«La distribution est un métier très ingrat»

Entretien / Marc Guidoni, propriétaire (avec Marc Bonny) du cinéma Comoedia (Lyon 7e), créateur d’une société de production pour le cinéma et la télévision (Fondiniva), il se lance aujourd’hui dans la distribution de films. Propos recueillis par Dorotée Aznar

Petit Bulletin : Pouvez-vous revenir rapidement sur votre parcours ?
Marc Guidoni : Jusqu’en 2005, j’ai travaillé dans des grands groupes de media et de télécommunications comme TF1, TDF ou Orange, mais j’ai toujours été passionné par le cinéma. En 2005-2006, j’ai eu envie de faire quelque chose de différent et de me «lancer», en créant ma société de production de films à Lyon, Fondivina.

C’est également le moment où vous avez décidé de vous lancer dans l’aventure du Comoedia avec Marc Bonny ?
Oui, l’aventure du Comoedia est arrivée au moment où je prenais cette décision, un peu par hasard. L’histoire du Comoedia m’a également permis de me constituer un réseau professionnel, sauver ce cinéma m’a en fait ouvert des portes, même si, évidemment cela n’était pas calculé et pas l’objectif. Le milieu du cinéma est particulier car il fonctionne principalement et presque exclusivement par réseau.

Pouvez-vous vivre de la production de films ?
La production de films n’est pas une activité qui me permets de gagner ma vie. Quand je produis, l’argent est au service du film, tu te paies s’il reste de l’argent… Mais il n’en reste jamais. Pour vivre, il faut envisager des activités en parallèle, par exemple, je fais du conseil dans l’industrie de l’image… Je m’attache tout de même à ce que ces activités «nourricières» restent en lien direct avec ce qui est le cœur de mon projet. Dans le monde des producteurs indépendants, notre métier est presque un hobby et presque tous ont une autre acticité : ils enseignent ou font des films publicitaires…

Quel regard portez-vous sur la production cinématographique française ?
Au départ, l’une de mes envies en tant que producteur était de travailler sur des projets en coproduction avec l’étranger. J’ai un peu de mal avec le cinéma français consanguin qui fonctionne en vase clos avec beaucoup d’argent qui va toujours aux mêmes. Le cinéma de Christophe Honoré par exemple, je ne peux pas… Sur le papier, le système français est un système vertueux, mais dans les faits, il ne se passe plus rien dans ce cinéma-là, à mon avis.

Vous vous lancez aujourd’hui dans la distribution de films, pourquoi et quels sont vos objectifs ?
J’ai rencontré beaucoup de confrères étrangers indépendants et je me suis vite aperçu que beaucoup de films géniaux ne sortent jamais en France. Mes objectifs sont très modestes, je voudrais sortir un ou deux films par an, car je pense qu’il y a un public pour ce cinéma en France.

Marc Bonny, co-propriétaire avec vous du cinéma Comoedia est également distributeur de films, vous aide-t-il dans ce nouveau projet ?
Marc Bonny a trouvé une niche géniale avec Gebeka Films en distribuant des films de grande qualité pour le jeune public. Même si Marc ne travaille pas directement avec moi, je peux bénéficier de ses conseils de pro de la distribution. Et la première leçon qu’il m’a donnée, c’est que c’est un métier très ingrat !

Le 20 avril sortira dans les salles All that I love, film polonais dont vous assurez la distribution, pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
All that I love n’est pas le plus grand film du cinéma polonais, mais c’est un film intelligent sans être didactique, c’est une œuvre qui m’offre, en tant que spectateur, ce foisonnement que je ne trouve plus dans le cinéma français. Ce film est un coup de cœur, filmé du point de vue d’un adolescent qui découvre la musique punk, l’amour, le sexe, l’alcool… avec le coup d’état militaire en Pologne en 1981 en toile de fond. C’est la première fois dans le cinéma que l’état de guerre est présenté du point de vue d’un jeune. Ce film arrive également au moment où, en Pologne, un débat est lancé sur l’héritage de Solidarność.

Combien d’entrées doit réaliser le film pour que vous rentriez dans vos frais ?
Si All that I love fait moins de 10 000 entrées, je perds énormément d’argent, beaucoup s’il en réalise 20 000. À partir de 30 000 entrées, ce sera bien ! Mon objectif n’est pas de gagner de l’argent, mais ce n’est pas d’en perdre non plus… Quoi qu’il en soit, les dés sont désormais jetés.

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