article partenaire

Après Nicolas Boukhrief l’an dernier, c’est le cinéaste Pascal Laugier qui a droit à une carte blanche durant Hallucinations collectives. L’homme qui avait durablement éprouvé les spectateurs avec son tétanisant Martyrs — pour lequel il avait dû subir les foudres d’une censure française qui cache de moins en moins son nom — est un cinéphile passionnant ; chacune de ses interviews le prouve et le texte qu’il a fourni pour le catalogue du festival en est un exemple définitif. Il s’y hasarde à quelques programmations virtuelles — dont une, surprenante, où il confesse son amour pour Ma nuit chez Maud, La Gueule ouverte et Sans toit ni loi — avant d’énoncer celle qu’il viendra finalement défendre : L’Exorciste 2, l’hérétique, Le Locataire et Ces garçons qui venaient du Brésil. Trois films bizarres signés par des cinéastes plus que reconnus — Boorman, Polanski et Franklin J. Schaffner — qui reposent tous sur des paradoxes féconds.
Ainsi, quand John Boorman récupère le projet d’une suite de L’Exorciste — à l’époque, un des plus grands succès de toute l’histoire du cinéma américain — il le détourne instantanément, quitte à semer la fureur chez les fans du film original. On retrouve certes la petite Reagan — même si Linda Blair a grandi depuis — mais l’exorcisme auquel elle va être soumise est très loin de la description clinique et viscérale pratiquée par Friedkin. Il s’agit plus d’une embardée vers le film-trip et psychédélique, où les forces du mal se confondent avec les forces de la nature déchaînée, grand thème boormanien s’il en est un.
Locataire et néo-nazis
D’une certaine façon, Le Locataire est aussi une variation de Roman Polanski autour de son film le plus célèbre : Rosemary’s baby. Confiné dans son appartement parisien, l’immigré Trelkovsky (Polanski lui-même) est persuadé non pas qu’il est enceint du Diable, mais que ses voisins fomentent un complot contre lui visant à le pousser au suicide, comme ce fut le cas pour la locataire précédente. L’ambiguïté géniale et le climat de parano menaçante qui maintenaient le spectateur aux abois jusqu’aux dernières secondes de Rosemary’s baby ne fonctionnent toutefois pas jusqu’au bout du Locataire. Malgré ce final raté, le film est absolument terrifiant, Polanski y déployant toute sa science de la mise en scène pour faire dresser à chaque instant les cheveux du spectateur sur sa tête. Inoubliable, par exemple, les séquences où Trelkovsky observe les cabinets communs en face de sa cuisine, jusqu’à y voir apparaître son double — par un troublant hasard de programmation, le festival présentera aussi The Double de Richard Aoyade avec Jesse Eisenberg, adaptation du roman de Dostoievski que Polanski a longtemps cherché à porter à l’écran…
Quant à Ces Garçons qui venaient du Brésil, adapté d’un roman d’Ira Levin — l’auteur de… Rosemary’s baby ! — il repose lui aussi sur un alliage pour le moins curieux : la dureté de son pitch, où des dignitaires nazis réfugiés en Amérique latine préparent l’avènement d’un Quatrième Reich à base de clones dormants d’Hitler, est sans cesse contrecarrée par l’étonnante santé qu’injecte Schaffner à sa mise en scène, notamment grâce à ses acteurs, qui prennent un pied manifeste à forcer la théâtralité de leur jeu. Que ce soit Laurence Olivier en chasseur de nazis ou Gregory Peck en méchant docteur Mengele, tout le monde s’amuse sur l’écran, mais cela n’empêche pas la fin du film d’être d’une violence sidérante et d’un pessimisme absolu.
Christophe Chabert
pour aller plus loin
vous serez sans doute intéressé par...
Mercredi 30 novembre 2022 Le Festival du Film Court du Zola ayant servi de warm-up, on ne lâche pas l’affaire et l’on continue avec entrain avec la deuxième édition de Mutoscope, (...)
Mardi 12 avril 2022 Les Hallus renouent avec leur date originelle après une auguste exception l’an passé. La quinzième édition est l’occasion de présenter aux apôtres d’un autre cinéma un savant mixte de reliques anciennes et de nouveaux fétiches. Le culte se...
Mardi 4 janvier 2022 Sauf impondérables ou nouveau variant — touchons du bois — les sorties devraient reprendre une cadence "à peu près" normale dans les salles. Petit tour d’horizon de ce qui nous attend dans les premiers mois de 2022…
Jeudi 4 novembre 2021 Durant la dernière édition de Hallucinations Collectives, l’équipe avait bien du mal à dissimuler sa fébrilité enthousiaste — OK, elle est ontologiquement excitée, (...)
Mercredi 25 août 2021 Depuis dix ans que l’Étrange Festival lyonnais est devenu Hallucinations Collectives, il n’a jamais fait faux bond aux amateurs d’“autre cinéma” — et ce, malgré la pandémie. À la veille d’une 14e édition des Hallus adaptée aux circonstances,...
Vendredi 7 mai 2021 La proximité de la réouverture des salles datée au 19 mai, et la baisse — pour le moment — continue du taux d’incidence redonnent le moral aux organisateurs : Hallucinations Collectives et Écrans mixtes ont annoncé leur retour pour cet été.
Mardi 1 septembre 2020 La treizième édition du festival de cinéma de genre, prévue au printemps, aura bien lieu et commence finalement aujourd'hui. Rendez-vous au Comœdia dès aujourd'hui.
Jeudi 12 mars 2020 Les annulations et reports s'accumulent dans presque toutes les structures de la métropole, impactant durement tout un écosystème déjà fragile. Voici ce qui nous a été communiqué. Nous mettrons cet article à jour au fur et à mesure. (dernière mise à...
Mardi 19 novembre 2019 Divorcée, tirant le diable par la queue, Sheila héberge chez elle son feignant de fils et son atroce petite amie. Un jour, elle succombe aux réclames d’une luxueuse échoppe de prêt-à-porter, Dentley & Soper’s, et se laisse persuader par la...
Mardi 9 avril 2019 Elle claque ! Par son graphisme, sa symbolique, autant que par ce qu’elle promet de la programmation, l’affiche du festival de l’Autre cinéma est — comme toujours — une réussite. À l’image de ce que devrait être cette édition. Petit tour d’horizon...
Mardi 9 avril 2019 Invités d’honneur d’un festival qui ne leur a jamais fait défaut — à raison : ils sont sans doute avec Mandico les plus fervents pratiquants d’un “autre“ cinéma — le duo Hélène Cattet & Bruno Forzani a composé une Carte Blanche à son image. Bref...
Mardi 19 mars 2019 Quelle élégante manière de nous prévenir de l’imminence de la prochaine édition des Hallucinations Collectives (du 16 au 22 avril au Comœdia) ! Cette soirée (...)
Mardi 27 mars 2018 C'est sous le signe du pentacle et de la sorcellerie que l'association Zone Bis place cette année son festival Hallucinations Collectives, avec sa (...)
Mardi 30 mai 2017 de André Øvredal (G-B ; E-U, int. -12 ans avec avert., 1h39) avec Emile Hirsch, Brian Cox, Ophelia Lovibond…
Mardi 4 avril 2017 Dix bougies soufflées et 1000 univers à dévorer ! Point de ralliement pour tous les cinéphiles déviants, Hallucinations collectives rouvre les portes de sa (...)
Vendredi 24 mars 2017 Oyez ! Oyez ! Hallucinations collectives dévoile sa 10ème programmation avec des infos juteuses… pour ne pas dire saignantes ! Sévissant du 11 au 17 avril, le festival accueillera des invités de choix et des avant-premières à la pointe de...
Mardi 14 février 2017 Impatient de gravir les échelons de son entreprise, l’ambitieux Lockhart accepte une étrange mission : aller chercher l’un de ses patrons en cure dans une (...)
Mardi 13 décembre 2016 Vos nuits sont elles plus belles que vos jours ? À l’approche du solstice d’hiver, elles sont en tout cas plus froides et plus longues. Et grâce aux (...)
Mardi 30 août 2016 Blues de la reprise ? Comme chaque année, l’UGC Confluence tente d’adoucir la rentrée en programmant un cycle de comédies mariant allègrement grands (...)
Mardi 26 avril 2016 Un groupe punk à la dérive vérifie à ses dépens la réalité du slogan No Future en se produisant devant un public de fachos. S’ensuit un huis clos surprenant, avec larsen et acouphènes modulés par Jeremy Saulnier. Prix du Petit Bulletin lors du...
Mardi 5 avril 2016 L’architecture du chaos selon Ballard, avec Ben Wheatley en maître d’ouvrage servi par la charpente de Tom Hiddleston… Bâti sur de telles fondations, High-Rise ne pouvait être qu’un chantier prodigieux, petits vices de forme inclus.
Mardi 22 mars 2016 Pâques vous casse les œufs ? Optez pour une alternative certes moins cacaotée, mais enrichie en sensations filmiques : Hallucinations collectives, un (...)
Mardi 31 mars 2015 Cette année, Hallucinations Collectives a fait une récolte proprement mirifique en ce qui concerne les inédits et avant-premières soumis à appréciation du jury, (...)
Mardi 31 mars 2015 Il faut l’avouer, Christophe Gans a longtemps été un de nos héros. De ceux qui nous ont fait découvrir des cinéastes majeurs comme Carpenter, Friedkin, Tsui (...)
Mardi 31 mars 2015 Le festival Hallucinations collectives s’impose désormais comme un rendez-vous incontournable pour les cinéphiles lyonnais. Cette année, entre une compétition de films inclassables, des raretés empruntées à l’histoire bis du cinéma et l’invitation...
Mardi 15 juillet 2014 Tournée dans la foulée de "Prisoners" avec le même Jake Gyllenhaal, cette adaptation de José Saramago par Denis Villeneuve fascine et intrigue, même si sa mise en scène atmosphérique se confond avec une lenteur appuyée.
Christophe Chabert
Mardi 15 avril 2014 En filigrane d’une septième édition riche en invités, films rares et avant-premières célébrant le cinéma différent et dérangeant, le festival Hallucinations collectives fait une place aux vengeurs de tout poil et de tous calibres, défendant des...
Vendredi 24 janvier 2014 De et avec Kenneth Branagh (ÉU, 1h45) avec Chris Pine, Keira Knightley…
Mercredi 6 novembre 2013 Une actrice, un metteur en scène, un théâtre et "La Vénus à la fourrure" de Sacher-Masoch : un dispositif minimal pour une œuvre folle de Roman Polanski, à la fois brûlot féministe et récapitulatif ludique de tout son cinéma.
Christophe Chabert