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Démon de minuit
Par Stéphane Duchêne
Publié Vendredi 14 novembre 2008 - 2252 lectures
Photo : DR
Ancien auteur de télévision, Alister, auteur d’ Aucun mal ne vous sera fait, tâte de la variété rock et de l’amour christique en interrogeant ses gueules de bois. «Qu’est-ce qu’on va faire de toi ?», single de l’année, question de début de siècle. Stéphane Duchêne
Fut une époque, les flamboyantes 60’s, où toute la fine fleur du rock, de Jimmy Page aux Beatles en passant par Mick Jagger et le cinéaste Kenneth Anger, s’encanaillait avec les écrits fumisto-satanistes de l’occultiste Aleister Crowley. À l’époque, après avoir écouté les 33 tours, on se les repassait à l’envers, à l’affût de messages en provenance de la Bête.
Aujourd’hui, un autre Alister, sans «e» celui-là, fait figure de diablotin dans la très lisse chanson française : il a vendu l’âme de la variété et les pizzas froides de Delerm et Bénabar au rock n’roll, porte les cheveux longs, un cuir défloré et baragouine des trucs un peu obscurs sur des «femmes à barbes assoupies» et les «combustions spontanées».
Mais derrière l’image crado, sommeille un samaritain qui, sur son inaltérable single Qu’est-ce qu’on va faire de toi ?, promet «on va trouver quelqu’un qui t’aime». L’amour comme remède à tout ; la philosophie alistérienne se veut post-christique, clamant, telle une Ségolène Royale ruinée au Martini, «aimez-vous les uns SUR les autres» :
«Même si aujourd’hui on n’est pas forcément ravi de la direction de notre civilisation il faut garder en tête qu’il faut s’aimer, avance-t-il avec une désinvolture guère raccord avec un prêche messianique. C’est une façon de dire que c’est pas facile, mais qu’il reste l’amour et l’affection qu’on peut avoir les uns pour les autres. C’est ça qui se délite un peu dans le monde».
Ça sonne faux ? Oui, un peu et il en convient tout à fait. Il s’agit donc se munir du détachement dont lui-même fait preuve. Sur disque, même approche : fils spirituel et barbu d’un Antoine pré-«Atoll les Opticiens», Alister, ne cherche pas à chanter «juste», il parle plus qu’autre chose, école Dutronc & Co. : «J’ai essayé de chanter à pleine voix, je peux même hurler. Mais le «talk over» cadre mieux avec l’ambiance de l’album. Ça donne un indice de ma façon de voir les choses autant que les paroles».
Antisocial…
Les paroles, justement : enjeu quasi éthique pour ce novelliste, ancien auteur de télé (La Minute Blonde, Un Gars, Une Fille), à l’heure où une partie du rock hexagonal exulte de pouvoir chanter en anglais et de marquer ainsi la frontière qui la sépare de la variété, plus cocardière : «L’anglais est surtout une bonne façon de se planquer. Quand ce n’est pas ta langue maternelle tu tournes un peu en rond autour de choses que tu ne maîtrises pas. La voix doit porter une histoire, un message, une pensée, sinon tu fais de la musique instrumentale. Ou alors tu vas habiter à Londres ou à New York».
Sa crédibilité rock, s’il la cherche, Alister la trouve ailleurs : un zeste de T-Rex pour les saccades rock, des affinités geignardes avec Mark E. Smith de The Fall («on n’arrête pas de me le dire, alors que je connais à peine ce groupe», s’étonne-t-il). Et surtout à la production Baxter Dury, fils d’Ian Dury (rocker polio légendaire, auteur de l’hymne rock Sex & Drugs & Rock n’roll), bénéficiaire d’une cote monstre avec ses albums personnels : «C’est un grand fan de Gainsbourg et de talk over. Il a apporté surtout un état d’esprit : on a pu travailler un son un peu usé, daté».
Et dans le genre vague à l’âme vouée à la lascivité, on est mille pieds au-dessus du gloubi-boulga toc à toquante apparente d’un Sébastien Tellier. Ici, la fête est une défaite («tu ne sais que danser, tu ne sais que rater ta vie», scande le single), et la luxure pas vraiment un luxe : «Je voulais revenir à thématique unique autour de la nuit, de la confusion et du désordre, portée par une couleur sonore proche des grands disques de Bowie ou Berlin de Lou Reed. Avec une cohérence dans la progression de l’album comme si du premier au dernier titre, on vivait le récit d’une descente jusqu’à 7h du mat’».
Soit, l’heure où les grands questionnements ne survivent pas à la défonce pour finir avec la «marque du caniveau sur la joue». Ou quand affleure le constat de l’idéal perdu d’une révolte cacochyme, dans un vers qui résume tout : «Antisocial, tu perds tes cheveux». Alister, lui, en a encore plein ; il n’est pas près de prêcher dans le désert.
ALISTER
À L’Épicerie Moderne (Festival Just Rock) en première partie de Foals), jeudi 20 novembre
« Aucun mal ne vous sera fait » (Barclay/Universal)
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