Cinéma / Tiré d'un roman noir de James Lee Burke, ce film américain de notre Tavernier national ne manque ni d'ambition, ni de bons acteurs, mais d'un rythme suffisamment prenant pour faire tenir ensemble son complexe écheveau d'intrigues.CC
Les crimes d'aujourd'hui, crapuleux, ceux d'hier, raciaux, et ceux, fondateurs, de la guerre de sécession, se rejoignent donc dans la ballade désabusée d'un flic alcoolique et humaniste, Dave Robichaud, fort justement campé par le toujours parfait Tommy Lee Jones. Mais ce récit touffu paraît pourtant particulièrement délié, plein de temps morts, comme une accumulation indolente de séquences jamais connectées entre elles. L'électricité du titre est donc purement théorique, car l'écran semble au contraire accueillir chaque événement avec perplexité et froideur, un peu comme dans les derniers Chabrol (qui vient justement de primer le film au festival de Beaune !). Il faut dire que la peinture du milieu du cinéma — avec des stars ivres du matin au soir et des producteurs sans scrupule — est assez peu crédible à force de caricature, et le désir de montrer un mafieux plutôt bonhomme (génial John Goodman, au passage) nuit beaucoup à l'inquiétude qui devrait naître lors de ses accès de violence. Le choix de la voix-off est aussi assez malheureux, car elle ne semble là que pour colmater les vides du récit. Surtout, Tavernier voudrait créer une atmosphère suspendue, mortifère, celle de la Nouvelle-Orléans après Katrina, mais n'y parvient jamais, sinon dans la seule scène vraiment réussie du film, où Robichaud découvre, en plein délire onirique, un camp de soldats confédérés. Cette parenthèse fantastique laisse entrevoir ce qu'aurait pu être Dans la brume électrique : une méditation mélancolique sur une Amérique gangrenée par une violence présente à toutes les époques de son Histoire. Ce film avec Tommy Lee Jones existe déjà, en double même : ils s'appellent No country for old men et Dans la vallée d'Elah.Dans la brume électrique
De Bertrand Tavernier (Fr-ÉU, 1h57) avec Tommy Lee Jones, John Goodman...