Un nouveau souffle

Entretien / Philippe Faure, directeur du théâtre de la Croix-Rousse revendique un nouveau statut pour faire face aux difficultés rencontrées par son théâtre. Propos recueillis par Dorotée Aznar

Que se passe-t-il au théâtre de la Croix-Rousse ? Vous parlez d'un problème de statut, on sait que le théâtre connaît des difficultés financières...Philippe Faure : Je dirige le théâtre de la Croix-Rousse depuis bientôt treize ans. En mai et juin derniers, nous avons réalisé qu'un nouveau projet était nécessaire. Nous avons entamé des restrictions budgétaires (suppression de la publicité, du bal pop et distribution des nouvelles plaquettes de saison de la main à la main). Nous avons réalisé l'ampleur des efforts à faire et la fragilité de notre structure. La Région Rhône-Alpes et la Ville de Lyon ont également pris la mesure de nos difficultés financières et nous ont apporté respectivement 60 000 E et 150 000 euros supplémentaires l'an dernier. Actuellement, le théâtre de la Croix-Rousse est «une scène conventionnée». Ce statut ne correspond plus du tout à la réalité ; nous sommes en roue libre. Il est temps que nous obtenions un label national. Notre théâtre est l'un des plus fréquentés de la région et depuis de nombreuses années, nous effectuons déjà un travail de Centre Dramatique. D'ailleurs, nous avons été bien écoutés à la DRAC et on nous a confirmé que le théâtre aurait un statut national avant le mois de décembre, qu'il s'agisse d'une scène nationale ou d'un Centre Dramatique Régional Dans quelle situation financière se trouve aujourd'hui le théâtre ?Nous avons un déficit cumulé depuis dix ans qui est aujourd'hui important. Pourtant, et c'est exceptionnel, notre théâtre s'autofinance à hauteur de 60%. Les autres structures ne vont pas au-delà de 25%, en règle générale. Concrètement, à part un financement du Ministère de la Culture, qu'est-ce que ce nouveau statut va changer pour vous ?Nous sommes déjà le théâtre qui accueille le plus de scènes régionales. Ce travail sera densifié avec le nouveau projet. L'accompagnement des jeunes metteurs en scène deviendra prioritaire. Nous mettrons également en place des résidences d'artistes.Vous allez cesser de présenter des spectacles sur quelques dates ?Oui, je veux que les représentations durent trois semaines. Il faut revenir aux grandes séries, aux grandes idées de la décentralisation. Les séries permettent d'attirer un nouveau public, notamment par le bouche-à-oreille, la presse. Dans le nouveau projet, le nombre de représentation reste identique, mais avec dix spectacles en moins par an. Il ne faut pas se perdre dans une diffusion à tous crins.Que va devenir la petite salle du théâtre ?Il est impossible de rentabiliser les spectacles dans le studio. Cette salle ne servira donc plus à accueillir des représentations, ou seulement à titre exceptionnel. Il est préférable que des lieux comme le théâtre de L'Elysée prennent en charge les jeunes compagnies. Chez nous, les metteurs en scène seront accueillis sur la grande scène. Il faut laisser les petits théâtres faire leur travail, c'est ensuite aux plus grandes structures de prendre le relais. Le studio va devenir un lieu de travail, de débats, d'ateliers. Il pourra également servir de salle de répétition.Pourrez-vous apporter une aide à de jeunes metteurs en scène alors même que l'espace destiné à les accueillir n'existera plus sous cette forme ?Une programmation dans une petite salle n'est pas forcément un cadeau fait aux jeunes metteurs en scène car personne n'achète ce type de spectacles. Je pense que je peux d'avantage aider ces metteurs en scène en les confrontant à de vrais enjeux. Les petites salles, c'est un peu une mode, tout le monde en veut, on en a fait la règle, comme si on avait peur de confronter les jeunes aux grandes salles. Le théâtre est pourtant fait pour jouer devant beaucoup de monde. D'ailleurs, nous avons commencé ce travail, en programmant des jeunes metteurs en scène dans la grande salle. Pour moi, tous les metteurs en scène sont pareils et je ne fais pas de différence. Et le public répond présent. En fait, tout dépend de la façon dont le directeur du théâtre se comporte avec les jeunes. Pour moi, il n'y a pas de jeunes compagnies, il n'y a que des gens qui ont ou non du talent. Si on repère un talent, on le lance ; il faut arrêter d'infantiliser les metteurs en scène ; les directeurs de théâtre ne sont pas des profs. À ce titre, vos choix de programmation ont parfois été contestés...Il ne faut jamais avoir peur de la polémique, de pas avoir peur de ne pas être à la mode, dans le coup. Le théâtre, c'est une affaire d'hommes. J'aime tout ce que je programme et je défends tout.Aujourd'hui, vous souhaitez vous reconcentrer sur la forme théâtrale exclusivement ?Je veux mettre en place des vraies aventures de théâtre. À un moment, les théâtres ont eu peur de faire du théâtre et ont souhaité devenir des lieux pluridisciplinaires. Cela fait du tort au théâtre. C'est un peu comme dire aux spectateurs qu'ils ne pourraient pas trouver leur compte dans la forme théâtrale. Le théâtre parle-t-il encore au public ?Le théâtre est un lieu de polémique, un lieu où la parole est libre. Trop de théâtres ont tenté d'adoucir cette parole ; sans doute parce qu'il y a trop de cadres dynamiques dans la culture. Il ne faut pas oublier que nous ne sommes que des saltimbanques. Pour que le théâtre trouve et garde son public, il faut qu'il redonne sa place à la fantaisie, qu'il arrête de prouver on se sait quoi et de donner des leçons. On ne doit pas gérer les théâtres comme des institutions dont on serait prisonniers.

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