… Déjà, il n’y a pas foule de cinéastes capables de tirer autant d’expressivité de leurs comédiens, à part Peter Jackson (d’ailleurs, voilà Elijah Wood !) ou Jean-Pierre Jeunet (comme par hasard, Dominique Pinon est aussi de la partie). Mais surtout, De la Iglesia sait glisser les détails et séquences qui font dérailler cette mécanique de précision : deux flashbacks à l’imagerie macabre qui impriment durablement la rétine ou, plus retors, la poitrine démesurée de Leonor Watling, sur laquelle la caméra du cinéaste ne s’attarde jamais, mais qui est comme un rappel permanent au spectateur : dans un film où tout le monde se regarde le cerveau, la vérité est peut-être à chercher du côté de la chair…Crimes à Oxfordd’Alex de la Iglesia (Esp-Ang-Fr-Port, 1h43) avec Elijah Wood, John Hurt, Dominique Pinon…

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