Very Swell

Roch / Perdu de vue par les aficionados du folk rock des années 90, David Freel reforme le trio Swell à lui tout seul. Et ça marche. Stéphane Duchêne

Autrefois trio agencé comme un parfait casse-tête sanfranciscain à l’équilibre précaire mais néanmoins splendide, Swell, qu’on avait un peu enterré depuis le temps, n’est pas mort. Voilà donc les (quelques) fans rassurés. Mais de la formation initiale, sujette aux claquements de portes et allées et venues égotistes, ne subsiste aujourd’hui que le maître d’œuvre David Freel, compositeur parolier et chanteur. Le décorateur d’intérieur, Monte Vallier (basse et arrangements), et le charpentier Sean Kirkpatrick (batterie et colonne vertébrale de l’ensemble) ont cette fois définitivement déserté le grand chantier mélancolique du groupe. Freel, sa voix frêle et frileuse, sont désormais seuls maîtres à bord, aux commandes d’un album, South of the Rain And Snow, qui, surprise, est le meilleur du groupe depuis leur chef d’œuvre Too Many Days Without Thinking (1997 quand même). Certes le groupe avait livré ensuite, notamment avec For All the Beautiful People (Vallier plus Freel) ou Everybody Wants to Know (Freel déjà temporairement esseulé), deux albums plus lumineux, garnis de compositions efficaces mais dénuées de l’imparfaite âme swellienne.

Sous le soleil

Car ce qu’il y a toujours eu de reconnaissable chez Swell, c’est cette veine immédiatement enivrante, lancinante ; cet air toxique se dégageant des compositions comme un corps se débarrasse de ses toxines ; ce son crû qui gratte les guitares à même l’échine. Et ce qui frappe sur South of the Rain And Snow, en dehors du plus beau titre d’album depuis longtemps, c’est que même orphelin de la batterie tachycarde de Kirkpatrick, délaissé par les ambiances basse-fidélité de Vallier, le rescapé fait tenir le trépied sur une seule patte. Grâce en soit rendue à des compositions sur lesquelles Freel est revenu, non sans quelques claudications, au sommet de son art folk-pop. Si bien qu’on peut s’écrier sans peur «rien de nouveau sous le soleil», sans pour autant avoir à le déplorer. Et pour cause, le titre de l’album donnant le ton, il n’y a plus de soleil que très haut au-dessus d’épais nuages. Freel livre ainsi de sa voix sédatée, de sa guitare pantouflarde, de purs moments de grâce sous la pluie, cordes bruineuses des violons ou drues de la guitare amplifiée. Comme lorsque sur l’un des moments les plus joyeusement tristes du disque, l’électricité jaillit au milieu de The Measure of this moment, avant de se tarir, découragée. C’est précisément qu’au sud de la neige et de la pluie, le soleil consent à darder quelques rayons propres à réchauffer l’âme. Swell amputé mais vivant, David Freel paraît toujours engourdi mais vigoureux sous l’arthrite. Tant mieux.

SWELL
Au Sonic
Dimanche 26 octobre
«South of the Rain And Snow» (Talitres Records/Differ-ant)

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